II° partie : Ecosystème deltaïque
Extraits de
-
James Molina -
avec
la collaboration de Eric Coulet, Patrick Grillas et Nicole
Yavercovski
Brochure remarquable, que nous conseillons
fortement de vous procurer pour une lecture complète
e-mail : info@parc-camargue.fr
http://www.parcs-naturels-regionaux.tm.fr/lesparcs/camab.html
Un paradoxe sur le
bord de
Le seul
approvisionnement en eau douce vient de la pluie ou de la rosée. Comme le sable
est très poreux, les eaux
s'infiltrent rapidement. Cependant, dès qu'il fait sec, elles remontent
naturellement par capillarité et
s'évaporent. Du fait de la taille des grains de sable, la frange de remontée
capillaire n'excède pas cinquante
centimètres. Aussi sous la dune où l'eau s'est également infiltrée, l'épaisseur
de sable est trop importante et l'eau
reste prisonnière. Petit à petit, elle s'accumule et constitue une réserve importante : la lentille "sous-dunaire".
La nappe d'eau douce
repose sur une nappe souterraine, le "coin salé". Étant plus légère,
elle ne se mélange
pas avec la nappe salée. La lentille d'eau douce alimente toute les plantes de
la dune.
Malgré
la lentille d'eau douce, la dune est un habitat où sévit une forte sécheresse.
Quand le vent est au nord, il accentue énormément son effet. Venant du sud, il dépose
des embruns salés, qui en se desséchant occasionnent des brûlures sur les feuilles des
plantes. Lors de violentes tempêtes, cette action se fait sentir loin à l'intérieur
des terres, notamment sur les pins et les cyprès dont les flancs exposés aux vents marins
présentent une teinte roussie.
Pour lutter contre ces
deux phénomènes (sécheresse et embruns), les plantes possèdent des adaptations
morphologiques particulières. Les feuilles ou les tiges charnues permettent de
stocker de
l'eau et de l'utiliser quand il ne pleut pas. Les feuilles enroulées diminuent
leur surface transpirante. Les surfaces silicifiées ou les cuticules épaisses
limitent l'évaporation, mais protègent également les feuilles contre les brûlures occasionnées
par les embruns.
rejet d'Euphorbe des sables (Euphorbia paralias).
La présence de la dune
définit deux domaines où les conditions de vie sont distinctes.
D'un côté s'étend la plage, espace où le minéral domine, avec parfois
quelques touffes de plantes éphémères. Les conditions de vie sont difficiles et
aléatoires. En effet les intrusions périodiques de la mer donnent naissance à de
véritables petites lagunes, perchées sur les plages : les
"empleins".
De l'autre côté, le contraste vient d'une végétation fournie dès le pied
de la dune. La lentille d'eau douce sous-dunaire entretient ce milieu doux et humide.
Mais plus on s'écarte de la dune et plus l'influence du sel réapparaît. En fonction de la
"qualité" des eaux dans le sol, les végétaux trouvent un optimum écologique, qui tient compte de
leurs exigences propres et de la concurrence des autres plantes.
Schématiquement les plantes se répartissent en ceintures de végétation.
Partant du pied de la
dune où le milieu est sous l'influence de l'eau douce, vers des zones plus basses et plus salées,
les espèces se succèdent le long d'un gradient de salinité. L'Imperata (Imperata cylindrica) est encore installé sur
la partie basse de la dune souvent avec le Scirpe de Rome. Il supporte des
mouvements lents de sable et est
souvent installé sur des dunes aplanies. Il plonge ses racines dans l'eau
douce, mais se trouve repoussé vers le milieu dunaire par
Parmi les plantes de la prairie qui s'étend
au pied de la dune, le Choin se reconnaît à
ses fleurs noirâtres et le Lin maritime à ses corolles jaunes et
fragiles. Plus loin poussent des joncs qui se contentent d'une eau plus
saumâtre.
Dans les creux inter-dunaires, les lentilles d'eau douce se rejoignent et
des prairies denses s'installent. Les plantes se font une âpre concurrence au
niveau du sol pour profiter de l'eau et des éléments nutritifs. La plupart des espèces sont des
vivaces et possèdent de grandes racines ou de gros rhizomes. Les moins concurrentielles sont
repoussées vers des zones où le sel est présent. A la faveur de petites trouées dans la
végétation, des plantes annuelles peuvent faire de fugaces apparitions. Ces
prairies maritimes évoluent naturellement vers des fourrés arbustifs de Tamaris
et de
Filaires, qui tolèrent un peu de sel dans le sous-sol exploré par leurs
racines.
En périphérie de la
dune, dès que l'influence de la lentille sous-dunaire s'affaiblit, apparaissent
les saladelles et les différentes espèces de salicornes, témoins d'une
influence marquée du sel.
Une des conditions
essentielles de la survie des plantes, est de pouvoir réagir à l'ensevelissement. Seules des
plantes aux systèmes souterrains développés peuvent pousser sur la dune vive.
Puisant dans leurs réserves (rhizomes ou racines), elles sont capables
d'émettre très rapidement des tiges et des feuilles pour atteindre la surface et ne
pas périr ensevelies.
De même lors de
déchaussements occasionnés par des tempêtes, leur système racinaire leur permet de ne pas être
arrachées et de redémarrer avec de nouvelles pousses.
Tant que les facteurs
du milieu (sable et vent) agissent, les dunes vives se maintiennent et s'agrandissent. Une
fois les conditions initiales atténuées, elles peuvent se stabiliser et évoluer vers des
dunes fixées.
A la fin de la dernière glaciation, le niveau général des mers
était plus bas de
quelque cent mètres. Les eaux étaient alors retenues dans les glaciers et les banquises. Rapidement avec les réchauffements climatiques, le niveau des eaux s'est élevé. La mer a
amorcé une transgression sur les terres émergées constituées d'assises
caillouteuses, déposées antérieurement par
le Rhône et des
avancées et des reculs.
La formation de
La deuxième phase a coïncidé avec une accalmie suite
à un recul de la mer, pendant laquelle s'est installé un important cordon
littoral en Basse Camargue, limite que
la mer n'a jamais plus franchie. Une Camargue marine s'individualisa dans la partie
basse du delta, composée de
lagunes et
d'étangs salés largement ouverts sur
la mer.
Pendant la troisième phase, malgré
une forte élévation du niveau marin, la mer n'a pu reconquérir un espace perdu et a reculé devant les
alluvions du Rhône qui édifiaient le
delta.
En Haute Camargue, les différents bras du fleuve ont déposé
d'importants bourrelets alluviaux, isolant des dépressions marécageuses.
En même temps que les débordements adoucissaient les
milieux, les limons colmataient les étangs.
Pas moins de douze Rliônes différents ont contribué à
construire le delta.
Un phénomène général affecte toutes les
plages du monde : le niveau des mers monte de plus d'un millimètre
par an, soit près de quinze centimètres depuis la fin du siècle dernier. Les
côtes basses y sont très sensibles. Force
est de constater aujourd'hui que la côte recule par endroits (plage de Faraman,
plage des Saintes, et tout le littoral languedocien). Non seulement des
plages et des dunes sont en péril mais aussi des ouvrages humains sont menacés
(village des Saintes-Maries, Salins du Midi).
Si au début du siècle,
le Rhône charriait encore de vingt à quarante millions de tonnes de sédiments par an, ce chiffre est passé
de un à quatre millions. Les nombreux endiguements et barrages qui affectent son cours et
celui de ses principaux affluents en sont la principale cause.
Pour protéger le trait
de côte, des épis rocheux furent installés. Outre un impact esthétique discutable, une mise en
oeuvre assez lourde, leur efficacité ne fut pas toujours à la hauteur des espérances.
Cependant dans trois secteurs de Camargue les côtes progressent. En effet, à l'Espiguette, à
Beauduc, et à l'embouchure du Grand-Rhône, l'alluvionnement est excédentaire
par rapport
à l'érosion marine.
Après la tempête
particulièrement violente de novembre 1982, l'importance du cordon dunaire fut prise en considération.
Écosystème fragile avec des plantes et des animaux particuliers et inféodés à
ce milieu, les dunes sont également une barrière qui protège les terres des
incursions marines. Elles sont aussi un attrait important pour le tourisme même si elles en
subissent les conséquences.
En général elles sont
hors d'atteinte des plus hautes vagues, mais lors des fortes tempêtes elles en amortissent les
coups de boutoir. Une fois déstabilisées, elles prêtent le flanc à l'érosion
éolienne.
Reconstruire les dunes,
c'est leur redonner un modelé et une dynamique pour permettre à l'écosystème de
se reconstituer. En premier lieu il faut piéger le sable, qu'il soit transporté
par le
vent ou apporté par les vagues. Des obstacles perméables au vent et aux vagues
sont utilisés
comparaison entre les
relevés 1999 et 2002 sur la partie de littoral située à l’est de
Pour qui arrive en Camargue après avoir traversé la
plaine de
Les plans d'eau camarguais sont caractérisés par un gradient croissant
de salinité du nord au sud du delta. Mais leur salinité varie au cours de l'année
sous l'influence du climat ou des activités agricoles qui se déroulent sur leurs
marges.
Les marais d'eau douce ont des eaux très peu salées ne dépassant pas deux
grammes par litre. Les étangs saumâtres ont une salinité variable. En dessous
de douze grammes par litre, ils sont considérés comme faiblement saumâtres. Ce seuil
correspond à la valeur jusqu'à laquelle la roselière se maintient en
relative bonne santé. Quand la teneur en sel augmente, la roselière dépérit.
Les lagunes
correspondent à des teneurs bien plus élevées atteignant plus de cent grammes
au plus fort de l'été. Elles sont régulièrement en communication avec la mer, mais
peuvent en être coupées en été.
Une des grandes caractéristiques des milieux aquatiques camarguais tient
dans leur durée d'inondation. En régime naturel, entièrement soumis au climat
méditerranéen, ils ont tendance à s'assécher l'été. Parmi ces milieux, certaines mares
temporaires occupent une place privilégiée car elles sont uniquement alimentées par les
pluies. Plantes et animaux se sont adaptés à ces conditions diverses et
aléatoires.
Les zones deltaïques
comptent parmi les plus productives au monde. Leurs habitats naturels ont une grande importance
biologique non seulement pour les poissons et la pêche, mais aussi pour les oiseaux migrateurs
ou sédentaires. Les grands plans d'eau libre servent de "remises"
diurnes pour
des légions de canards alors que les marais herbeux sont des zones
d'alimentation nocturne. Les vasières des lagunes attirent en période de migration
des quantités de limicoles et font de
Il n'existe pas
d'étangs complètement doux en Camargue. Ils sont tous à un moment donné de l'année faiblement
saumâtres. En effet, l'influence de la nappe salée souterraine issue des sédiments mêmes
constituant
La faible salinité des
eaux se traduit dans le paysage par la présence des roselières. Le roseau est
une grande
graminée qui se propage rapidement grâce à de gros rhizomes. Il envahit les
fossés, les
marais peu profonds et parfois les rizières où il devient une plante
indésirable. Avec l'avènement de l'agriculture irriguée depuis l'après-guerre, le roseau
est en pleine expansion dans la moitié nord du delta. En bordure des étangs profonds,
la roselière reste cantonnée sur les marges.
Voisine du roseau, Ia Canne de Provence est une plante
originaire d'Asie, naturalisée sur les digues ou le bord des chemins.
Initialement plantée à des fins agricoles ou pour servir de haies brise-vent,
elle a été l'objet dans les dernières décennies de tentatives de culture pour
en tirer de la cellulose et pour des essais de chauffage. Mais ils se sont
avérés guère concluants, pour des problèmes techniques de broyage. De plus,
Les milieux humides
camarguais sont dépendants des conditions climatiques pour leur approvisionnement en eau.
D'une part, le climat local méditerranéen est aléatoire, et d'autre part un
climat même
lointain peut influer sur le régime pluvial du bassin versant (et sur la fonte
des neiges) alimentant
le fleuve. En régime naturel, les milieux humides sont soumis à de fortes
variations de
niveaux. Ils sont plus ou moins temporaires, et parfois se retrouvent à sec de
longues périodes pendant lesquelles le sel de la nappe souterraine joue un grand rôle.
Aujourd'hui, les cultures irriguées ont changé la vocation de nombreux milieux
temporaires.
Les marais temporaires sont normalement
soumis à une alternance de phases sèches et de phases inondées. Alimentés par les eaux de pluie, leur régime est généralement
doux lorsqu'ils sont en eau.
Avec l'avancement de la
saison, ils deviennent faiblement saumâtres par concentration des sels dissous, avant de
s'assécher complètement au cours de l'été.
Au printemps, ils se
recouvrent d'une myriade de fleurs de Renoncule de Baudot aux fragiles pétales blancs. Certaines
espèces sont bien adaptées à ces "cycles" et occupent. ces habitats
aux conditions de vie particulières et difficiles. La plupart sont des annuelles,
capables de boucler leur propre cycle biologique dans des délais très brefs, soit en phase
sèche, soit en phase humide. Beaucoup présentent des dormances au niveau de leurs semences.
Ainsi, seule une part des graines est investie dans un cycle. Si les conditions sont
favorables pour que le cycle soit bouclé, l'espèce se perpétue. Mais si les conditions
sont défavorables pour un aléa quelconque, il reste un stock de graines viables
dans le
sol : la "banque de graines".
A la faveur de séries d'années
humides, certaines plantes vivaces peuvent s'installer durablement et coloniser petit à petit tout le milieu,
ne laissant plus d'espace libre pour les espèces annuelles.
Ainsi fonctionne le
Scirpe maritime ou Triangle, dont le rhizome souterrain, renflé en bulbes, est chargé de réserves
et lui permet de coloniser l'espace en peuplements denses. Il s'agit d'une espèce très dynamique,
favorisée par les immersions et les apports d'eau douce. Il s'installe abondamment à l'heure
actuelle dans les rizières ou dans les fossés. Ses bulbes sont une aubaine alimentaire pour les
sangliers qui en raffolent au point de labourer littéralement le marais pour les rechercher. De
fait, ils rajeunissent le milieu et créent des ouvertures favorables aux
plantes annuelles qui peuvent à
nouveau s'exprimer, si les conditions climatiques s'y prêtent.
Les étangs saumâtres
caractérisent pleinement
Dans les années 40, la salinité du Vaccarès a atteint la valeur
de 130 grammes par litre. Par la
suite, elle est restée en moyenne très
basse (3 à 7 grammes par
litre) à cause des arrivées massives d'eau d'origine
agricole. Cependant, la déprise de la riziculture ajoutée à une sécheresse importante dans les années 80, a conduit à des niveaux exceptionnellement bas induisant des remontées de sel à partir de la nappe souterraine.
De plus, les entrées
d'eau de mer lors de la tempête de 1982
ont accentué ce phénomène. La salinité a
atteint 32 grammes par litre en 1984 puis a régressé jusqu'en 1993 pour titrer
15 grammes par litre, avant de s'effondrer à
6 grammes par litre avec les inondations de décembre 1993 et janvier 1994.
Le Vaccarès est en
relation avec les étangs inférieurs salés (les Impériaux, le Malagroy,
Le Vaccarès est
avant tout le cœur de
Plans d'eau les plus proches de la mer, ils comptent parmi les plus
salés. Ceux
qui sont situés au sud de la digue à la mer sont régulièrement en relation avec la mer pendant l'hiver.
Mais en plein été les communications se
coupent. Ils sont relativement pauvres au niveau floristique car la présence de sel entraîne des conditions de vie particulièrement
limitantes. Leur faible profondeur entraîne un assèchement rapide en été,
ajoutant le caractère d'alternance de phases humides et de phases sèches. Seuls des Ruppias ou le très rare Althenia peuvent accomplir leur cycle en phase aquatique, et des
salicornes annuelles pousser sur leur bordure en période sèche.
Ils jouent cependant un grand rôle dans les échanges d'eau
entre le
Vaccarès et la mer. Grâce à leurs sédiments en grande majorité sableux et filtrants, ils
permettent des remontées de sel à partir de la nappe souterraine sursalée. La
mer, par l'intermédiaire du coin salé dont l'influence se fait sentir jusqu'au delà de
la digue à la mer, exerce une forte pression sur la nappe souterraine qu'elle fait
remonter et affleurer au niveau
des étangs inférieurs.
Le phénomène est particulièrement
évident par vent de sud, quand, d'une part la mer est en charge, et d'autre part les eaux
des étangs sont refoulées vers le nord sous l'effet du vent. Ainsi une quantité
notable de
sels dissous peut pénétrer dans le système des étangs et remonter vers le
Vaccarès. Ceci
compense en partie les pertes dues aux écoulements de surface vers la mer par
vent de nord, quand les vannes
sont ouvertes.
Paysages,
camarguais tppiqucs, les
"sansouires" nommées parfois "enganes".recouvrent des milliers d'hectares d'une apparente
monotonie.
Dans la limpidité
cristalline des ciels d'hiver, quand le vent du nord a chassé les derniers nuages, les sansouires se parent pourtant
de mille reflets où se décline toute la gamme des verts
rehaussée pur un camaïeu de teintes rouges. Plus tard, sous 1a chape de plomb de l'été quand les salicornes font
le gros dos, les saladelles egaient les pelouses et les sansouires de
leurs fleurs mauves ou bleutées.
Seule formation buissonnante des sols
salés, la sansouire est d'une faible
diversité floristique. La présence de sel en est la principale cause et les plantes y
sont extrêmement adaptées. Aux
contraintes du sel s'ajoutent celles de l'eau. Inondant les sansouires durant de longs mois, elle bloque toute pousse végétale en rendant le
sol complètement "asphyxique". Au fur et à mesure que la saison s'avance, l'eau s'évapore et le sol se craquelle. Sévit alors une intense sécheresse.
Aussi, peu d'espèces sont capables
d'endurer de telles conditions extrêmes.
Les sansouires restent un des rares
espaces naturels existant sur les côtes françaises, où la pression humaine se fait de plus en
plus forte.
Ces sansouires occupant
les terres basses, et les prés salés sur les zones plus élevées, sont des terres traditionnelles de pâturage extensif. Mais
pour les besoins d'une agriculture grande consommatrice d'espaces (le riz), les pelouses ont été en partie grignotées. Par voie de conséquence, la pression pastorale a fortement augmenté sur les pâtures restantes, déstabilisant parfois
certains espaces de sansouires et de pelouses.
Présentes
sur tous les rivages de France, les salicornes sont particulièrement abondantes
sur les côtes basses du Languedoc et de Camargue. Elles sont reconnaissables entre mille à leurs jeunes tiges articulées et charnues. Chaque article correspond
à un morceau de tige et à deux
ébauches de feuilles décalées d'un
angle de 90° d'un article à l'autre.
Elles montrent des fleurs rud.imentaires à la fin
de l'été. Un caractère remarquable et
appréciable par tout un chacun, est
leur goût salé. Cette particularité n'est d'ailleurs pas l'apanage des
seules salicornes, mais celui de nombreuses plantes grasses du
littoral.
Appartenant à la même famille,
les salicornes annuelles se reconnaissent à leur enracinement superficiel.
Deux espèces annuelles
distinctes coexistent sur les côtes méditerranéennes
françaises.Elles sont assez difficiles à distinguer et généralement regroupées sous le nom deSalicorne herbacée - Salicornia herbacea.
Les plantes des sols salés sont souvent
regroupées sous le terme d'halophytes (du grec halos : sel et de phyton : plante).
De fait, deux catégories de plantes peuvent se distinguer
·
les halophytes peuvent vivre sans sel
mais le supportent
jusqu'à des concentrations variant d'une espèce à l'autre.
·
les halophiles (de philos : ami) pour lesquelles le sel est un élément
indispensable à leur
développement.
La grande ressemblance
de beaucoup de ces plantes entre elles, mène à deux constatations
- d'une part, beaucoup
d'entre elles appartiennent à un même groupe botanique, la famille des Chénopodiacées.
Les plantes de cette
famille possèdent des fleurs souvent verdâtres et très peu visibles. Elles ont
en outre la particularité de
toutes pousser sur des sols riches en sels (sols littoraux, sols fumés et
rudéraux*).
- d'autre part au delà de leur appartennance
botanique, les plantes de la sansouire présentent des convergences
morphologiques très nettes.
Fréquente chez les
plantes des milieux secs, elle est interprétée comme une réponse adaptative à la sécheresse. Les
plantes emmagasinent l'eau dans leurs feuilles et leurs tiges. Pourtant dans la sansouire, l'eau ne
manque guère... mais c'est de l'eau salée !.
Plus il y a de sels
dissous dans le sol et plus la pression osmotique augmente. Son effet pour les plantes se traduit
par une plus grande difficulté à absorber l'eau. Les sols salés sont même comparés à des sols
"physiologiquement secs" malgré leur nature "mouillée".
Economiser l'eau devient une nécessité vitale pour les plantes. Petit à petit, elles
constituent des réserves d'eau dans leurs tissus, qui en deviennent gorgés.
L'absorption de l'eau
dépend également du rapport entre la pression osmotique interne de la plante et celle du sol. Pour
augmenter la pression osmotique interne, chez certaines espèces existent des mécanismes
intracellulaires de fractionnement des grosses molécules organiques. Aux mêmes fins, d'autres espèces
absorbent des quantités mesurées de sodium, ce que révèle leur goût. Cette particularité a
depuis longtemps été exploitée par l'homme.
Le sel a l'inconvénient
majeur d'être toxique pour bon nombre d'espèces qui végètent puis meurent dès que des traces de
sel apparaissent dans le sol.
Au niveau de leurs
racines et de leurs radicelles, les plantes de la sansouire possèdent des
barrières physiologiques
très efficaces qui leur permettent d'absorber préférentiellement les minéraux indispensables et de
refouler le sodium et les chlorures en excès.
Une des façons de
l'éliminer est de le stocker dans les parties les plus âgées (et souvent
caduques des plantes), afin de préserver les organes vitaux : bourgeons, fleurs ou
fruits. Les vieilles feuilles jouent ce rôle et en tombant éliminent ainsi le sel. Dans
le cas des salicornes, les articles à la base des tiges se desquament après s'être
desséchés, et remplissent la même fonction.
Par incinération, la soude produit des cristaux utilisés en savonnerie, ou comme fondant dans la fabrication du verre. Du 13'au 19esiècle, la soude fut largement cultivée en Camargue pour être commercialisée
vers
La végétation des sols
salés n'est pas uniforme dans le détail. Chaque espèce a des exigences propres, en fonction
de sa stratégie de reproduction ;
elle présente des préférences écologiques
liées à la salinité, à la permanence
de l'eau au cours de l'année, à la texture ou à la chimie du sol.
Les sansouires sont
composées d'une mosaïque de milieux répondant à des situations écologiques particulières.
Les sols
argilo-limoneux gorgés de sel sont colonisés par des peuplements
presqu'exclusifs de salicornes. Les petits accidents de relief favorisent l'une ou l'autre
des espèces. Les radeaux recouverts
de salicornes, semblent flotter à la surface des lagunes salées, d'où leur nom.
Le relief induit des variations de salinité. Ces accidents,
parfois infimes, ont des répercussions écologiques
importantes. En effet, dès qu'une butte émerge des eaux suite à la baisse des
niveaux d'eau en été, l'évaporation intense
qui se produit, permet de drainer par capillarité l'eau sursalée du sous-sol. En s'évaporant, l'eau dépose son sel
en surface. Ainsi les buttes, pourtant plus "éloignées" de la nappe salée, ont-elles un sol superficiel
très concentré en sel.
En zone laguno-marine,
les sommets de butte sont souvent occupés par la salicorne la plus halophile et la plus
tolérante aux fortes concentrations de sel,
La salicorne radicante est la plus exigeante en eau.
Elle affectionne les bas-fonds inondés et
se retrouve très fréquemment au bord des étangs. Sa présence est trahie à
l'automne par une couleur rouge
vineuse intense. La salicorne en buisson tolère des concentrations moins importantes en sel que
Dans les
"bas-fonds", où une eau très salée séjourne longtemps, réapparaît
Les baisses sont des zones de sol nu, asséché tard en été, où le sol
devient trop salé pour que des espèces s'installent durablement. C'est là
qu'apparaissent parfois les salicornes annuelles, obligées de boucler
leur cycle biologique en un laps de temps très court avant la remontée des
eaux.
Cependant, les plantes sont rarement réparties selon des schémas aussi
simples. Les relations du sol superficiel avec la nappe salée sont subtiles et
complexes. Elles dépendent non seulement des matériaux constituant le sol de leur origine, mais
encore de la profondeur de la nappe salée. Elles sont également soumises aux pressions
respectives qu'exercent les plans d'eau de surface les uns sur les autres.
Les plans d'eau de Camargue peuvent communiquer librement en surface par
des chenaux ou des baisses sous l'action de la gravité ou des vents. Mais en sous-sol,
l'imperméabilité des sédiments interdit tout mouvement latéral de l'eau. Les
communications se font par pression interposée. Les plans d'eau de surface exercent sur la
nappe salée une forte pression qui se répercute latéralement, et fait remonter
la nappe salée dans les secteurs hors d'eau. Ainsi à l'heure actuelle en Haute Camargue, le
poids de l'eau d'irrigation des rizières fait affleurer la nappe salée dans des terres auparavant
exemptes de sel.
Dans un pays où règne
le sel, les espèces moins adaptées que les salicornes ou les saladelles, recherchent des
habitats soumis à l'eau douce. Les moins armées sont rapidement éliminées ou repoussées vers des
milieux plus secs ou plus salés. Certaines accomplissent leur cycle biologique quand
l'action du climat permet un dessalement de surface du sol. Les plantes les
plus compétitives recherchent les milieux doux.
Dans les milieux
terrestres humides, deux types de prairies maritimes peuvent se distinguer en
fonction de leur hydromorphie liée au microrelief : les
pelouses basses et les pelouses hautes.
Les pelouses basses
sont un milieu inondé en hiver par les pluies. C'est essentiellement le domaine du
jonc maritime, des graminées vivaces et de
Ce sont des milieux à
forte productivité. Au milieu de l'été, la sécheresse relative et les remontées salines du
sous-sol ralentissent la végétation. Le relais est alors pris par les saladelles
dont les fleurs apparaissent au mois d'août. Dans les zones où le sol est
franchement trop salé, les pelouses cèdent la place aux sansouires, avec un terme de passage
représenté par le Dactyle des rivages ou Traînasse, dont le nom évoque les longs stolons.
Entre l'inondation de
l'hiver et le sol salé de l'été, certaines espèces ont choisi de vivre au
printemps. Profitant
du régime des pluies qui dessalent le sol en surface, les annuelles
accomplissent rapidement leur cycle biologique avant l'été.
Ces pelouses
apparaissent sur des reliefs de l'ordre du mètre, où le sol superficiel est
totalement dessalé.
Mais s'affranchissant du sel, les plantes tombent sous le joug du climat
méditerranéen qui s'impose par une intense sécheresse estivale.
Face à cette contrainte, il existe deux
façons de se comporter : résister ou
esquiver.
Résister consiste à supporter la sécheresse grâce à des
adaptations morphologiques. Les feuilles enroulées du Brachypode de Phénicie, ou celles coriaces
et vernissées du Filaire à feuilles étroites permettent d'économiser l'eau, au plus
fort de l'été.
Esquiver revient à se développer quand les conditions climatiques
sont clémentes et à disparaître pendant l'été qui, rappelons-le, est la "saison
morte" sous le climat méditerranéen.
Les plantes à bulbes
comme les orchidées par exemple, sortent leurs premières feuilles dès l'automne. Après la
floraison printanière, les parties aériennes se dessèchent et la plante, grâce
à ses bulbes
chargés de réserves, attend la prochaine saison de pousse.
Les plantes annuelles
ont un cycle végétatif court et se perpétuent d'une année sur l'autre par des graines, organes
particulièrement résistants.
Ces pelouses maritimes
sont souvent dominées par des papilionacées, trèfles et luzernes annuels en tapis denses et
colorés. Elles sont particulièrement répandues sur les bords de route, qui ont emprunté toutes les
élévations pour éviter les marais. Les conditions de vie ne sont pas aussi
sévères que
celles des garrigues rocailleuses. Une relative fraîcheur y règne comme en
témoigne la présence de
Dès que le relief
s'abaisse et que des traces
de sel apparaissent dans le sol,
le Chiendent (Elytrigia littorale = Agropyron pycnanthum) se montre de plus en
plus fréquent et assure la transition avec
les pelouses basses de joncs et de saladelles.
Les pelouses hautes
restent toujours hors d'eau notamment en hiver. De fait elles ont à supporter
une pression pastorale assez
forte à cette saison. De plus une grande partie des espaces traditionnels de pâture ayant disparu au profit de l'agriculture,
elles sont de plus en plus sollicitées et deviennent surpâturées.
Elles sont aussi un véritable
paradis pour les lapins qui peuvent creuser leur galerie et mettre bas dans des terres
toujours au sec.
Leur action de broutage
contribue à maintenir au stade de pelouse ce milieu qui tendrait naturellement vers des fourrés de Filaire et
de jasmin.
La toute première mention du riz dans le delta, remonte à l'époque de
François 1'f.
C'est à
partir du
milieu du 19' siècle qu'il apparaît de manière régulière mais
encore très marginale. A cette époque avant de planter la vigne, les terres
étaient ensemencées en riz avec pour objectif leur dessalement préalable.
Vers 1950, le riz est devenu
une composante majeure de l'économie camarguaise. La surface emblavée a culminé en 1964 à 32 500 hectares sur l'ensemble
de la basse vallée du Rhône. Une période d'abandon progressif lui a succédé jusqu'en 1981. Par la suite la culture
a repris pour
occuper 25
000 hectares
en 1995* dont 15 000 dans le territoire du
Parc naturel régional.
La riziculture est grande consommatrice d'espace. Primitivement installée
sur les terres agricoles habituelles de
C'est aussi une grande
consommatrice d'eau : en
moyenne vingt-cinq mille mètres cube par hectare et par an sont nécessaires. De puissantes pompes tirent l'eau
du fleuve, et la déversent dans un réseau d'irrigation
complexe.
Le riz Orv:a .salira est une céréale aux grains tuniqués.
Contrairement a la
grande majorité des ordres céréales. les balles restent adhérentes au grain. Il est nécessaire de le
décortiquer pour obtenir le riz blanc
La
forêt camarguaise occupait la partie la plus haute et la plus douce du
delta, c'est à dire l'angle de
Ce mot a été récemment inventé à partir du latin ripa : la rive,
et du vieux français sylve, altération du latin silva : la forêt. Dans le passé, elle avait une aire
d'extension beaucoup plus vaste, et était constituée de chênes, comme en témoignent les textes anciens. Les Grecs
connaissaient déjà des forêts en
Camargue et les utilisaient pour réparer leurs navires. Au 171 siècle, il est
également fait mention d'une
"forêt d'Arles".
La ripisylve actuelle suit les anciens cours du Rhône, les canaux, et borde
de deux longues haies les deux
Rhônes actuels. Suite aux endiguements du fleuve, la ripisylve originelle a
pratiquement disparu du delta. Elle s'observe
encore vers l'embouchure du Grand Rhône où elle s'étire en un mince liseré
entre le cours d'eau et les sansouires avoisinantes. En s'approchant de la mer,
elle s'appauvrit pour ne laisser
subsister que des fourrés de Faux-indigotier puis uniquement de Tamaris.
Les arbres qui la dominent sans conteste et lui confèrent sa touche
particulière, sont les peupliers blancs souvent confondus avec des bouleaux* à cause de
leur tronc blanchâtre. Si quelques espèces s'aventurent sur les sols salés, comme le
Tamaris, l'Olivier de Bohème, ou le Filaire à feuilles étroites, la majorité des
essences arborescentes ou arbustives reste cantonnée dans la ripisylve sans
jamais s'aventurer
au dehors.
La ripisylve abrite une avifaune forestière peu commune en Camargue où
les grands arbres sont rares. Mais cette faune est certainement la moins typiquement
camarguaise, et présente de grandes affinités avec celle d'autres forêts françaises.