ENSM-SE / processus naturels / terre_ronde

Avertissement au lecteur

 

Malgré plusieurs années d’existence, des modifications diverses et des ajouts variés, ce poly n’est toujours pas un cours complet. Ce n’est d’ailleurs pas son objectif. Sans doute trouverez-vous parfois au long de ces cent quarante pages, ici ou là, un fourmillement rebutant de connaissances typiques d’un cours, trop (?) pointues. Mais son propos est in fine de venir en aide au lecteur dans sa compréhension des processus naturels en le baladant dans des échelles de temps ou d’espace très variés et en tirant ici ou là sur la pelote par de multiples brins.

Car l’homme est bien devenu la 1ere espèce dont l’activité influencera le futur de notre planète. Il ne faut ni s’en enorgueillir ni en avoir peur, mais garder à l’esprit que les générations que nous formons aujourd’hui auront à agir demain en étant capable de considérer leur action en termes de problèmes globaux, dans leur complexité et dans le respect de l’autre, animal, végétal, minéral. Pour ces générations, de plus en plus peuplées et actives, appréhender de manière globale les processus naturels devient nécessité, car ces processus sont au cœur de toute politique de mitigation [1] , véritable pilier du développement durable. Viser à limiter l'intensité de certains aléas tels que ceux liés à des phénomènes climatiques et géologiques impose en effet d’en saisir les processus et les interactions. Et même si nous devions en venir à considérer cette politique de mitigation comme inaccessible (en terme de coût aussi bien que de technique), il resterait à fournir l’indispensable effort d’adaptation aux changements d’environnement qui, de toute manière, attendent notre espèce et auxquels, de toutes façons, nous n’échapperons pas !

La dilapidation des ressources naturelles est, pour les combustibles fossiles, irréversible pour la fraction déjà consommée. Elle est peut-être même impossible à réduire pour les sociétés les moins industrialisées [2] . Face à cette situation, le plus dérangeant n’est pas tant la disparition d’une énergie quand d’autres sont renouvelables et seront largement à la disposition de l’homme dans le futur, que l’épuisement d’un gisement source d’une foule d’applications autres qu’énergétiques. Nous, « Homo-Industrialicus » aurons à porter la culpabilité de la disparition de cette richesse aux yeux de ceux qui suivront. Oui, sur ce plan là, l’irréversibilité des nos actes est lourde. Peut-être cette responsabilité imposera-t-elle un changement de comportement de nos sociétés ?

S’agissant d’éléments utiles à la fabrication de nos objets et outils manufacturés, l’épuisement de la ressource est virtuel. Le recyclage devenu la norme constituera le nouveau gisement, délocalisé et permanent, dont la raréfaction sera presque seulement dépendante de la taille de la population mondiale [3] .

L’utilisation des deux ressources vitales, l’air dont nous commençons à peine à saisir l’importance d’une gestion, et l’eau, tombée du ciel et donc toujours considérées comme bénédiction des dieux (utilisez à votre convenance le singulier ou le pluriel), seront au cœur des préoccupations humaines demain. Protéger et gérer nécessite une compréhension claire du cycle de l’eau et des interactions entre tous les réservoirs. Passant par nos besoins, cette eau merveilleuse rejoint un cours d’eau, « diluteur » muet des rejets dont nous le chargeons, dont nous ne connaissons que la surface. Parfois seulement (hélas), la vie de ce fleuve vient nous rappeler au détour d’une angoisse médiatisée que nous nous sommes forgé un vrai souci (eg. Les PCB du Rhône). Certes, les pays industrialisés ont pris conscience qu’ils ont les moyens de s’éviter des problèmes à venir et l’eau de nos rivières devient chaque jour moins sale. Pour le reste, l’immensité océanique si mal connue [4] sert encore trop souvent de boîte de Pandore à nos déchets, de garde-manger inépuisable (?), de moyen de circulation sans entretien pour nos marchandises [5] sur des bateaux pollueurs (fortunes de mer, dégazages, conteneurs etc.) parfois des quasi-épaves flottantes [6] … Tous ces problèmes ne sont pas récents. Le Nouvel Obs écrivait en 2000, N°1879, « 40 000 navires de plus de 300 tonneaux sillonnent en permanence les océans et un bateau rejoint tous les trois jours le fond des mers » et de rajouter, presque en commentaire par anticipation à notre propos, « Mais plus que naufrages et dégazages sauvages, c’est la terre et ses fleuves poubelles qui polluent massivement la mer »

Bref, inconsciemment ou pas, l’homme d’aujourd’hui a largement mutualisé ses déchets, et choisi une démarche communautaire conflictuelle [7] pour gérer la ressource. Il eut mieux valu une approche systémique à l’échelle de la ressource et des déchets générés, pour une gestion commune…

Toutefois, notre regard est en train de changer. La perception de la finitude du milieu qui nous accueille (espace et temps), dont la mondialisation n’est qu’une des manifestations, est en train de se faire jour. Elle vient s’ajouter à celle de la diversité croissante et non finie des connaissances indispensables à la prise en compte de la complexité des processus mis en jeux.

L’approche systémique de l’interface

géosphère ∩ Atmo-hydro-sphère ∩ biosphère

est une absolue nécessité pour mieux aider à comprendre et à réduire la vulnérabilité des enjeux qui nous attendent… Ce dernier point n’est déjà plus notre propos, et nous limiterons les objectifs de ce poly à fournir quelques    unes     des     clefs     indispensables     pour

appréhender les processus naturels

de manière globale.

Il s’agit là d’une obligation particulière, qui impose une remobilisation très forte de nos modes de fonctionnement. J’emprunterai à Edgar Morin la prise de conscience qu’il nous faut faire que la cause profonde du danger qui nous guette « est d'abord dans l'organisation de notre savoir en systèmes d'idées, de théories, d'idéologies », que la science peut, par spécialisation excessive,  conduire vers  « une nouvelle ignorance liée au développement de la science elle-même, à l'usage dégradé de la raison. Tant que nous ne relions pas les connaissances selon les principes de la connaissance complexe, nous restons incapables de connaître le tissu commun des choses… …les erreurs progressent en même temps que nos connaissances. N'est-il pas urgent de réinterroger une raison qui a produit en son sein son pire ennemi, la rationalisation?

Utiliser ce poly dans le but d’assembler vos savoirs en une trame vous donnant à lire la complexité du monde est beaucoup plus fondamental que d’apprendre par cœur tel ou tel nom de roche ou de minéral. C’est en le lisant que vous distinguerez quels sont les bagages nécessaires, quels viatiques il vous faudra porter pour connaître le tissu commun des choses sur 5.6 milliard d’années d’une histoire toujours renouvelée (à différentes échelles), de l’inerte au vivant, ou comme l’aurait dit C. Allègre, « de la pierre à l’étoile ».

De la sorte, j’espère que le promeneur trouvera dans cette lecture un tremplin vers de nombreux sites web ou bouquins et une aide pour relier entre eux les multiples savoirs qu’il aura ainsi acquis ou replacés.

                                                                Bonne lecture…

J.L.B.

ouvrages consultés et illustrations

 

 

Bonne lecture

 

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Introduction

Un trop bref historique

 

Une remarque s’impose : la géologie et sa sœur jumelle au combien plus âgée, l’astronomie, se distinguent considérablement des autres sciences car l’expérience qu’elles étudient est unique, et contient ses expérimentateurs. Ni l’astronome ni le géologue ne peuvent agir sur le milieu qu’ils étudient, pour des raisons d’échelle de temps ou d’espace, et ils doivent donc se contenter de l’observer ponctuellement de l’intérieur ; le risque de se tromper est donc grand ! Aussi, la collection des informations sur des temps qui dépassent souvent la durée de vie des observateurs a-t-elle joué et joue-t-elle encore un rôle essentiel dans le progrès de ces sciences. La bibliothèque d’Assurbanipal contenait au ~ [8] VII° siècle des tablettes astronomiques dont les plus anciennes remontent sans doute au ~XX° siècle. Ces tablettes évoquent la marche en zigzag des planètes par rapport aux constellations, et contiennent des tables des éclipses passées, qui servaient à prédire celles à venir. On comprend bien ici comment le développement de ces sciences passe largement par le stockage et l’analyse d’observations fiables, et donc parallèlement par l’accroissement des performances des instruments de l’observation. Toutefois, nous en arrivons vite à un tel degré d’accumulation de résultats, de multiplicité des méthodes d’études, que le nombre des paramètres mesurés devient trop important pour que nous puissions les appréhender dans leur ensemble. Cela nous force souvent à recourir à l’image (e.g. les cartes), dont « l’immanence » parle mieux à notre cerveau que de longues colonnes de nombres. Néanmoins, pour bien comprendre les systèmes naturels complexes, il devient urgent d’apprendre à combiner l’ensemble des informations, en se dépouillant de l’inutile par la sélection des observations, et en confrontant l’information à la théorie éphémère, dans un aller-retour ouvert et fécond sans hiérarchie de valeurs. Porte ouverte ? Il n’est que de regarder par exemple nos débats modernes qui rassemblent souvent Grands Scientifiques et Politiques pour constater que l’argumentaire idéologique est encore largement présent, et pas toujours seulement chez le Politique !…

La Terre est ronde est une idée apparue très tôt, dès le ~VI° siècle, mais qui n’est alors pas le fruit d’observations. Elle satisfait seulement les exigences philosophiques des Pythagoriciens, pour lesquels le nombre règle tout. Ainsi, la sphère étant «le volume le plus parfait», les distances des planètes doivent former une série harmonique de sphères concentriques tournant autour de la Terre. Avec Parménide, disciple de Pythagore, c’est aussi par souci d’harmonie que la Terre devient sphérique. La même philosophie est encore présente au ~V° siècle quand Eudoxe, élève de Platon, propose une représentation du mouvement des planètes par des mouvements circulaires uniformes, «seuls dignes de la perfection des corps célestes». Il faudra à Eudoxe un total de 27 sphères emboîtées, aux axes et vitesses de rotation bien choisis, pour rendre compte du mouvement des astres autour de la Terre. Le système de Ptolémée ne sera qu’une variante bien plus tardive, mais plus efficace, de ces tentatives géocentriques de représenter notre univers.

Zone de Texte:  
Aristarque de Samos 
Par contre, Anaxagore avait eu à la même époque (~V° siècle) l’intuition que les planètes et la Lune étaient des corps solides analogues à la Terre, lancés dans l’espace. Il en avait déduit que les éclipses de Lune résultent de l'immersion de celle-ci dans l’ombre de la Terre. Cette idée forte permettra l’observation de la rotondité de la Terre par Aristote au ~IV° siècle, grâce à l’ombre portée par la Terre sur la Lune lors d’une éclipse. Héraclide du Pont (~IV° siècle encore) eut quant-à lui l’idée remarquable de faire tourner la Terre sur elle-même pour expliquer le mouvement apparent des étoiles. Pour les Grecs cultivés de cette époque, la sphéricité des corps célestes ne fait plus de doute, et les notions de latitude et de longitude font leur apparition. Au ~III° siècle Eratosthène pratiqua la première mesure de la sphéricité de la Terre ; il avait noté qu’au solstice d’été les puits d’Assouan (Syene à l’époque) étaient inondés de lumière, alors que l’obélisque d’Alexandrie conservait une ombre. Estimant que ces deux localités sont sur le même méridien, il mesura une différence de latitude de 7°12’ (au lieu 7°07’); connaissant la distance des 2 sites aux approximations près de l’époque, il en déduisit une valeur de la circonférence terrestre de 250000 stades, soit environ 46000 Km (soit 128 Km/°), une valeur somme toute très approchée des 40000 Km mesurés de nos jours (soit 111.11 Km/°) ! Aristarque de Samos, contemporain d’Eratosthène, allait « pousser le bouchon » fort loin, en affirmant que la Terre est non seulement ronde et qu’elle tourne sur elle-même, mais encore qu’elle tourne autour du Soleil. Cela explique l’alternance des saisons et simplifie considérablement le système des sphères d’Eudoxe. Ainsi, petit à petit, presque tous les arguments qui font perdre à notre globe « son caractère immuable et privilégié, au centre de tout » (E.U.) sont-ils mis en place par les Grecs anciens. Il ne manque que l’observation clairvoyante des fossiles (bien qu’Anaximandre de Milet ait déjà entrevu la transformation du vivant dès le ~VI° siècle), pour substituer à la création parfaite et immuable des dieux, l’image moderne d’un univers en mouvement et en perpétuelle évolution.

Si, au ~II° siècle, Hipparque allait faire l’invention géniale de la précession des équinoxes ( [9] ), il allait hélas aussi réinventer le géocentrisme. Pire, il allait être suivi quatre siècles plus tard par Ptolémée. Dans son ouvrage « de Megalê Syntaxi », rédigé en grec mais très répandu grâce à une traduction latine (« Almagestum »), Ptolémée invente en effet la théorie des épicycles. Cette idée est si brillante qu’elle nous inspirera jusqu’à la renaissance. Il est vrai que le discours sur les astres de Ptolémée s’ajuste parfaitement à plusieurs siècles d’observations, et fait naître des tables numériques et des règles de calcul très performantes, qui permettent de prédire avec précision le positionnement des planètes et des étoiles. Les connaissances des grecs nous seront transmises par les Arabes, enrichies de nouvelles observations acquises par la construction d’observatoires réputés, comme celui de Bagdad au IX° siècle. Le principal mérite reconnu aux romains est d’avoir su archiver et traduire les connaissances de leurs administrés.

Les tables de calcul de Ptolémée seront réécrites au XIII° siècle sous Alphonse X de Castille (Tables Alphonsines), car le rôle essentiel de l’astronomie et de la médecine de l’époque se confond encore, comme dans l’antiquité, avec ce que nous nommons aujourd’hui astrologie. On voit encore mal comment, face à tant de cyclicité, tant de prédictibilité, l’esprit humain pourrait un jour admettre définitivement qu’il n’est pas régit par un Ordre supérieur. Même de nos jours, bousculée par l’astronomie moderne, la « science divinatoire» a certes quitté le panthéon astronomique, mais c’est pour mieux crédibiliser le thème astral, le tarot ou la boule...

Pour la première fois depuis Aristarque, le Soleil revient au centre de notre monde avec les redécouvertes de Copernic (« Commentariolus » écrit en 1514 et « De Revolutionibus orbium coelestium », 1543). Il remplace les sphères de Ptolémée par des «orbes» solides qui entraînent chacune des planètes autour du Soleil. Pourtant, l’œuvre de Copernic n’est déterminante que parce qu’elle implique l’héliocentrisme. Elle ne repose sur aucune observation nouvelle, et si Copernic place le Soleil au centre du monde, c’est seulement parce qu’il est l’astre le plus brillant et que c’est de lui qu’émanent chaleur et lumière. En outre, il considère comme les philosophes anciens que le mouvement circulaire et uniforme est le seul possible car «le plus parfait ». Dans la 2° moitié du XVI° siècle, Tycho Brahe fait construire par Frédéric, roi de Danemark, un observatoire remarquablement instrumenté, qui lui permet d’accumuler 20 ans d’observations systématiques de la Lune, des planètes et du Soleil, avec une précision angulaire exceptionnelle, de l’ordre de la minute. Johannes Kepler, adepte de Copernic, tirera des cahiers que Tycho Brahe laisse à sa mort en 1601 que les orbites solaires ne sont pas des cercles mais des ellipses, et que le Soleil en occupe l’un des foyers. Il déterminera alors le mouvement réel des planètes.

L’Eglise ne s’opposa pas tout de suite au système de Copernic. Elle, qui considérait la création de Dieu comme parfaite et donc immuable( [10] ), n’y voyait qu’une nouvelle méthode de calcul des tables des planètes. Ce n’est que lorsqu’elle réalisa que cela remettait en cause le géocentrisme d’Aristote qu’elle réagit, en brûlant vif en 1600 le disciple de Copernic Giordano Bruno qui affirmait que les étoiles sont d’autres soleils, puis en condamnant Galilée en 1633. En effet, grâce à l’usage de la lunette (1610), les observations de Galilée sur la rotation du Soleil, les satellites de Jupiter et les phases de Vénus, témoignaient avec une précision redoutable en faveur du système de Copernic.

Parallèlement, le médecin Fernel avait tenté dès 1530 de mesurer un arc de 1° en partant de Paris. Après avoir parcouru 1° de latitude vers le nord, il revint à son point de départ par le coche, en comptant le nombre de tours de roue effectué par celui-ci. Après moult corrections de topographie, il obtint la valeur de 110.6 km. En 1617, le géographe hollandais Snellius, inventeur de la mesure à longue distance par triangulation donnait une valeur très inexacte de 107 km pour 1° en hollande. L’abbé Picard, en inventant le théodolite en 1669 (lunette de Galilée munie d’un réticule), permet des mesures plus précises et obtient aux environs de Paris la valeur de 111.212 km. C’est à peu près à cette époque (1660-1665) que Isaac Newton formula sa fameuse loi de la gravitation universelle, qu’il ne publiera que plus tard, en 1687, mais il est important de noter qu’avec la mesure du méridien terrestre, Newton a pu entreprendre la première vérification numérique de sa loi. Admettons avec lui en première approximation que le mouvement de la Lune ne dépend que de la Terre, qu’il est circulaire autour de la Terre et que la Lune est animée d’une vitesse angulaire w constante. Posons encore que l’accélération de la pesanteur terrestre est égale à g à la surface de la terre, c’est à dire à la distance R du centre de la Terre, et qu’elle vaut w2D au centre de la Lune. Leur rapport g/ w2D est égal au rapport inverse du carré des distances D2/R2. Or en raison de l’observation du parallaxe astronomique de la Lune, le rapport D/R est déjà connu avec précision à cette époque, et Newton put calculer la valeur du rayon terrestre R= g/w2*(R/D)3. L’excellente cohérence de ce calcul avec le résultat de la mesure de Picard allait l’encourager grandement à publier ses résultats. En 1672, à l’occasion du déplacement d’une horloge à Cayenne, l’horloger Richer constate que celle-ci, parfaitement réglée à Paris, prend ici un retard de 2’30’’ /jour. Newton interprète immédiatement ce retard comme le résultat de la force axifuge (nulle au pôle et maximum à l’équateur) qui diminue la valeur de g, et il comprend aussi que cette Terre qui pour lui avait dû se comporter comme un fluide en révolution au moins durant ses premiers âges, devait aussi avoir la forme d’un ellipsoïde de révolution. La mesure de 1°d’arc méridien devrait donc augmenter de l’équateur au pôle (cf. fig.4 chapitre 3).

Dans Philosophiae naturalis principia mathematica , qui est souvent considérée, avec le De revolutionibus de Copernic, comme une des œuvres majeures de l’esprit humain, Isaac Newton allait enfin formuler en 1687 la synthèse tentée pendant tant de siècles entre les phénomènes terrestres et célestes, et mise au goût du jour par Copernic, Brahe, Galilée et Kepler. Principe de l’inertie, loi de l’accélération F = mg, et enfin principe de l’action et de la réaction constituent la base de l’ouvrage. Ensuite, à partir des lois de Kepler, Newton remonte à la cause première, la gravitation universelle: «Deux corps quelconques s’attirent en raison directe de leurs masses, et en raison inverse du carré de la distance de leur centre de gravité». Certes, la vulgarisation définitive des idées des grecs anciens et des coperniciens devra attendre les vues prises des grands télescopes et des satellites qui nous en apporteront la confirmation par l’image, mais avec Newton les outils du raisonnement sont déjà en place et la planétologie peut dès lors avancer à grand pas.

Zone de Texte: Fig. 1a : Les planètes rocheuses ;
Mercure Venus Terre Mars
 
Au début du XVIII° siècle, à la suite d’une mesure erronée de la longueur du méridien Dunkerque-Perpignan, Cassini prétendait, en désaccord avec les idées de Newton, que la Terre avait la forme d'un citron, avec un rayon polaire plus grand que le rayon équatorial. C’est P.L. Moreau de Maupertuis qui vérifia le premier l’aplatissement polaire de notre globe. Il compara la longueur d’un arc de méridien qu’il mesura lors d’une expédition en Laponie en 1736-1737 avec la longueur de l’arc de méridien mesuré à Paris. Lors de la campagne d’exploration menée au Pérou, de 1735 à 1744, P. Bouguer et C. M. de La Condamine effectuèrent la même mesure. Les résultats sont sans appel! Le rayon polaire est de 6356 Km et le rayon équatorial de 6378 Km, 22 Km de différence, et la Terre n’est donc décidément pas ronde. Aller plus loin dans l’analyse des formes de la Terre attendra ensuite l’avènement du satellite artificiel, dont le détail de la trajectoire, en nous renseignant avec précision sur la distribution des masses à l’intérieur du «globe» terrestre, nous permettra passer de la morphologie mathématique de l’ellipsoïde à la forme mesurée de l’équipotentielle de pesanteur, que nous appelons géoïde.

Néanmoins, dès la fin du XIX° siècle, Wiechert avait montré par l'analyse des mouvements du globe que la Terre est constituée d'au moins 2 couches de densités très différentes. En effet, le moment d'inertie de la Terre serait égal à 0.4 MR2 (M = masse, R = rayon) si elle était homogène et de densité uniforme; il est en fait plus petit (0.33MR2), ce qui indique un excès de masse vers son centre. A l'aube du XX°, les 3 couches essentielles de notre planète sont reconnues. Les coupures sont de nature chimique :

Zone de Texte: Fig. 1b : Les planètes gazeuses ; Jupiter, Saturne, Uranus Neptune.
 
1 -  l'atmosphère - Associée à l’hydrosphère, elle regroupe les éléments volatils et gaz rares; son histoire est encore largement controversée

2 - le manteau - Il est solide et de nature silicatée; la croûte terrestre, elle aussi de nature silicatée ne représente qu’une pellicule superficielle à la surface du manteau dont elle dérive ; longtemps mise en doute, la séparation du manteau en deux réservoirs largement indépendants est maintenant reconnue, avec un manteau inférieur relativement primitif et un manteau supérieur appauvri parce qu’ayant donné naissance à la croûte terrestre.

3 - le noyau - Il est liquide et de nature métallique (fer) ; le cœur, ou graine, est solide.

Les mêmes coupures, avec présence d'un noyau métallique Fe ou Fe+S, sont observables sur les autres planètes dites « telluriques » ou planètes rocheuses proches du soleil (Fig. 1a), alors que les planètes plus éloignées, à cœur rocheux de petite taille, dites « joviennes » ou planètes gazeuses, n'ont pas de noyau métallique Fe ou Fe+S (Fig. 1b). Les télescopes puissants du XX° siècle auront largement contribué à l’observation des 9 planètes de notre système (Tableaux 1 à 3), mais il reste beaucoup à faire pour en comprendre la physique, la chimie, et par delà, l’origine et le devenir.

Notons ici que la distribution des masses volumiques des corps du système solaire n’est pas quelconque (tableau 2 et fig.2). Situées au voisinage du Soleil, les planètes rocheuses et leurs satellites ont une masse volumique élevée (r>3Kg/dm3) dans la première séquence. Elles sont donc très largement appauvries en éléments légers par rapport au reste. Mercure, Vénus et Mars voient leur masse volumique décroître avec la distance au Soleil. Le couple Terre-Lune n’obéit pas à cette loi (r= 5.52 et r=3.34 respectivement), même si le barycentre des deux masses volumiques (pondéré par les volumes) occupe une place moins anormale (r= 5.46). La naissance tourmentée de ce couple, que l’on pourrait presque considérer comme une planète double, est une cause probable de perte supplémentaire en éléments légers (cf. chapitre 4). Jupiter (en vert) est la première des planètes externes (gazeuses) ; elle appartient à la deuxième séquence, mais montre encore de nombreux satellites dont le masse volumique moyenne supérieure à 2 les situe encore dans la première séquence de la figure 2. Saturne (deuxième planète gazeuse) et son cortège (violet), apparaissent clairement comme les corps les moins denses de notre système ; ils constituent toute la troisième séquence et la partie «légère» de la deuxième. Enfin, Uranus (marron), Neptune (bleu) et Pluton (cyan) se rangent par ordre croissant de masse volumique avec leur distance au Soleil, et appartiennent toutes trois à la séquence moyenne, de densité voisine de celle du Soleil (en jaune). Une telle distribution des masses volumiques autour d’un minimum assez éloigné du Soleil (Saturne) impose une histoireprécoce complexe à notre étoile et à son cortège de planètes, nous y reviendrons.

 

Tableau 1: Les planètes du système solaire et leurs satellites

VÉNUS

MERCURE

TERRE

MARS

JUPITER

SATURNE

URANUS

NEPTUNE

 PLUTON

 

 

Lune

Phobos

Deimos

Métis
Adraste
Amalthée
Thébé
Io
Europe
Ganymède
Callisto
Léda
Himalia

Lysithée
Elara
Ananké
Carmé
Pasiphae
Sinope

Atlas
Janus
Prométhée

Epiméthée
Mimas

Pandore
Encelade
Thétis
Télesto
Calypso
Dioné
Rhéa
Titan
Hypérion
Iapetus

Phoebé

Miranda
Ariel
Umbriel
Titania
Obéron

.

Triton

Néréide

Charon

Tableau 2: Planétologie comparée : rayons et masses volumiques du Soleil, des planètes et de leurs satellites

Corps

Rayon

Masse Volumique

 

Corps

Rayon

Masse Volumique

 

 

 

 

 

 

Soleil

695000

1.41

 

 

 

Mercure

2440

5.42

Saturne

60268

0.69

Venus

6052

5.25

Pandore

45

0.7

Terre

6378

5.52

Prométhée

50

0.7

Lune

1737

3.34

Epiméthée

55

0.7

Mars

3397

3.94

Janus

90

0.67

Phobos

10

2

Phoebé

110

0.7

Deimos

6

1.7

Hypérion

150

1.4

Jupiter

71492

1.33

Mimas

196

1.17

Léda

8

2.7

Encelade

250

1.24

Adraste

10

4.5

Thétis

530

1.21

Ananké

15

2.7

Dioné

560

1.43

Sinope

18

3.1

Iapetus

730

1.21

Lysithée

18

3.1

Rhéa

765

1.33

Métis

20

2.8

Titan

2575

1.88

Carmé

20

2.8

Uranus

25559

1.29

Pasiphae

25

2.9

Miranda

236

1.15

Elara

38

3.3

Ariel

579

1.56

Thébé

50

1.5

Umbriel

585

1.52

Amalthée

90

1.8

Obéron

761

1.64

Himalia

93

2.8

Titania

789

1.7

Europe

1569

3.01

Neptune

24764

1.64

Io

1815

3.55

Triton

1350

2.07

Callisto

2403

1.86

Pluton

1137

2.05

Ganymède

2631

1.94

Charon

586

1.83

 

Zone de Texte: Fig.2 : distribution des poids volumiques dans le système solaire. Elle se découpe en trois séquences : la première, à droite, débute avec Léda à la "densité" 2.7  et se termine avec la Terre (r=5.52) ; la deuxième est celle des "densités" moyennes, elle est centrée autour de celle du Soleil ( r=1.41) et s’étale continuement entre Miranda (r=1.15)et Triton(r=2.07) ; la troisième, de "densité" minimale (r=0.7) est celle de Saturne et de certains de ses satellites.
 








Lorsque l’on ordonne les corps du système solaire par masse volumique croissante,

Tableau 3: planétologie comparée

 

Planète

Mercure

Vénus

Terre

Lune

Mars

Jupiter

Saturne

Uranus

Neptune

Pluton

Distance au soleil (u.a. [11] )

0.387

0.723

1.000

 

1.523

5.202

9.538

19.l8l

30.057

39.44

Période de révolution (jours)

87.969

224.701

365.256

27.321

686.980

4332.589

10759.22

30685.4

60189.0

90465.0

Temps de rotation

58.65j

-243.01

23.934 h

Id

24.622h

9.841 h

10.233 h

l7.2 h

l7.8h

L6.38 h

Obliquité de l’axe de rotation

- 2°

23.44°

L 6.41 °

23.98°

3.08°

29°

97.92°

28.80°

?

Inclinaison sur l’écliptique

7.00

3.39

-

1.32

1.85

1.3

2.49

0.77

1.77

17.2

Excentricité de l’orbite

0.205

0.006

0.016

0.055

0.093

0.048

0.055

0.047

0.008

J 0.250

Rayon équatorial (km)

2439

6052

6378

1738

3397

71998

60000

26145

24300

l20O?

Rayon polaire

2439

6052

6356.5

1738

3380

66770.

54000

?

23650

?

Aplatissement

O

O

r 0.003

0

0.005

0.062

0.105

?

0.02

?

Masse (unité de masse :Terre)

0.055

0.815

1.000

0.12

0.107

317.893

95.147

14.54

17.23

0.002 ?

Densité moyenne

5.42

5.25

5.52

3.34

3.94

1.314

0.69

1.19

1.71

r 0.6-l.7?

Pesanteur à l’équateur

3.78

8.60

9.78

1.63

3.72

22.88

9.05

7.77

11.00

r 4.3?

Vitesse de libération (km/s)

4.3

10.3

1.2

2.37

5.0

59.5

36.6

21.22

23.6

5.3 ?

Nombre de satellites connus

O

O

1

-

2

17

21

15

8

 

Champ magnétique

1/100 du champ terrestre

non

3.3.10-5T

à

7.10-5 T

Faible Et fossile

2/100 du champ terrestre

4. lO-4 T

à

15.10-4 T

oui

oui

oui?

?

Température au sol

+430°C-170°C

460°C

+50°C

-90°C

+120°C

- 180 °C

0°C

-70°C

-145°C

-133°C

-223°C

-193°C

?

Albédo

0.055

0.7

039

0. 1 2

0. 1 54

0.45

0.45

0.46

0.53

0.6

Atmosphère

non

C02 96:5% N2 3.5%

N2 78%

O2 21%

Non

CO2 95% N2 5 %

He 17%

H2 82%

93% H2

H2

Oui mal connue

oui

Pression au sol

-

95 bars

1 bar

-

qq mbar

?

?

?

?

?

Particularités géologiques remarquables

Pas d’évolution depuis 3.5. l09 années au moins

Révolution Rétrograde Atmosphère dense

.Présence de vie Un gros satellite : la Lune

Satellite de la Terre

Présence de glace d’eau

Rayonne 2.5 fois + d’énergie qu’il n’en reçoit Anneaux

Rayonne 1.8 fois + d’énergie qu’il n’en reçoit Anneaux

Présence d’anneaux Révolution rétrograde

La plus dense des géantes Anneaux

Peut-être un ancien satellite de Neptune?

Principaux atomes reconnus (à la surface pour les planètes telluriques)

Si O Fe Ti

Si Al Mg Fe O

Si O Al Mg Mn Fe K Ca Ti

Si Al O Ca Mg Fe

Si O Al Mg Fe S Mg Ca

Présence d’un petit noyau de silicates et de glaces entouré d’hydrogène et d’hélium sous forte pression et sans doute à l’état métallique

?

 

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Plan



[1] Mitigation : du latin mitigare), signifie atténuation. Dans le cadre de la prévention de risques majeurs naturels, l’objectif de la mitigation est d'atténuer les dommages sur les enjeux, afin de les rendre plus supportables par la société.

[2] L’absolue nécessité de cuire, de se chauffer, de se déplacer implique, pour les sociétés les plus pauvres, l’utilisation des ressources les moins chères, pour l’heure les combustibles fossiles, quel qu’en soit le prix à payer à long terme. La mitigation passe ici très certainement par notre capacité à leur proposer des techniques de substitution au moins aussi rentables en terme de coût/performance. Une stratégie adaptative s’impose à nous qui ne relève pas des eco-taxes ou autres incitations à consommer moins, quand le rêve du modèle développé pilleur des ressources qui est le nôtre multiplie les besoins d’une population en pleine croissance, tant démographique qu’industrielle.

[3] On voit bien ici comment la mondialisation des échanges s’accompagne d’une prise de conscience que le jardin planétaire est borné. L’idée qu’un jour le nombre des individus devra l’être aussi est déjà perceptible à travers l’émergence de notions telles que le nombre d’individus que la Terre est capable de nourrir. La encore une stratégie d’adaptation prévaudra sur un « croissez et multipliez » ancestral, nécessaire au salut d’un groupe initial faible vivant dans un espace infini pour lui, mais devenu destructeur pour un groupe nombreux exerçant une prédation forte sur un espace fini.

[4] La première carte des fonds océaniques, celle de l’atlantique Nord, publiée par B. Heezen et M. Tharp, date de 1957, et la publication de l’ensemble des fonds océaniques mondiaux (par les mêmes auteurs) à attendu 1977. En outre, nous sommes encore très loin d’avoir identifié toutes les espèces vivantes, leurs cycles de vie, leurs interdépendances.

[5] En 2005, 50.000 navires sillonnaient les mers du globe, Plus de 6 milliards de tonnes ont transité par mer cette année là, soit 80% du trafic commercial mondial.

[6] Les pavillons de complaisance sont nombreux, les sociétés de classification des navires ne sont pas toujours transparentes, 12 seulement des 50 sociétés existantes dans le monde sont agrées par l’Europe.

[7] Est-il besoin d’évoquer ici la nécessité d’une gestion européenne du Rhin et du Danube ? Faut-il citer le partage des eaux du Colorado entre USA et Mexique ? Rappeler le partage du Tigre et de l’Euphrate entre Turquie, Syrie et Irak ? Rechercher ailleurs que dans l’eau des sources de l’annexion du Golan Syrien par Israël ? Evoquer la mort des fleuves Amou Daria et Syr Daria et le sort lié des pêcheurs de la mer d’Aral, etc.

[8] ~ = avant Jésus Christ ; AD = Anno Domini pour après Jésus Christ

[9] il remarqua que laxe de rotation de la Terre décrit un cône  à la manière dune toupie (en 36000 ans daprès Ptolémée)

[10] . C’est le même fixisme ¾ pilier de la pensée officielle fondée par la scolastique sur un corpus de textes choisis rigoureusement (essentiellement le nouveau et l’ancien testament, plus les écrits aristotéliciens) ¾ qui s’opposera encore au XIX° siècle aux idées transformistes de Jean-Baptiste de Monet de Lamarck  (" La Philosophie zoologique ", 1809)  puis et surtout à l’évolutionisme que Charles Robert Darwin développe en 1859 dans " L’Origine des espèces ".

[11] 1 UA = 144 106 km