Les Sundarbans, 10 ans après Regard

Le pays des Marées – Amitav Ghosh

·      Il ne s’agit plus ici du Blangladesh, à majorité musulmane, mais de l’Inde, hindouiste, très proche de la frontière.

·      1994, date du voyage de Regard au Bangladesh, est déjà loin dans nos mémoires ; « Hungry Tide »   (titre original), écrit en 2004, décrit pourtant les mêmes franges indécises, confins entre terre et eau, entre mer et forêt, entre les habitats de trois prédateurs, l’homme, le tigre, le crocodile.

·      L’eau amollit, dilue ; la moiteur, la sueur, imbibent ; le vent arrache ; la mer envahit, avale, travail de chaque marée ou saccage du cyclone ; « La marée affamée » était peut-être le meilleur titre en effet, plus en communion avec le sentiment de déliquescence qui se dégage de cette contrée ; l’image de la page de garde est trompeuse, pas de montagne en arrière plan, l’Himalaya  est très loin, et les Chittagong Hill Tracts sont dans l’Est du delta

·      Oui les Sundarbans sont bien ce pays de l’impermanence que nous avons côtoyé en 1994 :

Mongla, la ville, et sa mangrove plus au sud, pays où tout s’effiloche, même le temps ; rives frangées de minuscules paillotes où des filles attendent, quelques  décimètres au dessus de l’eau ; rives impénétrables frangées d’immenses palmes enchevêtrées,  mangrove à peine observée, en bhotbhoti, le temps d’une respriration de la mer sous la protection rapprochée de gardes armés, avec l’interdiction de descendre du bateau pour fouler la boue grise dans les palétuviers, danger ? Chat du Bengale ? Crocodile ? Contact non autorisé avec des tribues insoumises ? Difficile d’évaluer avec précision ;

Sandwip, grande île du delta, protégée des marées et de la vague de cyclone  par sa digue en terre, si fragile qu’elle s’en va dans la mer comme les lambeaux des rives des chars tombent dans la Jamuna et qu’elle n’a pas de port où le bateau ne peut y accoster; île accueillante, avec maison des fonctionnaires de passage, en dur, qui nous hébergea, avec ses routes en brique qui serpentent entre les villages des huttes, avec son peut-être bien unique rickshaw à moteur, emprunté pour aller à la rencontre d’un groupe de travailleuses rendues indépendantes par le microcrédit, discussion dans un abri anticyclonique, seule construction en béton du village, capable d’entasser une partie de la population  féminine dans un 1° étage fermé, et de protéger un peu les hommes, en terrasse, ouverte mais bordée de murs, où la sécurité est dans le nombre, chacun agrippé à l’autre ; grande île qu’on nous demanda de quitter un peu précipitamment pour cause de tempête annoncée, en avance cette année là, pas encore un cyclone, trop tôt dans la saison.

Zone de Texte:  
http://www.cyclonextreme.com/cyclonedicoeffets.htm

·      Bien sur « Le pays des marées » est un roman, la tempête vraie n’est pas tsunami, mais l’onde de cyclone est meurtrière ; dressée par les vents tournant autour de l’œil, elle vient renforcer l’inflation de la mer sous l’effet de la dépression, et sa hauteur peut atteindre 7m, et sa durée aller de 10mn à 1h ; la lecture de Ghosh donne à comprendre la liquidité des sols, la mouvance des rives, la confrontation homme animal qui nous valut une garde armée, et peut-être aussi la confrontation entre l’autorité administrative territoriale et l’homme qui n’a rien d’autre que sa barque effilée, son lungi, et une famille à nourrir.

·      Nous n’étions pas là pour étudier le cétacé mais pour donner aux élèves à comprendre en quoi la volonté des nations riches d’endiguer les rives de ces deux grands fleuves (Brahmapoutre et Ganges) pour mettre le delta Bangladesh à l’abri des inondations, pouvait être facteur de développement (souvent pour les plus riches) et porteur d’exclusion (souvent pour les plus pauvres). Nous voulions aussi les confronter à la nature et à l’échelle des solutions proposées en regard de celles du problème posé. Sur tous ces points de vue, la lecture du roman de Amitav Gosh est remarquable, complément pour nous qui avons eu la chance d’y être accueillis, introduction au carnet de voyage que nous vous proposons,

http://www.emse.fr/~bouchardon/enseignement/regard/videobd.htm