Les météorites
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L'organisation de notre système en un groupe de planètes rocheuses localisées
dans le voisinage du Soleil et un groupe de planètes gazeuses à l'extérieur
(Introduction) montre qu'il n'est plus chimiquement homogène, contrairement à
ce que l'on observe dans les nuages de gaz interstellaires qui donnent
naissance à des étoiles. Notre système paraît donc avoir subi une intense
différenciation (ségrégation des éléments), qui doit avoir eu lieu avant ou au
cours de la formation des planètes au plus tard.
Le terme
«différencié» recouvre en fait plusieurs échelles de phénomènes, au moins deux
ici:
1-
La différenciation à
l'échelle du système solaire d'une part, qui nous questionne sur le mode de
création des planètes : comme noté au cours de l’introduction, elle a
concentré l’essentiel des éléments réfractaires vers le Soleil, et l’essentiel
des éléments volatils vers la périphérie du système;
2-
La différenciation à
l'échelle de chacun des corps en cours de formation d'autre part, qui va donner
les noyaux des planètes (Introduction, Fig. 1) et des fragments rocheux après
fragmentation de corps différentiés, qui constituent l’ensemble des
météorites différenciées ;. lorsqu’ils percutent
On imagine généralement que les planètes du système solaire sont nées presque en même temps que le soleil, de l'effondrement gravitaire de la nébuleuse (gaz), par agrégation et collision de poussières (accrétion à froid). La relation de Titius (XVIII° siècle) tente de traduire les caractéristiques fondamentales du disque gazeux protosolaire. Il était sans doute animé comme aujourd'hui d'un mouvement de rotation qui lui a conféré une symétrie axiale (de révolution). L'essentiel de sa masse était déjà confiné en son centre. Il suffit alors, qu'il ait été invariant d'échelle pour rendre compte de la distribution observée des planètes. “ Invariant d'échelle ” signifie que ses propriétés physiques suivaient une progression géométrique. Autrement dit, la variation de la propriété p entre R et 2R (distances au soleil), est la même qu'entre 4R et 8R.
On écrit ainsi : R n = R 0 .k n où n est l'ordre de la planète, et R n et R 0 sont respectivement les rayons orbitaux des planètes de rang n et zéro.
La raison k vaut environ 1.7 pour les planètes en rotation autour du Soleil.
Cette relation de Titius écrite à l'époque
sous une autre forme, était finalement bien vérifiée pour les 5 planètes
connues du vivant de Titius. Elle avait même conduit Bode à supposer dès la
fin du XVIII° siècle qu' une
planète avait dû exister puis avait dû exploser entre Mars et
Jupiter. Or, l'analyse des trajectoires des météorites que
), Hygiea (400 à
On a longtemps rapporté les météorites qui parviennent sur Terre à l'explosion de la planète dite «manquante» de Titius ; mais deux arguments essentiels sont venus infirmer cette hypothèse :
• la distribution des radio-isotopes dans les météorites impose qu'elles ne sont pas issues d'une planète unique fragmentée tardivement, soit à la suite d'une collision, soit sous l'influence de marées trop fortes provoquées par Jupiter, mais de corps souvent chimiquement distincts les uns des autres ;
• ce ne sont pas exclusivement des fragments de planète qui nous parviennent de cette région particulière, mais quasi toutes les météorites, y compris les chondrites, or les chondrites sont constituées d'un matériau non planétaire.
Toutefois Titius n'avait pas complètement
tord. Dans cette zone orbitale située entre Mars et Jupiter, les interactions
fortes entre le champ gravitationnel de Mars et celui que crée la masse énorme
de Jupiter constituent un piège pour les grains de poussière ou les cailloux
passant dans son voisinage. Ces interactions sont si fortes qu'elles empêchent
la formation d'un anneau homogène. La distribution des orbites des astéroïdes
fait apparaître des distances de demi grand-axe auxquelles ne correspondent
aucun astéroïdes. Ces domaines non peulpés sont appelés lacunes de Kirkwood
(Fig. 7c). Elles correspondent aux distances orbitales auxquelles un objet
soumis à ces conditions serait en résonance avec la planète géante Jupiter. Le
phénomène de résonance se produit lorsque la période de l'orbite de l'objet est
une fraction entière de celle de celle de la planète voisine (ici Jupiter). Les
lacunes principales sont observées pour les rapports 3:1, 5:2, 7:3 et 2:1 entre
astéroïde et Jupiter. Ces lacunes ne sont observables que dans la distribution
des demi grand-axes et pas dans celle de la densité des astéroïdes dans la
ceinture. En effet, l'excentricité orbitale des astéroides, bien que faible,
suffit à ce que ces objets franchissent en nombre les domaines lacunaires
dédinis par les demi grand-axes.
Il est donc très vraisemblable qu'aucune planète importante n'a
jamais pu se constituer dans cette région en raison des instabilités auxquelles
conduisent les interactions avec la planète géante voisine, interactions à ne
pas confondre avec la limite de roche[1] de Jupiter qui ne croise pas la ceinture
d'astéroïdes (loin s'en faut) et encore moins celle de Mars. Inversement, le
piège gravitationnel que constitue cette région aurait par contre favorisé
l'accumulation d'astéroïdes, en dispersant les fragments rocheux au cours de
leur accrétion. Par ailleurs, ces interactions et instabilités provoquent
vraisemblablement des chocs entre objets, et donc des modifications brutales
des orbites de ces astéroïdes. Certains d'entre eux seraient alors éjectés sur
des orbites très elliptiques recoupant le champ d'attraction des planètes,
comme Géographos,
Adonis, ou Toutatis
(Fig. 7d). En outre, certains corps, à l'image de Cérès, ont pu atteindre
une taille suffisante pour qu'ils aient pu connaître une différenciation
chimique. Ce sont de tels corps, situés initialement dans cette ceinture
soumise aux perturbations complexes des attractions de Jupiter et de Mars où
les collisions sont probablement fréquentes, qui
ont pu donner naissance par fragmentation ultérieure aux météorites
différenciées, achondrites, sidérites et sidérolithes.
Il reste que cette relation de Titius a aussi largement favorisé la découverte des planètes externes, Uranus, Neptune et Pluton, mais la progression géométrique de raison 1.7 n'est que très mal vérifiée pour ces dernières. Cette relation conserve-t-elle un sens physique? Elle traduit à coup sûr le fait imposé par l'attraction universelle que deux corps en cours d'accrétion ne peuvent être trop rapprochés sous peine de voir la compétition pour la capture de la matière environnante interdire leur croissance (cf. la ceinture d'astéroïdes), et que dans le nuage protosolaire un ensemble de perturbations gravitaires allaient contribuer à la constitution des planètes, ou inversement interdire leur constitution,. Dès lors, on peut donc sans doute parler avec André Brahic dans «Sciences de la Terre et de l'Univers» (1999) d'une fausse bonne piste à propos de la relation de Titius, mais elle fut féconde !
Le nuage de gaz et de poussières qui constituait la
nébuleuse proto-solaire se transforma en un disque plat sous l’effet de la
rotation et de la gravitation( cf. paragraphe Les chondrites sont des objets
apparus très tôt dans l'effondrement gravitaire de la nébuleuse) Au sein de
ce disque, les poussières sont agrégées en corps de plus en plus gros, jusqu’à
constituer des planètésimaux. Les vitesses relatives des objets augmentent avec
la masse des corps parce qu'elle perturbe le champ de pesanteur à leur
voisinage. L'énergie cinétique récupérée lors des collisions s’ajoute à la
compression adiabatique (corollaire de l'augmentation de leur taille) pour
accroître la température des proto-planètes et engendrer leur fusion. En fin
d'accrétion les collisions deviennent si violentes qu'elles peuvent modifier
considérablement les planètes qui viennent de se former. Citons Mercure qui va
perdre ainsi une grande partie de son manteau et voir ainsi sa masse volumique
moyenne augmenter, et
Avec la fusion (au
moins partielle) des matériaux accrétés à froid, apparaît le premier mode de
fractionnement responsable de la ségrégation d’un noyau ferreux chez les
planètes telluriques. En effet, à l’état liquide, la gravité permet le
transfert du fer (très abondant ) vers un noyau dense.
A l’état
solide, un autre mode de transfert du fer vers le noyau peut être envisagé. En
effet, les silicates (ils constituent l’essentiel des minéraux des planètes
rocheuses, en particulier leur manteau) sont des solutions solides capables
d’assimiler dans leur réseau des proportions de fer souvent beaucoup plus
élevées aux faibles pressions qu’aux fortes pressions. Il s’ensuit donc que ces
phases minérales devenues instables dans la convection descendante « expulsent »
leur fraction Fer à la base du manteau, lui permettant de rejoindre ainsi le
noyau.
On appelle
fractionnement chimique l'ensemble des processus qui tendent à séparer les
espèces chimiques ou minéralogiques, en fonction de leur densité et / ou de
leur affinité chimique, dans les conditions P, T° de stabilité des solides
(minéraux) et des liquides qui les contiennent. On appelle sidérophiles et chalcophiles les éléments chimiques ayant tendance
à constituer respectivement des alliages avec le fer et des minéraux avec le soufre
(sulfures métalliques en particulier). On appelle lithophiles les éléments volatils ou les éléments volontiers
“ capturés ” par Si et O (silicates et oxydes), Mg, Al, Alcalins,
alcalino-terreux. Parmi les lithophiles, les éléments à gros rayon ionique et /
ou à forte charge, ont des difficultés à entrer dans les réseaux silicatés
stables à haute T° et haute P. Ils ont donc quelques difficultés à entrer dans
les minéraux du manteau terrestre. En outre, certains éléments ont une forte
tendance à constituer des complexes très stables dans les liquides silicatés,
préférant ainsi le liquide au solide pour une T° d'équilibre donnée. Tous ces
éléments sont donc “ distillés ” à T° décroissante dans des produits
ultimes de cristallisation, et vont constituer ce que Claude Allègre appelle
“ l'écume de
On imagine ainsi que dans les proto-planètes rocheuses en
fusion, le noyau s'individualise en raison de la forte densité du fer. Il
regroupe avec lui les éléments sidérophiles, le Ni en particulier. Les
lithophiles constituent le manteau silicaté puis plus tard la croûte.
Parallèlement le dégazage des éléments volatils constitue l’atmosphère
primordiale de ces corps.
Certains aérolithes achondrites proviennent d'anciennes roches fondues de
compositions très comparables à de la croûte terrestre ou lunaire. Elles
résultent d'un fractionnement chimique important. Il peut aussi s'agir de
fragments de croûte arrachés à
Si l’on rapporte les
achondrites à de la croûte planétaire, on assimile corrélativement les sidérites à des morceaux de noyau
planétaire, et les très rares météorites mixtes (sidérolithes) à l'interface noyau-manteau. Nombre de météorites
proviennent donc de ce qui fut sans doute un ou des corps différencié(s), puis
dispersé(s) (Fig. 9).
Les datations obtenues sur des
achondrites et des sidérites convergent vers 4.4 Ga±0.1, c'est à dire
quelques centaines de millions d'années au plus après la naissance du système solaire.
Cet âge pourrait représenter l'épisode de la différenciation des corps planétaires dans le système solaire. Une
sidérite datée à 3.8 Ga démontre que ce processus de différenciation a pu
affecter des corps «très» tardivement dans la protohistoire de notre système.
Les planètes gazeuses ne sont
pas exemptes de différenciation (cf. chapitre introduction), mais celle-ci est
beaucoup plus froide (séparation de l'H2 liquide et métallique par
exemple) et ne peut donner naissance qu'à du gaz lors des collisions avec des
météores (e. g. comète de Lévy avec Jupiter en 1994, Fig. 10) et ne peut
éjecter des matériaux condensés.
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[1] On appelle limite de roche la distance en dessous de laquelle la force de cohésion d’un satellite d’une planète devient inférieure aux forces des marées provoquées par la planète. Le satellite est alors désagrégé.