ENSM-SE
/ processus naturels / terre_ronde
L’enveloppe gazeuse de
la Terre
le couple atmosphère – hydrosphère
Histoire de l’atmosphère
Retour
1 - L'atmosphère primaire de
Très tôt, au moment même de l’accrétion,
Tableau 4: composition du soleil |
La figure 53 montre que les rapports des concentrations des gaz atmosphériques terrestres aux concentrations solaires sont extrêmement variés, ce qui suggère que si l'atmosphère terrestre est issue d'une telle atmosphère primaire, des processus sont intervenus depuis pour en modifier les rapports: deux types de processus sont envisageables:
1 - En premier lieu, le piégeage sélectif dans la
géosphère des gaz; un tel phénomène pourrait en effet avoir modifié fortement
les rapports de ces gaz par rapport à la nébuleuse solaire. Cependant les gaz
neutres (Néon, Argon, Krypton et Xénon), qui sont extrêmement peu réactifs,
auraient dû être piégés de conserve et donc conserver les rapports initiaux… il
n'en est rien (Fig. 53).
2 - En second lieu, la perte vers le cosmos d'une part
importante des gaz initiaux pourrait aussi produire à une grande diversité des
concentrations. Une fois encore les gaz neutres nous apportent un élément de
réponse. Puisque non réactifs, s'ils avaient subi des pertes vers le cosmos,
celles-ci auraient dû se faire simplement en raison inverse de leurs poids
moléculaires. La figure 53 montre encore qu'il n'en est rien.
On peut donc en conclure que l’atmosphère terrestre ne porte plus la
signature de la nébuleuse solaire, confortant l’hypothèse d’un Soleil jeune
sans doute passé comme n’importe quelle étoile de la séquence principale par la
période de forte activité dite T. Tauri, plus lumineux qu’aujourd’hui de 10%,
et dont le vent solaire plus violent aura expulsé à cette époque les
atmosphères des planètes telluriques vers des régions plus lointaines.
2 - L'atmosphère secondaire de
Les planètes internes se sont donc constituées une
seconde atmosphère. Vénus et
Cette atmosphère
secondaire est “ fille des volcans ”. Elle résulte du dégazage de
leur manteau, dont la constitution date du fractionnement des corps rocheux en
un noyau dense et métallique et un manteau silicaté.
L'origine des
gaz contenus initialement dans le manteau est encore très controversée.
L'hypothèse première est que ces gaz ont été acquis lors de la phase
d'accrétion à froid. Mais la géochimie et l'observation récente de systèmes
stellaires à disques de poussières et de gaz suggèrent que l'essentiel des
éléments volatils des planètes pourrait provenir du bombardement cométaire sur
les planètes jeunes déjà formées. Nous allons voir que l'histoire du dégazage
de
Son étude nous est accessible à travers l’étude de la
composition isotopique des gaz rares. Ceux-ci ont un double intérêt. Par nature
ils sont peu susceptibles de réagir avec leur environnement, et certains de
leurs isotopes sont produits par la radioactivité
naturelle. le rapport entre un isotope radiogénique et un des isotopes
stables du même élément va donc évoluer dans le temps avec la désintégration de
son parent, jusqu'à épuisement de ce dernier. En se concentrant tôt ou tard
dans l'atmosphère, ces isotopes peuvent alors être utilisés pour en décrypter
l’histoire. En effet
Nous allons ainsi nous intéresser à 3 réactions[1] :
1) 129I Þ 129Xe +e-, réaction β-
demi-vie
λ = 17 Ma.
2) 40K +e- Þ 40Ar + γ, capture électronique
demi-vie
λ = 1.2 Ga.
3) 3H (Tritium) Þ 3He + e-, réaction β-
demi-vie
λ= 12 ans et 4
mois.
les rapports 129Xe/130Xe ou 40Ar/36Ar,
vont évoluer dans le temps avec la désintégration de le129I et de 40K,
jusqu'à épuisement du parent.
a - le
dégazage du manteau terrestre a-t-il été précoce ou tardif?
Comment a pu se produire le dégazage du manteau
terrestre ? A-t-il été précoce ou tardif? Supposons pour simplifier qu’il ait
été instantané et unique. Au moment où il se produit, il opère une
différentiation entre les éléments :
1) Il regroupe alors tous les volatils, tous disponibles
à cet instant dans le manteau (dont le Xénon ou l'Argon), et constitue l’atmosphère; le manteau ne
contient plus de gaz à cet instant;
2) l’Iode (moins volatil), et le potassium, restent
préférentiellement dans le manteau.
Deux
cas peuvent alors se présenter:
1) tout 129I ou tout 40K sont déjà
consommés à cet instant, et il ne peut plus y avoir de production ultérieure de
129Xe ou de 40Ar dans le manteau;
2) il reste de l'129I ou du 40K à
cet instant, et il y aura de nouveau production de 129Xe ou de 40Ar
dans le manteau.
La
figure 54 retrace l’évolution des compositions en 129I, 129Xe
et 130Xe dans le manteau.
Bien
évidemment, la teneur en 129I est décroissante dans le manteau, que
celui-ci subisse ou pas de dégazage.
1) Avant et après cet événement, les teneurs en 130Xe
sont constantes puisque cet isotope est stable; par contre la teneur en cet
élément volatil chute dans le manteau pendant le dégazage, considéré comme
quasi-instantané.
Considérons maintenant l’évolution de la teneur en 129Xe
et du rapport 129Xe/130Xe dans les deux réservoirs,
manteau et atmosphère. Dans le manteau avant le dégazage, la concentration
en 129Xe augmente tant qu'il
reste de l'129I à
désintégrer, et le rapport 129Xe/130Xe aussi. Dans
l'atmosphère, qui prend naissance au moment où le manteau dégaze, la
concentration en 129Xe et la valeur du rapport 129Xe/130Xe sont fixées par les quantités disponibles dans
le manteau à cet instant. Si le dégazage est précoce, la quantité d'129I
désintégré est faible, et celle de 129Xe disponible dans le manteau
l'est aussi. La teneur dans l'atmosphère
créée à cet instant l'est tout autant. Au contraire, elle sera maximale si l'on
a attendu suffisamment (>10λ) pour que presque tout 129I
soit désintégré. La différence entre les rapports 129Xe/130Xe
du manteau et de l'atmosphère qui se créée (en équilibre) est négligeable (129Xe/130Xe
mantellique = 129Xe/130Xe atmosphérique) au regard des
variations de ce rapport provoquées par la radioactivité de 129I du
manteau. Revenons au manteau dans la figure 54 et supposons que le
dégazage ait eu lieu au temps Tc, avant épuisement de 129I
du manteau. La désintégration ultérieure de cet iode restant va provoquer une
nouvelle augmentation progressive de la concentration en 130Xe et du
rapport 129Xe/130Xe mantellique. C'est précisément ce que
les observations faites de nos jours nous enseignent. Les mesures du rapport isotopique129Xe/130Xe,
effectuées sur l’atmosphère et sur des basaltes de rides océaniques (donc issus
du manteau), sont respectivement de
l’ordre de 7.7 et 6.5. Si les basaltes des fonds océaniques ont comparativement
plus de 129Xe que l’atmosphère, c’est donc nécessairement que
lorsque le dégazage a eu lieu, il restait une quantité significative de 129I
dans le manteau. Or sa période de demi-vie λ n'est que de 17 Ma!
Une première réflexion s’impose. Le dégazage terrestre, qui correspond à la naissance de la seconde
atmosphère, a eu lieu très tôt, moins de 170 Ma. après la phase d’accrétion
différenciation, située à 4.55 Ga.
Une deuxième réflexion s’impose: on sait que le
Soleil, depuis sa naissance jusqu’au stade géante rouge (qu’il atteindra vers
10 à 12 Ga.), ne sera pas capable de synthétiser autre chose que de l’Hélium.
Par conséquent, les éléments de notre système plus lourds que H et He, y compris
129I, proviennent d’au moins un autre épisode de nucléosynthèse (de
type nova) antérieur ou au mieux
contemporain de l’effondrement gravitaire de la nébuleuse solaire. La présence
d'iode 129I en quantité notable dans le système solaire impose donc aussi
qu'il s'est déroulé très peu de temps,
certainement moins de 200 Ma. entre l’explosion de
Si nous nous plaçons dans l'hypothèse d'une
acquisition cométaire de l'atmosphère terrestre et de son équilibrage avec le
manteau, la présence de 129I du manteau qui va modifier le rapport 129Xe/130Xe
du manteau par rapport à celui de l'atmosphère permet de penser que la capture
du Xe à partir de comètes aurait aussi été terminée avant les premiers 170 à
200 Ma. de la vie terrestre.
Nous pouvons utiliser en premier lieu un autre couple
d’isotopes, ceux de l’Argon, pour répondre à cette question. La réaction
nucléaire 40K Þ 40Ar, modifie lentement dans la géosphère le rapport de
l’isotope radiogénique 40Ar à l’isotope stable non radiogénique de
l’argon, 36Ar. Au déclenchement du chronomètre, le rapport initial 40Ar/36Ar
peut être considéré comme nul (Fig. 55) car 40Ar est
exclusivement radiogénique. La période du 40K étant très longue,
comparable à celle de la vie de
Lors de cet épisode, le 40K est resté dans le manteau dégazé, alors que 36Ar
l’a quitté pour rejoindre l’atmosphère comme les autres gaz rares. Plus ce
dégazage aura été important et plus la teneur en 36Ar du manteau
aura chuté lors de cet évènement. En corollaire, on peut donc attendre du
rapport 40Ar/36Ar qu’il signe le degré de dégazage
atteint par le manteau (Fig. 55), car après cet épisode le rapport 40Ar/36Ar
a augmenté d’autant plus vite que la teneur en 36Ar était devenue
basse, c’est à dire que le manteau était dégazé.
Les mesures du rapport 40Ar/36Ar,
effectuées sur divers basaltes issus du manteau et dans l’atmosphère ont montré
des différences significatives :
30000 environ pour les basaltes des dorsales océaniques
3000 environ pour les basaltes des points chauds
300 environ pour l’atmosphère
Nous pouvons en tirer une première conclusion
essentielle : ces mesures révèlent
l'existence de deux réservoirs isotopiquement très différents, et confortent l’hypothèse évoquée au chapitre
précédent d’un manteau à deux étages de convections, au moins relativement
étanches.
L'étude du processus de fractionnement de la croûte
continentale à partir du manteau supérieur nous a enseigné (Chp. 4) que ce lent
processus de construction de la croûte continentale et d'appauvrissement du
manteau supérieur avait commencé vers 2.7 Ga et se serait poursuivi depuis[2]. Le
dégazage de l'argon du manteau terrestre est-il un processus comparable?
Les
chronomètres 87Rb Þ 87Sr
et 40K Þ 40Ar étant du même ordre de grandeur et commensurables
avec l'âge de
On constate en premier lieu qu'il n'existe pas de
roches provenant d'un manteau profond (n'ayant pas contribué à la formation de
la croûte; x>0.704) et qui soit fortement dégazé (y>10000). L'étanchéité du réservoir manteau
inférieur s'étendrait donc bien à son contenu gazeux. En second lieu, nombre des échantillons
représentés viennent se repartir le long de l'hyperbole de mélange (vert foncé
sur la figure: en représentation linéaire, la courbe de mélange de deux
rapports est une hyperbole et non une droite) ce qui signifie que nombre de
roches volcaniques doivent représenter soit un mélange de liquides magmatiques
issus de deux sources distinctes, soit que les deux sources peuvent être
mélangées, la fusion partielle du mélange produisant aussi une signature mixte.
Nous pouvons en tirer une seconde conclusion
essentielle :Le manteau profond, qui
donne naissance au volcanisme des points chauds de rapport 40Ar/36Ar
faible, et qui n'a que fort peu contribué à la fabrication de la croûte, apparaît donc nettement moins dégazé que le
manteau supérieur qui donne naissance au volcanisme des dorsales à rapport
élevé, et qui a déjà largement contribué à l'édification des continents.
Nous pouvons enfin tirer de tout cela une troisième
conclusion essentielle. Grâce au volcanisme
qui amène en surface des laves d'origine mantellique, le dégazage lent du manteau se poursuit sur Terre…
A cet égard, le comportement de l'isotope 4 de
l’hélium, 4He, est particulièrement intéressant. L’origine de ce gaz
est double :
1- Il entre
continuellement dans l’atmosphère, sous forme de particules alpha (4He)
du vent solaire, mais en très faible quantité.
2- Il est aussi et
surtout produit par la désintégration du Thorium et de l'Uranium terrestres;
l’Hélium ainsi formé dans la géosphère chemine jusqu'à l’atmosphère, à moins
qu'il ne reste piégé quelque part dans la géosphère, dans les poches de gaz
naturels par exemple.
De masse très faible, l'hélium peut échapper
partiellement à l’attraction de
1- Il provient
forcément pour partie du stock initial de
2- Il provient aussi
de la désintégration de 3H (tritium).
Mais
le tritium terrestre, lui, n'a qu'une seule origine. Il est formé dans la haute
atmosphère, entre 10 et
Or on constate
que le rapport 3He/4He dans l’eau
de mer est très variable géographiquement, et constitue un marqueur remarquable
des sources sous-marines liées au volcanisme des rides océaniques (Fig. 57).
Il faut donc en conclure que, lorsque le manteau terrestre fond partiellement
pour donner des liquides magmatiques qui vont alimenter le volcanisme de ces
rides, une partie de l'hélium initial
terrestre est encore contenue dans le manteau et se sépare de ce dernier
pour venir rejoindre l'atmosphère.
L’empreinte du dégazage du manteau terrestre est donc
encore bien visible, et celui-ci apparaît même encore actif. Toutefois nous
avons souligné plus avant (Chp2.A.1.a) que l’eau océanique porte la même
signature isotopique D/H que les chondrites carbonées hydratées qui ont
bombardé
3 - L'atmosphère tertiaire de
Vénus présente encore de nos jours cette atmosphère
très peu évoluée depuis le dégazage de son manteau. Son enveloppe épaisse et
dense exerce une pression de quelques 92 atm. Dominée par le CO2
(95%) qui engendre un effet de serre très important, elle présente une
température au sol de
1 - la
précipitation de l’océan, épisode que Mars a dû connaître elle aussi, mais sous
quelle forme ? L’étude des écoulements (Fig. 58), des figures
sédimentaires et l’analyse des sédiments commencent à peine et ne nous
permettent pas encore de préciser la nature et la forme de l’hydrosphère
Martienne.
2 - l’apparition de la
vie, qui a complètement bouleversé la composition de l’atmosphère terrestre.
a – La
précipitation de l’océan sur Terre
Y. Paccalet décrit la naissance de l’océan terrestre comme «sublime». Après 300 à
400 Ma. d’existence, peut-être même moins,
1 -des argiles, fabriquées à partir des ions les moins
solubles (Si4+, Al3+, Mg++, Fe++) ;
2 -des sels tels que les chlorures, NaCl ;
3 -des carbonates, qui vont jouer un rôle fondamental
dans la composition de l’atmosphère. La spéciation des espèces en solution
montre en effet que les espèces CO2 et H2CO3
sont présentes en faible quantité seulement dans l'eau de mer, et que les ions
carbonates HCO3-, CO32- sont par
contre très dominants. Deux équilibres en solution sont donc essentiels dans
cet océan primordial:
HCO3- +
H+ ® H2O
+ CO2
CO32- + 2H+ ® H2O + CO2
Ils
vont gérer le stockage du CO2 atmosphérique dans l'océan qui vient
de se former.
L'ion Ca2+ étant très abondant dans l'océan
et le carbonate de calcium (CaCO3) peu soluble, l’apparition de l’océan
planétaire soustrait du CO2
de l’atmosphère et le stocke sous forme solide dans la géosphère. Ces
premiers sédiments archéens montrent la texture caractéristique (texture
“Lazarus”) des carbonates précipités par saturation. Avec eux, l’effet de serre
peut enfin diminuer
Pour H. Holland, la décroissance du CO2
atmosphérique fut sans doute rapide, et cet auteur considère que le
niveau actuel est atteint à 3.5 Ga.
environ (Fig. 62 § ,F.3.c). Pourtant les carbonates recensés
de nos jours sont presque tous d'origine biochimique. Plus encore, c'est avec
l'explosion de la vie pluricellulaire vers 700 Ma., que les coquilles et les
calcaires abondent. Pour J. Lovelock, auteur de la théorie
Gaïa, selon laquelle l'équilibre à la surface le
Le premier relevé de la composition chimique de l'atmosphère
martienne a été réalisé par l'américain G.H. Kuiper (1952). Il
compara les spectres de la lumière renvoyée par
Mars a-t-elle subi le même déluge vital que
b – La
précipitation de l’océan sur Mars ?
On espérait donc trouver de nombreux affleurements de
roches carbonatées sur Mars, d’autant que la plupart des météorites martiennes
trouvées sur Terre contiennent des carbonates dans les fissures. C’est d’ailleurs
dans de telles fissures de la météorite ALH84001 que des structures filamenteuses comparables au
vivant ont été observées en 1996 (Chp. 2, C2). Toutes les données dont nous
disposons actuellement sur Mars, collectées par spectrométrie IR tant en orbite
qu’au sol, suggèrent que les carbonates sont absents de la surface de Mars. Nos
spectromètres ne sont certes pas très adaptés au sol rugueux de Mars et
peut-être, dans ces conditions vaudrait-il, mieux choisir la mesure d’autres
bandes spectrales, dans le proche IR ? Nombre de scientifiques en doute,
qui considèrent que l’absence de carbonate sur Mars et à l’inverse l’abondance
des sulfates, doivent être admis comme des faits. Cette absence actuelle ne
signifie d’ailleurs pas que les carbonates n’ont jamais été présents. Peut-être
le sont-ils encore en profondeur, ou dans des anfractuosités des roches ?
L’atmosphère actuelle très tenue de Mars et l’absence d’ozone ne protègent pas
son sol des UV solaires. Ceux-ci semblent en mesure de dissocier tout carbonate
qui serait présent de nos jours à la surface de Mars. Qu’en était-il de Mars
jeune ? Elle possédait une atmosphère proche de celle de
Mais notre planète est dotée d’une quantité d’énergie
suffisante pour que son manteau convecte, alors que sur Mars ce processus a dû
s’arrêter très tôt. Or cette convection est indispensable au recyclage du
carbone[3]. Dans
les zones de subduction, une partie des carbonates CaCO3 précipités
au fond de l’océan est injectée dans le manteau. La transformation en
profondeur du carbonate de calcium en silicates calciques libère le carbone qui
est ensuite réinjecté dans l’atmosphère par les volcans sous forme de CO2.
C’est probablement ainsi que
Chaque impact
de météorite qui confère aux molécules atmosphériques une vitesse supérieure
à leur vitesse de libération contribue à
appauvrir une atmosphère qui n’est plus renouvelée. Comme sur Terre, l’épisode
de bombardement intensif a cessé très tôt et ce phénomène a dû devenir
rapidement peu significatif ;
L’échappement
continu des gaz dans la région
externe de l’atmosphère, définie au début du chapitre 5, l’exosphère. Ce
mécanisme a lieu tout au long de la vie de la planète. Il fonctionne selon deux
modes : l'échappement thermique est comparable au mouvement brownien, et
ne concerne sur Mars comme sur Terre que les atomes de H, très légers et
suffisamment accélérés par le rayonnement de basse fréquence du soleil jusqu'à
atteindre la vitesse de libération de la planète; l'échappement non thermique met
en jeux le rayonnement solaire de haute fréquence, dont la grande énergie permet
de casser (photodissociation) les molécules H2O, CO2 ou
CH4 O2, N2. L’hydrogène peut alors acquérir
une énergie cinétique suffisante pour s'échapper dans l'espace.
L’atmosphère externe des planètes est soumise au vent solaire, qui transporte avec le
plasma une fraction du champ magnétique solaire gelé. Les atomes ionisés de
cette région de l’atmosphère des planètes sont accélérés par ce champ, et
précipités vers la planète. Sur une planète possédant un champ propre actif,
comme
Sans eau liquide, sans protection magnétique, et sous
une atmosphère de plus en plus ténue, les carbonates martiens ont peut-être eux
aussi totalement disparu de la surface de la planète sous l’effet du
bombardement des UV?
Les rapports isotopiques que nous avons utilisés
précédemment pour étudier l’atmosphère terrestre nous apportent pour Mars des
enseignements du même ordre. Certains sont d’ailleurs similaires (tableau 5), 12C/13C, 16O/18O et 36Ar/38Ar.
Le rapport deutérium/hydrogène (D/H) est par contre beaucoup plus élevé dans
l'atmosphère martienne que sur Terre, suggérant bien que 'hydrogène plus léger
que le deutérium s'est donc échappé plus largement au cours du temps sur Mars
que sur Terre. Sa valeur actuelle suppose qu'une énorme fraction de l’hydrogène
a quitté Mars.
Le
rapport 14N/15N est lui aussi très différent de celui de
notre atmosphère, traduisant encore un échappement référentiel de isotope
léger, 14N. Un tel enrichissement relatif en 15N (60% par
rapport à
Par contre, les rapports isotopiques de l'oxygène (16O/18O)
et du carbone (12C/13C) montrent moins de 5% de
différence avec les valeurs de l'atmosphère terrestre. La perte apparaît ici minimale,
laissant à penser qu’en interagissant fortement avec les roches le CO2
et la vapeur d'eau (H2O), auraient subi des pertes très faibles.
Le rapport 129Xe/132Xe suppose à
l’inverse un enrichissement relatif en isotope léger dans l’atmosphère martienne
par rapport à celle de
c - L’apparition
de la vie et l’apparition des conditions oxydantes
De « notre »
point d’observation, êtres vivants, le rôle essentiel de cette précipitation
primordiale en océans, lagunes ou étangs aux eaux tièdes aura été d’apporter à
la vie l’eau liquide indispensable qui lui manquait pour se développer. Solvant
essentiel, elle allait en outre constituer l’abri la soustrayant aux UV
solaires qu’aucune ozone stratosphérique ne venait contrecarrer à l’époque. Au-delà,
les imaginaires vont bon train : certains se calent sur nos chroniques de
la naissances du monde, déplaçant la main des dieux au gré des découvertes de
la cosmochimie et de la biologie; d’autres se font l’inventeur du lieu où la
première association de composés est devenue biotique, et leurs schémas d’apparition
sont complexes…
Dans une première voie
endogène (vie apparue sur Terre) les chercheurs se sont tournés vers la chimie
prébiotique. Ainsi les briques qui constituent le vivant sont sorties du
chaudron de S. Miller, qui fut dans les années 50 le remarquable
expérimentateur des idées d’ A. I. Oparin et J. Haldane
(soupe de composés carbonés, azotés, phosphatés soumise à des décharges
électriques). Cette voie expérimentée pendant plus de trente ans a toujours
donné naissance à des acides aminés, mais elle n’a jamais été susceptible de
produire les macromolécules du vivant, ni bien sûr l’ARN indispensable à toute vie… Aucune expérience
n’a jamais vu non plus se constitue une cellule, même en partant de protéines et/ou d’acides
nucléiques déjà présents. Dans ses expériences, Oparin a montré que le dipôle
hydrophile et hydrophobe des macromolécules conduit à fabriquer des membranes qui
peuvent se fermer sur elles-mêmes et constituer ainsi , un milieu intérieur séparé
du milieu extérieur. S. Fox a montré dans les seventies
que ces micro-sphères peuvent échanger avec le milieu extérieur, absorber de
l’eau et des petites molécules ; au-delà d’une certaine taille elles
peuvent même se diviser en 2. Mais ces structures ne présentent aucune des
caractéristiques métaboliques et reproductrices du vivant. Cette voie, souvent
reprise, est pour l’heure sans issue.
Cairns-Smith , ou Wächtershäuser, proposent une autre voie endogène qui prend le relai
de la précédente au stade où les premières briques du vivant sont formées. Pour
ces auteurs, la structures répétitive et
les liaisons faibles présentent sur certaines des faces des minéraux (les
argiles pour Cairn-Smith et la pyrite pour Wächtershäuser)
sont à l’origine d’une part de la sélection des molécules sélectionnées par le
vivant avant que celui-ci ne soit autoreproductible, et d’autre part le lieu de
naissance des macromolécules indispensables au vivant. Nombre d’auteurs
acceptent aujourd’hui l’idée que la chiralité gauche de molécules du vivant
soit le fruit de la géométrie électrique de surface des minéraux. Ainsi, alors
que les expériences de la chimie prébiotique fabriquent autant de molécules
carbonées gauches et droites (ceci est également vrai pour les molécules
carbonées contenues dans les météorites), le piégeage d’une forme plutôt que
l’autre par les minéraux aurait permis une sélection par le vivant de la forme gauche.
On sait en effet que l’homochiralité est un caractère nécessaire à la vie car
les propriétés des molécules (enzymatiques en particulier) dépendent de leur
forme. La présence de deux formes, gauche et droite d’une même molécule n’est
donc pas compatible avec le vivant. En outre, plusieurs chercheurs ont montré
que les argiles offrent un support privilégié aux briques constitutives de
l’ARN, ouvrant peut-être ainsi la voie à la fabrication des protéines ?
Pour Wächtershäuser, les premières entités vivantes furent des revêtements
moléculaires adhérant aux surfaces de la pyrite (sulfure de Fe, FeS). De fait
on constate que certaines enzymes métaboliques contiennent des atomes de Fe et
de S ? Les réactions biologiques font intervenir l’ammoniac NH3 qui
pouvait être produite dans l’océan primordial au niveau des rides océaniques.
La réaction d’hydratation de l’olivine du manteau [SiO4](Fe, Mg)2
+H2O l’oxyde en et serpentine libère du dihydrogène H2,
Olivine +
H2O → Serpentine + H2
Par réaction avec le
CO2 et l’azote dissous, apparaissent le méthane et l’ammoniac libérés par les
fumeurs noirs des sources hydrothermales, fumeurs noirs construits
essentiellement en pyrite. Somme toute, les constituants des réactions pouvant
conduire à la vie étaient ici réunis, et l’on peut écrire :
{210CO2
+ H2PO4- + (Fe, Mn, Ni, Co, Zn)2+}océan
+
{427H2
+ 10NH3 + HS-}fumeur noir
→
{C70H129O65N10P (Fe, Mn, Ni, Co,
Zn) S}proto-vie
+
{70H3C-COOH + 219H2O}déchet .
Cette voie est intéressante
dans la mesure où la greigite (Fe5NiS8) est un sulfure
aux propriétés catalyseur reconnues, qui aurait pu accélérer la production du premier
ARN, formé à partir de 3 ATP, molécule facilement disponible dans les
conditions physicochimiques des fumeurs noirs, en les associant en un premier
triplet simple AAA à la surface de la pyrite...
La voie exogène
suppose que les briques de la vie ont été fabriquées dans le cosmos, puis transportées
et déposées par les météorites, en particulier celles du type chondrites
carbonées hydratées de Murchison, ou les comètes qui ont croisé notre chemin
comme le propose la panspermie de H.E. Richter puis de S.
Arrhénius à la fin du XIX°-début XX°, et comme le montrent les
observations actuelles de la cosmochimie… Si une telle origine présente un
intérêt certain au plan philosophique, la vie sur Terre devant alors être
considéré comme un processus très ordinaire au-delà d’un certain degré de
complexité, son intérêt strictement scientifique est mince ; cela peut s’appeler « reculer pour mieux
sauter » ! En outre, pour l’heure, cette voie n’apporte rien en
matière de chiralité ni d’obtention des macromolécules indispensable
Une chose est
certaine, la vie est apparue très tôt
sur
Les premières
concrétions carbonatées produites par le vivant ont été identifiées dans des
roches d’Australie à peine plus récentes (3.5 Ga.). Leur texture, bien
différente de la texture Lazarus évoquée plus haut, est similaire à celle des stromatolithes actuels (Fig. 60).
Il s’agit de voiles bactériens, produit de l’activité d’algues unicellulaires (algues bleues ou cyanobactéries). L'accroissement
du taux d'oxygène dans l'air est lié en premier lieu à l’activité des
cyanobactéries.
L’existence de la chlorophylle vers 2.7 Ga. est
semble-t-il attestée par l’observation de petits prismes dénommés pristanes, qui miment la chlorophylle
dans quelques échantillons rocheux. La présence de formations sédimentaires
appelées BIF (Fig. 61; Banded Iron
Formations), constituées par l’alternance de lits de grains de quartz et de
lits d’oxyde de fer Fe2O3,
suggère fortement qu’il y ait eu de l’oxygène libre dans l’océan pour rendre
possible leur formation et cela renforce l'idée que la photosynthèse était déjà
à l'œuvre à cette époque.
En effet, l'atmosphère née des volcans étant
principalement constituée de CO2, N2, SO2 et H2O,
ni l'océan ni elle, ne sont oxydants. Le Fer arraché aux roches par les pluies acides
est donc transporté et stocké sous sa forme réduite (Fe2+), qui est très
soluble. Dans l'hypothèse où les BIFs résulteraient de la précipitation du Fe2+
en Fe3+ en présence d'oxygène libre, il aura donc fallu dans un
premier temps que les algues saturent en oxygène tous les minéraux de l’océan.
Cependant, il existe des BIFs à 3.5 Ga., qui sont bien antérieurs aux
pristanes. S'agit-il simplement d'un manque de fossiles de cette époque?
Existe-t-il un autre mécanisme possible pour fabriquer
ces BIFs? Peut-être n'a-t-il pas fallu attendre la saturation en oxygène de
l'océan pour transformer Fe2+ en Fe3+? Le rôle joué par
la chlorophylle dans la photosynthèse est d'arracher des H+ de
l'eau (ce qui libère de l'oxygène), car en effet la construction du vivant
réclame une quantité importante d'hydrogène.
Prenons la composition moyenne du vivant, soit à peu
près C60O40N2H100, et tentons de le
construire à partir des molécules dissoutes dans l'océan à cette époque:
1- les
2- Les 2.N viennent du NO2 ou du NO3,
ce qui ne compense pas le déficit d'au moins 40.H
Il nous manque donc une source d'hydrogène, et c'est
peut-être le Fe2+ qui a alors joué ce rôle, de façon indirecte. On
sait que Fe2+ peut être oxydé sous l'effet des UV, selon la
réaction:
Fe2+ + hn
(UV) ® Fe3+ +e-
L'électron
ainsi éjecté va, en se combinant à un proton, donner un H+ qui sera
immédiatement capté par la vie. L'effet d'un tel mécanisme est donc d'une part
de déplacer l'équilibre en faveur du Fe3+ qui, beaucoup moins
soluble que Fe2+, précipite en BIF, et d'autre part de favoriser la
vie en lui cédant les hydrogènes qui lui manquent.
Selon
David
C. Catling et al 2001, la concentration basse en O2 dans l’atmosphère
archéenne implique que le méthane était 100 à 1000 fois plus abondant
qu’aujourd’hui. On sait le rôle positif du CH4 dans l’effet de serre
et sa capacité à absorber la lumière solaire, mais il pourrait avoir eu un
autre rôle dans l’histoire de notre atmosphère. Soumis au rayonnement solaire
UV, le CH4 est aisément dissocié et, comme nous l’avons vu à propos
de Mars, l’hydrogène ainsi libéré atteint aisément la vitesse de libération de
la planète, celle de Mars bien sûr, mais aussi celle de
CO2 + 2H2O → CH4 + 2O2 + CO2 + O2 + 4H( cosmos)
En résumé, les voies de l’oxydation de l’atmosphère
terrestre ont sans doute été multiples, et elles concourent à élever
brutalement et définitivement le taux d’oxygène libre dans l’atmosphère vers
2.5 à 2 Ga. (Fig. 62). La période des BIFs ne s’étend pas au delà de 1.7
Ga.
Cette explosion de la vie implique une surconsommation
du carbone, et l’on a vu que le CO2 est une denrée qui s’est
raréfiée dans l’atmosphère dès 4 Ga.. Dans une atmosphère devenue oxydante, la
photosynthèse soustrait une fraction du CO2 qu’elle stocke dans les
végétaux (fussent-ils unicellulaires), mais à leur mort, la dégradation du
vivant renvoie le CO2 à l’atmosphère, et il s’établit un équilibre
entre le réservoir atmosphérique et la biosphère. C’est ainsi que de nos jours,
une forêt mature, en équilibre, présente des bilans de consommation de CO2 et
de production d’O2
globalement nulle. Mais à cette époque ancienne, l’équilibre ne sera atteint
que vers 2 Ga. et le bilan en oxygène
apparaît très largement positif. L’effet de serre a donc probablement continué
à décroître durant cette période. Est-il le seul responsable de l’apparition
des premières glaciations ? C’est en tous cas vers 2.3 Ga. que l’eau
solide apparaît sur
On connaît en effet de part le monde un type de série
de faciès rocheux qui laisse à penser que des conditions très dures sont
réapparues qui ont pu mettre en péril la vie sur Terre, à plusieurs reprises,
d’abord vers 2.3 Ga. puis à quatre reprises entre 1Ga et 550 Ma. Cette
association est la suivante :
1- la base de la série est constituée d’un sédiment
identique aux dépôts glaciaires marins actuels, provoqués par la fonte les
icebergs ;
2- la série continue avec des dépôts de fer identiques à
ceux des Banded Iron Formations ;Enfin la série se termine par un dépôt de
carbonates de type archéen, à texture Lazarus .
Enfin la série se termine par un dépôt de carbonates de type archéen, à texture Lazarus .
Leur extension quasi généralisée jusque vers les
basses latitudes (au moins jusqu’aux tropiques) a fait dire à Joseph
L. Kirschvink en 1992 que le globe a dû être «a Snowball Earth», conformément au modèle de Mikhail
Budyko (1964), qui prédit que
l’accroissement de l’albedo lié au pouvoir réflecteur de la glace et de la
neige pourrait, par emballement,
entraîner l’englacement total de la planète. La surface croissante
de la glace réfléchit une grande partie des rayons solaires, qui sont alors
plus renvoyés dans l'espace sans réchauffer
L’explication de ces formations reconnues et
caractérisées depuis 40 ans environ est encore très controversée aujourd’hui. Quel rôle la tectonique des plaques
joue-t-elle dans la régulation du climat ? Mars nous montre qu’avec
l’arrêt de la tectonique globale cesse le recyclage du CO2 et avec lui l’effet
de serre. Le cycle des « Pangées » a-t-il pour effet de ralentir ce
recyclage du CO2 ? Nous avons vu au chapitre 1 §B qu’un supercontinent agit
comme un couvercle sur le manteau et que les modèles suggèrent qu’il s’en
suit une augmentation de la taille des cellules convectives? Toujours est-il
que les quatre épisodes successifs de boule de neige 1Ga-550 Ma. sont à peu
près contemporains de la première Pangée reconnue, Rodinia (cf. Chp. 3 §
E1b) et qu’ils cessent avec le morcellement
de Rodinia. Faut-il voir dans la glaciation carbonifère correspondant à
d -
L’explosion de la diversité, un scénario unique
Si l’impact des conditions géotectoniques sur
l’apparition et le maintient de la vie est fondamental, celui de la vie sur
l’atmosphère terrestre fut et reste considérable. Il ne fut pas immédiatement
visible, et ce n’est que lorsque la
saturation en oxygène de l'océan aura été atteinte que la composition de
l’atmosphère aura pu aussi changer et que
le cycle de l’ozone aura pu démarrer.
Dès lors, les UV solaires très énergétiques n’auront plus atteint le sol
terrestre, et la vie continentale sera devenue possible.
Le premier
eucaryote est apparu dans les océans peu après la saturation de l’eau en
oxygène; il est âgé d’environ 1.5 Ga. Il aura donc fallu plus de 2 Ga. pour
voir le code génétique s'individualiser dans la cellule! Si le maximum de
complexité a bien été atteint (de nos jours) par les eucaryotes, rien n'est
venu prouver la supériorité des cellules à noyau, en termes d'adaptation de la
vie aux conditions extérieures. Et il va d'ailleurs se passer 1 Ga. pendant
lequel nous ne connaissons pas de changements significatifs.
L'apparition des premiers pluricellulaires remonte
sans doute aux environs de 670 Ma., et la
première faune connue (Diawara,
en Australie) est datée de 600-550 Ma., c’est à dire peu après le dernier
snowball connu. Cette faune est constituée d’invertébrés variés (fig. 63a-b-c)
qui apparaissent à peu près partout dans le monde à la même époque. Cette faune
témoigne donc d’une adaptation efficace puisque largement conquérante (Fig. 48c),
mais elle est sans descendants ? Aucun des organismes présents à cette
époque ne paraît être en mesure de représenter l’ancêtre d’une espèce animale
vivant de nos jours… surprenant ?
Une étape importante de l'évolution après l'apparition
des métazoaires à corps mou est la minéralisation des squelettes. La découverte
récente d'organismes à squelette minéralisé dans des couches de la fin du
Précambrien et du début du Cambrien (entre 550 et 540 Ma.) démontre que
l'apparition de la minéralisation des squelettes est quasi contemporaine de la
faune d'Édiacara.
Elle aussi fut de courte durée (quelques millions
d'années seulement). Néanmoins, cette faune tommotienne est importante parce
qu’elle marque l'apparition d'un groupe d'organismes, les archéocyathes, qui n'a vécu que
jusqu'à la fin du Cambrien, mais qui appartient très probablement à
l'embranchement des éponges. C’est donc à cette période qu’apparaît le premier
des plans d’organisation qui ont encore des descendants de nos jours.
A ce stade,
l'évolution de la vie va subir une diversification
foudroyante dont témoigne la faune
de Burgess Pass (Colombie Britannique), d’abord décrite par Sir Charles
Doolittle Walcott lors de sa découverte en 1909. L’erreur de Wallcott
et de ses suivants fut de considérer que
En fait Burgess représente une disparité considérable dont
l’iconographie en arbre ne peut rendre compte. Ce phénomène sera de très courte durée dans l’histoire de la
vie. Il sera rapidement suivi d’une
décimation des formes créées. Parmi elles, un petit nombre de formes sont les fondateurs de tous les embranchements
que nous connaissons aujourd’hui, auxquels il faut ajouter celui des éponges
déjà présent dans
Pour Stephen Gay-Gould (La vie est belle page
48) mieux vaut utiliser le terme de « disparité »
pour souligner la distance entre les plans d’organisation des organismes
appartenant à des embranchements différents, et parler de « diversité » au sein d’un même embranchement pour
souligner le nombre des espèces de ce groupe. Il prend les cas
suivants « une faune comprenant trois espèces distinctes de taupes » et
«une faune comprenant un éléphant, un
escargot et une fourmi » donc trois embranchements. On sera d’accord avec l’auteur
pour dire que la diversité est faible dans la première faune et forte dans la
seconde, « et pourtant, il n'y a dans
chaque cas que trois espèces. La faune du Schiste de Burgess a montré que celle-ci recelait de la
diversité, dans le sens de disparité des
plans d'organisation anatomique. Appréciée en tant que nombre d'espèces, la
diversité de la faune de Burgess n'est pas très élevée. Ce fait souligne un «paradoxe capital propre aux premières formes de la
vie. Comment une telle disparité des organisations anatomiques a-t-elle pu
apparaître, alors même qu'il n'y avait pas de grande diversité dans le nombre des espèces? ».
L’époque est donc exceptionnelle en effet, et en
totale contradiction avec l’image communément admise de la diversité aux
embranchements de plus en plus touffus (Fig.65). En moins de 200 Ma.,
apparaissent les premiers pluricellulaires que nous évoquions, puis tous les
embranchements connus de nos jours, plus bien d’autres plans d’organisation,
mis en évidence sur le site de Burgess Pass. Les 25 embranchements qui y sont
représentés sont tous aussi différents les uns des autres qu'un chordé (être à
squelette interne comme l'homme et le poisson) et un arthropode (être à
squelette externe comme le crabe). Les plans d’organisation de ces êtres
vivants sont si déroutants, si différents de ceux que nous connaissons qu’il
est parfois difficile, voire impossible, d’attribuer des fonctions à leurs
appendices. Il apparaît de nos jours que
l’évolution des espèces ne traduit rien d’autre que la réponse de plans
d’organisation variablement diversifiés aux sollicitations de leur
environnement. Elle ne traduit aucune direction préférentielle vers quelque que
ce soit et, reprenant le « corail de la vie » de Darwin, sa meilleure
représentation actuelle est sphérique(voir 4° de couverture). Passons un moment
dans le zoo d’exception de Burgess.
Marella
est un petit animal de 2cm maximum : sa tête
porte 2 antennes et 2 pattes spécifiques, 2 cornes latérales tournées vers
l’arrière et une protection dorsale en forme de lyre; son corps segmenté
comprend 25 articles biramés, une patte articulée et un appendice
branchial ; un telson termine le
corps
Yohoia est très particulier : sa tête porte 3 paires de
pattes uniramées classiques pour la marche chez les trilobites plus une paire
de pattes pour la nutrition se terminant par quatre piquants, une morphologie inconnue chez tous les autres
arthropodes depuis. Les 10 premiers segments du corps portent un seul
appendice, en éventail.
Opabinia est un être extraordinaire, de 5 à
Odontogriphus est un
petit animal très plat, équipé de deux organes (sensoriels ?)
latéro-frontaux et d’une sorte de bouche à 25 « dents ».
Dinomischus est un organisme fixé et sans doute immobile, assez semblable aux
coraux dont il n’a pas la symétrie 6 ou 8, ou encore aux crinoïdes, mais sans
la symétrie 5. Equipé de lames ressemblant à des pétales, montre 2 orifices
reliés entre eux, bouche et anus sans doute.
Amiskwia est
peut-être l’un des rares organismes ne vivant pas sur le fond marin. En effet
ses appendices (latéraux et caudal) suggèrent la nage. Par ailleurs sa tête
semble équipée un double organe sensoriel et de 2 tentacules.
Hallucigénia : comme le dit S.G. Gould, comment peut-on décrire une
forme vivante dont on ne comprend pas où est l’avant et l’arrière, le haut et
le bas. La bouche serait le tube en bout ? Les épines des béquilles ?
des pattes ? une paire par segment. Sur le dos( ?) une sorte de
tentacule placé en quinconce avec les « pattes ». Si hallucinant que
l’on se demande encore s’il ne s’agirait pas d’un fragment d’un autre animal,
non trouvé à ce jour. Mais Hallucigénia n’existe pas qu’à un seul
exemplaire ? Une énigme…
Odaraia
ressemble à un arthropode, à carapace bivalve, sans antennes, avec une queue
d’avion pour faire bonne mesure. Vivait-il sur le fond ? se propulsant
avec la queue ? Pas d’antennes, pas d’appendices buccaux, encore une fois
un organisme très différencié et rien qui indique un caractère primitif.
Wiwaxia
est un petit animal de
Anomalocaris mesure
Bon nombre d’autres espèces se rangent dans des phyla
qui portèrent descendance, dont notre ancêtre Pikaia (Fig. 67, page
suivante).
Pourquoi
tant de diversité dans cette période charnière pour les pluricellulaires? Bien sûr, la pression démographique est probablement
encore faible et la concurrence entre tous ces embranchements qui viennent
d'apparaître n'est sans doute pas aussi rude qu'elle ne le sera par la suite,
mais pourtant tous ces organismes très différents paraissent déjà très adaptés
à leur milieu, et il semble de plus en plus évident avec la multiplicité des
sites de fouilles qu'ils étaient bien déjà partis à la conquête de tout
l'océan. A notre schéma de cône de diversité il faut substituer un schéma de
disparité – décimation – diversification (fig. 68).
Pourquoi une
telle décimation se produit-elle parmi des formes qui viennent de conquérir les
océans du monde entier ? Quels hasards auront, 40 Ma. plus tard au
Cambrien (560 Ma.), réduit le panel des formes de vie sur
Une difficulté majeure que présente Burgess pour la
communauté scientifique est que rien dans cette faune ne permet de prédire
lesquelles, parmi les espèces présentes, sont celles qui sont, a priori, les plus adaptées aux
conditions que l’on sait devoir régner d’ici peu. Ainsi, rien ne nous dit que
si le film des évènements pouvait être rejoué, notre ancêtre Pikaïa, moins
de
1 -
comment, étant donné notre vision traditionnelle d'une
évolution extrêmement lente, une telle disparité a-t-elle pu surgir aussi
rapidement ?
2 -
si la vie actuelle est le résultat de la décimation de
la faune de Burgess, quelles particularités anatomiques, quels caractères
physiologiques, quels changements d'environnement départagèrent ceux qui
allaient gagner de ceux qui allaient perdre ? »
Suivant Gould, trois types de mécanismes évolutifs sont
susceptible de rendre compte de l'explosion du Cambrien ayant conduit à la
disparité rencontrée à Burgess.
1 -Le remplissage initial du tonneau écologique. « Selon la
théorie darwinienne conventionnelle,
l'organisme propose et l'environnement dispose. Les organismes
fournissent un matériau brut sous forme de variation génétique exprimée dans des différences morphologiques. Au sein
d'une population, ces différences sont toujours petites, et ce qui est plus
important dans la théorie, non dirigées[5]. Le changement évolutif (par opposition à
la simple variation) est produit par le jeu de la sélection naturelle émanant
de l'environnement externe (les conditions du milieu, aussi bien que les interactions
entre les organismes). Les organismes ne fournissant que le matériau brut et
celui-ci ayant été jugé presque toujours suffisant pour produire toutes sortes
de changements selon des rythmes darwiniens extrêmement lents, l'environnement
est donc considéré comme le facteur qui contrôle la vitesse et l'ampleur de
l'évolution. Par conséquent, selon la théorie conventionnelle, les grandes
vitesses atteintes lors de l'explosion cambrienne signalent que quelque chose
d'inhabituel a dû se passer dans l'environnement à cette époque… …lorsqu'on
cherche en quoi pouvait consister cet « inhabituel » dans l'environnement, ayant
pu engendrer l'explosion cambrienne, la réponse est évidente et saute aux yeux.
Cet événement a représenté le moment du remplissage initial du tonneau
écologique par la vie multicellulaire. Ce fut une époque où les places
disponibles pour des modes de vie variés abondaient, à un point qui n'a jamais
plus été égalé depuis. Presque n'importe quoi pouvait trouver sa niche
écologique. La vie multicellulaire opérait une radiation dans un espace
totalement libre et elle put donc proliférer à une vitesse exponentielle… Dans
le remue-ménage et l'agitation de cette période unique en son genre,
l'expérimentation régnait, le monde était pratiquement libre de toute
compétition pour la première et la dernière fois… … Pratiquement toute la
littérature sur Burgess fait appel à cette vision traditionnelle. Le maître mot
des interprétations a été : compétition moins rigoureuse».
2 -Le changement des systèmes génétiques au cours du temps. Gould écrit : « Dans
le cadre de la vision darwinienne traditionnelle, les morphologies subissent
des processus de vieillissement, mais non le matériel génétique. Si le
changement évolutif connaît des variations de rythme, c'est que des
modifications de l'environnement redistribuant les pressions de la sélection naturelle évoquent de nouvelles
réponses de la part d'un substrat matériel
(les gènes et leur action), mais celui-ci ne change pas au cours du temps. Or,
il se pourrait que les systèmes génétiques « vieillissent », dans le sens
où ils « deviendraient moins capables de restructurations majeures » (J.W. Valentine). Les organismes
modernes ne peuvent peut-être plus engendrer rapidement de nouvelles gammes
d'organisations anatomiques, quelles que soient les niches écologiques qui
s'ouvrent ». Gould ajoute :
«Je n'ai pas vraiment de suggestions à
faire concernant la nature de ce vieillissement, mais je demande simplement que
l'on prenne en considération une telle
alternative… ... Les génomes de l'époque cambrienne étaient-ils plus simples et
plus flexibles ? ».
3 -Diversification initiale et
ultérieure, en tant que loi générale des systèmes. Stu Kauffman,
a mis au point un modèle pour montrer que le développement maximal rapide de la
disparité suivi d'une décimation, observés à Burgess, sont une loi générale des
systèmes qui n’a pas à recourir à une hypothétique faiblesse initiale de l’intensité
de la compétition ou un « vieillissement» du matériel génétique. Reprenons
Gould dans le texte : « Considérons
la métaphore suivante. Le cadre dans lequel se déroule l'évolution est un
paysage complexe comprenant des milliers de pics, chacun de hauteur différente.
Plus le pic est élevé, plus est grand le
succès évolutif de l'organisme qui y figure… …Saupoudrez ce paysage d'un petit
nombre d'organismes pris au tout début de leur évolution, et laissez-les se multiplier
et changer de place: Les changements peuvent être petits ou grands, mais nous ne nous intéresserons pas ici aux
premiers, car ils permettent seulement aux organismes de monter plus haut sur
leurs pics particuliers et ne conduisent pas à de nouveaux plans
d'organisation. Ceux-ci n'apparaissent qu'à l'occasion de grands bonds, plus
rares……Les grands bonds sont extrêmement risqués ils réussissent rarement mais
rapportent beaucoup. Si vous atterrissez sur un
pic plus élevé que celui sur lequel vous' étiez vous prospérez et vous vous
diversifiez ; si vous atterrissez sur un pic moins élevé, ou dans une
vallée, vous êtes perdu. Maintenant, nous nous posons la question : quelle est
la fréquence des grands bonds qui
réussissent (donnant un nouveau plan d'organisation) ? Kauffman a montré que la probabilité de succès est d'abord très élevée, puis chute rapidement et
atteint bientôt le niveau zéro tout comme l'histoire de la vie. Ce scénario est
assez conforme à nos intuitions. Les premières
espèces, peu nombreuses, sont localisées au hasard dans le paysage. Cela signifie qu'en moyenne la moitié des pics
sont plus hauts, l'autre moitié plus bas que les localisations
initiales. Par suite, les premiers grands bonds ont grosso modo 50% de chances de réussir (les autres
concurrents sont éliminés, note JLB). Mais ensuite, l'espèce qui a réussi se trouve sur un pic plus élevé donc le
pourcentage de pics plus élevés qui
lui restent offerts est moindre. Après un petit nombre de bonds réussis, très
peu de pics plus hauts restent disponibles, et la probabilité de pouvoir même
se déplacer chute brutalement. En fait, si les grands bonds se produisent assez souvent, tous les pics les
plus élevés seront occupés dès les premières phases du jeu, et personne
n'aura plus de place où aller. Alors les vainqueurs vont s'implanter et se
doter de systèmes de développement si étroitement liés à leur pic, qu'ils ne
pourront plus changer, même si l'occasion s'en présente ultérieurement. Par la
suite, ils ne pourront donc plus que s'accrocher fermement à leur pic ou
mourir. Le monde est rude, et beaucoup vont connaître ce second destin… …parce
que même des extinctions au hasard vont laisser des places vides, qui ne pourront plus être occupées par personne.
On sait maintenant que la vie a essuyé par la suite de
nombreuses crises, parmi lesquelles cinq crises terribles qui ont dépeuplé
D’origine volcanique, météoritique, climatique ou les
trois peut-être comme il y a 65 Ma., ce sont ces crises observées dans le
vivant qui ont imposé au géologue le découpage des temps fossilifères (Fig. 69a).
Sans doute ont-elles créé à nouveau des espaces favorables à la diversité,
pourtant aucun foisonnement similaire à celui de la fin du Protérozoïque n'est
venu les combler. Les deux premières crises
majeures se situent au sein de l’ére Primaire (ou Protérozoïque) et séparent
d’une part l’Ordovicien du Silurien (A), et d’autre part le Dévonien du
Carbonifère(B); elles résultent de glaciations certes très importantes, mais
plus comparables aux glagiations modernes (quaternaires) qu’à un épisode de
type snowball. Les autres coupures introduites dans le Primaire témoignent de
l’évolution des espèces et de leur diversité. La troisième grande crise, la
plus grande, se situe à la fin du Permien (C); elle inaugure l’ère Secondaire.
Elle coïncide cette fois avec un épisode volcanique majeur, qui met en place
les trapps de Sibérie, et précède de peu la crise de la fin du Trias (D). La
crise de la limite Crétacé Tertiaire (E) est sans doute beaucoup moins
importante en nombre d’espèces disparues que celle du Permien, mais la médiatisation
de son origine au moins partielllement météorique et ses effets partiels sur la
disparition des dinosaures en ont fait un best seller. Certains auteurs, Raup
et Sepkoski (1986) ont attiré l'attention sur l'aspect périodique des
extinctions. Ils estiment qu’il existerait une
fréquence autour de 1 crise par 26 Ma. environ (Fig. 69b), et qu’une telle
périodicité pourrait témoigner de la traversée de l’orbite terrestre par un
groupe d’objets très excentriques venus du nuage de Oort. Dans la glace
du forage européen EPICA, deux couches de micrométéorites, espacées d’environ
50 000 ans (481 et 434 Ka), ont été observées. Leur concentration en particules
extraterrestres est 10 000 à 100 000 fois supérieure à la concentration moyenne
observée dans l’Antarctique. S'agit‑il de deux pluie de micrométéorites
issues de l'explosion de bolides
extraterrestres ? Pour d’autres chercheurs,
le passage du plan de
4 –L’ultime évolution de l’atmosphère-biosphère, Le sceau de
l’homme
Mais les phénomènes géologiques ou astronomiques ne
sont plus les seuls capables de générer de telles crises. L’Homme se révèle
être le plus formidable prédateur que l’évolution des espèces ait jamais
engendré. La pression qu’il exerce sur son environnement est si forte que
beaucoup d’espèces vivantes n’y résistent pas, au point que de nos jours, le
nombre des espèces qui disparaissent de la surface de
La question doit être posée car au-delà de la pression
que sa nature lui fait exercer sur le vivant, l’Homme moderne (celui de la
révolution industrielle et de l’ère post industrielle) est peut-être en train
de modifier le climat terrestre dans des proportions telles qu’elles puissent
elles aussi contribuer à bouleverser la biodiversité terrestre. Nous avons tenté
de montrer au paragraphe troposphère (§ B2b) combien il est difficile d’établir
une relation univoque entre augmentation de la teneur en gaz à effet de serre
et la température moyenne de l’atmosphère terrestre, et pour nous y aider nous
avons commencé à regarder le passé historique de notre atmosphère. Mais ce
recul de quelques siècles instrumentés est très insuffisant pour étayer une
analyse prédictive du comportement de notre atmosphère. Aussi nous faut-il
maintenant mettre ces résultats historiques en perspective avec les archives
paléoclimatiques terrestres enregistrées par les glaces et les sédiments.
a - Le
décryptage des archives glaciaires
L’étude des gaz emprisonnés dans les bulles de la
glace des calottes polaires, tels que CO2 ou CH4 donne la
composition de l’atmosphère ancienne, car leur temps
de résidence dans l’atmosphère est court, environ 10 ans, mais suffisant pour
permettre à l’atmosphère d’être homogénéisée à l’échelle de la planète. En
outre la géochimie des poussières minérales permet de remonter aux régions
désertiques qui les ont émises ou aux volcans qui ont explosé, faisant des calottes
glaciaires de formidables archives. Outre les teneurs en gaz, 3 rapports d’isotopes
stables constituent des traceurs géochimiques très efficaces et très utilisés
dans le décryptage de ces archives.
Pour l'eau, le rapport 18O/16O
est modifié significativement lors de l'évaporation et de la précipitation;
l'eau du réservoir atmosphérique est ainsi déprimée en 18O par
rapport à l'eau du réservoir océanique, et l'eau de pluie est enrichie en 18O
par rapport à l'eau atmosphérique. Avec le transport de l'air à travers les
cellules convectives (Hadley, Ferrel, et cellule polaire) et les précipitations
successives qu'il peut subir pendant son transport, cet air voit ainsi son
rapport 18O/16O décroître, et lorsqu'il précipite
finalement en neige sous les hautes latitudes, il constitue du réservoir solide
(apparenté à la géosphère) aux propriétés isotopiques très différentes de
celles de l'océan (18O/16O plus bas de quelques %0).
Durant les périodes glaciaires, le stockage d'un énorme volume de glace
provoque un enrichissement de l'eau océanique en 18O par rapport à 16O,
et inversement pendant les périodes chaudes, il s'opère un déstockage de 16O.
On peut suivre ces évolutions dans la composition isotopique de l'oxygène dans
la composition des glaces, dont les archives les plus anciennes, carottées à
3600m de profondeur dans la calotte Antarctique (Vostok), remontent à 420 Ka.
On peut remonter beaucoup plus loin en étudiant la composition isotopique de
l'oxygène des carapaces des organismes vivants (CaCO3 par exemple).
Mais cette lecture est rendue complexe par deux phénomènes:
1 - en premier lieu, le rapport 18O/16O
est thermo-dépendant; il existe donc une stratification du rapport 18O/16O
avec la température et donc la profondeur de l'océan en région intertropicale,
mais ce phénomène sera peu ou pas notable en région polaire; on ne peut donc
utiliser ce rapport qu'en établissant un bilan (à travers les concentrations
mesurées dans des coquilles, souvent du plancton), entre des organismes vivant
sur le fond de l'océan (benthiques) et des organismes nageurs vivant en surface
(pélagiques), et en interrogeant des organismes vivant sous des latitudes très
différentes.
2 - en second lieu, les organismes vivants opèrent une
sélection de 18O, et leur rapport 18O/16O est
donc différent de celui de l'océan contemporain. Ces mécanismes doivent être
pris en compte dans le calcul des paléo températures océaniques.
On
exprime généralement ce rapport sous la forme δ18O, qui
représente l’écart de ce rapport à la valeur moyenne de l’eau de mer, son unité
est le 0/00.
De la même manière on utilise beaucoup le rapport du
Deutérium 2H (ou D) à l’hydrogène, et là encore on définit un δ
D, exprimé en 0/00.
Pour les
carbonates, les compositions isotopiques sont déterminées par le système CO2-HCO3--CO32- en solution. Outre la température, l’origine
du CO2 entrant dans la constitution des carbonates est le paramètre
essentiel de leur composition isotopique. Ainsi lorsqu'un organisme vivant dans
l'océan se constitue une coquille de calcite (CaCO3) en pompant des
ions de l'eau, c’est le stock océanique de HCO3- (à
composition isotopique assez constante) qui en définit le rapport 13C/12C.
Toutefois, les réactions du métabolisme cellulaire s’accompagnent le plus
souvent d'un fractionnement isotopique du
b - Les
changements cycliques du climat
Les quatre époques les plus récentes de glaciations mondiales, bien connues des géologues alpins (tableau 6)
Les calottes polaires de
l’Antarctique et du Groenland constituent la majeure partie de la cryosphère (90
% Vol de l’eau douce de la planète). La transformation de la neige en glace est
rapide, mais l’évolution de cette glace en profondeur (recristallisation
progressive en cristaux de grande taille) est lente, jusqu’à 2000 ans. Les
calottes épaisses, jusqu’au delà de
Points froids de
Les carottages dans la glace (tableau 7) nous
fournissent donc des enregistrements continus de l’environnement passé au cours
des derniers cycles climatiques, dont la représentativité géographique n’est
pas limitée à la région. Au début des années 70, les Américains ont atteint
Outre le calage somme toute satisfaisant avec les datations classiques
souvent délicates à conduire, et l’allure très similaire des courbes de
variations du volume des glaces tirées de l’étude des sédiments marins (non
figuré ici), la cyclicité de ces
variations de grande amplitude autour d’une période de 100 000 ans est
remarquable. Autre observation, le signal climatique de Vostok contient
des périodes de 20 000 et 40 000 ans caractéristiques elles aussi des variations
de l’orbite terrestre.
Ceci accrédite la théorie mise au point par Milutin Milankovitch entre 1920 et 1941 associant les modifications des climats aux paramètres orbitaux terrestres. Trois paramètres jouent un rôle fondamental, (Fig. 71, http://www.ens-lyon.fr) :
1 - L’excentricité
de l’orbite terrestre (Fig.71a ) passe d’un stade circulaire à un autre en
passant par un maximum d’allongement de l’ellipse selon deux périodes
100 000 et 413 000 ans ;
2 - L’inclinaison
de l’axe de rotation terrestre par rapport à la normale au plan de son orbite
oscille entre 22° et 24.5° avec une période de 41 000 ans (Fig. 71b) ;
3 - La
précession des équinoxes, qui résulte du fait que l’axe de rotation terrestre
est en rotation lente autour de la normale au plan de l’écliptique et décrit un
cercle sur la sphère céleste en 25 800 ans. Ce faisant notre équateur
céleste subit aussi un lent déplacement sur la même période. Par définition
l’équinoxe correspond au moment où dans sa rotation autour du Soleil
La
variation des paramètres orbitaux fait osciller
1 - forte excentricité de notre orbite, forte inclinaison (comme de nos jours) et faible distance Terre-Soleil en été sont propices à des saisons très contrastées
2 - orbite quasi circulaire, faible inclinaison et une grande distance Terre-Soleil en été sont au contraire propices à des saisons peu contrastées.
Ces
variations des paramètres orbitaux conduisent donc à des variations de
la quantité de lumière solaire captée par
La situation 2, aux saisons peu contrastées, est vraisemblablement favorable aux périodes glaciaires car si les conditions sont telles que l’enneigement d’hiver ne se résorbe pas ou mal en été, les conditions du déclanchement d’un feed-back positif entre précipitation neigeuse et albédo sont peut-être réunies. Inversement, la situation 1 aux étés chauds et hivers rigoureux paraît très défavorable à une période glaciaire (Fig. 71e).
Il est enfin très intéressant de noter sur
les courbes de la figure 70 la pente très forte des indicateurs et de la
température calculée lors de l’installation de chacun des épisodes
interglaciaires, signe d’un réchauffement extrêmement brutal.
c -
Les oscillations rapides du climat
L'apparente stabilité du climat durant la dernière période glaciaire a été régulièrement interrompue par des oscillations rapides, d'une durée comprise entre la décennie et le millénaire. On avait bien observé le coup de froid brutal du «Younger Dryas » vers la fin de la dernière déglaciation, mais il demeurait une exception. On sait maintenant que cette apparente stabilité a été régulièrement interrompue par des oscillations rapides du climat, d'une durée comprise entre la décennie et le millénaire.
Ces oscillations mémorisées dans les
carottes de glace, appelées « cycles
de Dansgaard-Oeschger », ont été mises en évidence par Dansgaard
et al en 1994. Elles débutent
par un refroidissement rapide de 5 à
Ces oscillations ont aussi été observées
dans les sédiments océaniques de l’Atlantique Nord (entre 40 et 60°N) par Heinrich
en 1988, mais on y observe aussi la présence d'autres événements froids,
se traduisant par des arrivées brutales et massives de sables et débris
grossiers transportés par des icebergs. Appelés «événements de Heinrich»,
ces épisodes froids se produisent avec une relative périodicité de 7 000 à 8
000 ans. Les glaces du Groenland montrent que les changements climatiques sont
amples, rapides, et largement étendus. Les refroidissements se produisent en
plusieurs temps, alors que les réchauffements ont lieu en une seule étape. Les
réchauffements les plus forts ont atteint
Vingt-quatre de ces événements ont été
dénombrés dans les carottes de glace du Groenland depuis la fin du dernier
interglaciaire. Ils ont aussi été reconnus dans les carottes marines de
l'Atlantique Nord, de
Quelle a été l'extension géographique des événements Dansgaard/Oeschger
durant les derniers 100000 ans ? Sur
le continent, les enregistrements climatiques de tels événements abrupts sont
rares : citons la séquence palynologique des lacs des Echets, du Bouchet
et des Maars du Velay (Massif Central) observée par Reille et Beaulieu (1988) ou par Guiot
et al (1993. Mais, au-delà de la limite de datation du
1 -le
climat était suffisamment froid et sec pour empêcher toute infiltration et
précipitation de calcite dans la grotte entre 61,0 ka et 67,4 ka; c’est le
cas de la discontinuité la plus importante, elle coïncide avec l'événement de
Heinrich H6.
2 -Les
hiatus sont liés à des inondations dans la grotte lors de périodes très
humides.
Les effets des
événements Dansgaard/Oeschger se font
donc sentir au moins jusque sous nos latitudes moyennes. La figure 72
montre que le 13C a enregistré l'événement D/O20 de façon
remarquable, et sa terminaison abrupte dans l’évènement de Heinrich qui clôt ce
cycle.
Ces variations de 13C
sont principalement liées au développement du sol et de la végétation : le
carbone dissous dans l'eau d'alimentation des stalagmites provient en majeure
partie du CO2 du sol. Or, les variations d'activité pédologique et
de la végétation vont conditionner la quantité de CO2 d'origine
biologique dissoute dans l'eau d'infiltration. En conséquence, les événements
froids, qui ralentissent l'activité végétale et bio-pédologique, sont marqués
par un 13C élevé. ¼
de l'amplitude du signal 13C (renforcement) est
produit par la température. En effet, le fractionnement isotopique du carbone
dans la dissolution du CO2 dans l'eau et lors de la précipitation de
CaCO3 va dans le même sens.
Le décalage entre le début d'un
réchauffement et le minimum sur la courbe du 13C, qui caractérise
le maximum d'activité végétale varie entre 500 et 2000 ans. La remise en
route du système bio-pédologique qui produit le CO2 du sol peut donc
être très rapide, comme lors de l’évènement de Heinrich qui interrompt le cycle
D/O 20 Avec le système bio-pédologique redémarre la dissolution-précipitation
des carbonates qui amorce la chute du signal 13C. Le temps
de réponse du sol est nettement plus rapide que celui mis en jeu par les
différents taxons végétaux qui vont ensuite successivement recoloniser le
milieu.
Les paléoclimatologues interprètent les
évènements de Heinrich comme de résultat de l’effondrement de la calotte
Nord-Américaine (Laurentide) sous l'effet de sa propre dynamique. La glace
s'accumulant pendant plusieurs millénaires d’un épisode froid sur l'Amérique du
Nord aurait atteint progressivement une épaisseur telle que la chaleur interne
de
Ralentir la formation des eaux profondes, implique de ralentir ou même de bloquer (?) la circulation globale thermohaline. Si l'implication de la circulation thermohaline est reconnue, la cause de ce basculement entre un mode froid et stable (sans convection profonde en Atlantique Nord) et un mode plus chaud et instable avec convection profonde en Atlantique Nord reste encore à déterminer. Traduit-elle une oscillation interne à l'océan ? Une oscillation couplée entre océan et calottes glaciaires ? Faut-il des forçages externes au système climatique pour les déclencher ? Ces oscillations sont-elles présentes même faiblement pendant les périodes interglaciaires ? Il reste aujourd'hui beaucoup de glace en Antarctique et au Groenland.
On est en droit de se demander si de tels événements pourraient intervenir dans les décennies ou les siècles à venir ? Le «petit âge glaciaire», refroidissement sur l’Atlantique nord entre le XI° et le XIV° siècle pourrait représenter la dernière de ces anomalies ? Faut-il craindre le scénario catastrophe que nous promettent les climatologues ? Le sceau de l’homme est mesurable dans la concentration en CO2, CH4, et autres gaz à effet de serre. Doit-on lui imputer une part significative de l’augmentation de la température au XX° siècle ?
Oui ? Non ? Si nous avons attiré votre attention sur la difficulté de dresser le bilan précis de la responsabilité de notre espèce, c’est d’abord pour que vous saisissiez l’extrême complexité des phénomènes naturels, l’interdépendance des paramètres, l’existence d’effets de seuil, d’emballements, de boucles rétroactives, autant d’occasions d’admettre que la précaution, fondé sur l’évaluation scientifique objective, doit devenir un principe quand l’ignorance pointe le bout de son nez.
Un
bref retour en arrière, simple coup d’œil à un passé terrestre vieux de 600 Ma.
(fig. 74) nous montre combien il est difficile de mettre en évidence des
corrélations simples entre quelques paramètres dont l’évolution qui nous
préoccupe commence à nous être familière ; de gauche à droite dans la
figure de S. Manoliu et M. Rotaru 2008 :
1 -la température moyenne de
2 -la teneur en CO2 de l’atmosphère variant de jusqu’à 20
fois le niveau de teneur actuel ;
3 -le niveau de l’océan, variant de -200m à +200m, voir
beaucoup plus ;
4 -les épisodes de production massive de charbon ;
5 -le nombre des espèces ayant vécu en même temps sur
Terre, avec 5 creux bien identifiés ;
6 -Les impacts majeurs de bolides, pour lesquels il ne
faut pas oublier que le plancher océanique qui représente 70% de la surface
terrestre est perpétuellement renouvelé et ne peut donc conserver la mémoire
d’un passé plus vieux que 200 Ma. environ.
A suivre donc, en gardant à l’esprit que toute science, toute donnée même ancienne peut, si les conditions de son acquisition sont accessibles et garantissent sa qualité, contribuer à éclairer cette machinerie extrêmement complexe que représente le fonctionnement du système Terre.
[1] Rappel -1: tous les éléments ou presque possèdent des
isotopes. Certains sont stables, d'autres ne le sont pas. Au-delà du bismuth
(Z=83), il n’existe aucun noyau parfaitement stable. Les interactions
nucléaires de ces énormes atomes deviennent trop faibles au regard de leur
taille ; cela favorise leur dégradation spontanée en espèces plus légères.
Rappel –2 : la composition isotopique de notre système
est une donnée initiale, fixée au moment ou notre nébuleuse gazeuse, considérée
comme homogène, va s'effondrer en un soleil et son système planétaire ;
les rapports des isotopes stables de ce système homogène sont alors fixés. Par
contre, le chronomètre de la décroissance des isotopes radioactifs est démarré
à cet instant dans notre système. Certains, comme 26Al, ont
totalement disparu de nos jours. D'autres, comme 238U, dont la
période est de l'ordre de grandeur de l'âge de
Rappel –3 : dans
notre système sont apparus des sous systèmes que l'on peut considérer chacun
comme homogène en première approximation. Ces sous-systèmes, ou réservoirs,
sont reliés entre eux par des flux de matières, gérés par des processus
physico-chimiques ou biochimiques;
Rappel –4 : si les processus physico-chimiques sont
susceptibles de modifier les rapports de teneurs entre des éléments différents,
ils agissent de manière plus subtile sur les rapports isotopiques d’un élément
donné, puisque les isotopes d’un même élément ont un comportement chimique
identique qui dépend du cortège électronique de l’élément, et ils diffèrent par
leur masse. D'une manière très générale la constante d’équilibre isotopique K est
peu différente de 1, de sorte que les variations isotopiques détectées dans la
nature dépassent rarement quelques 10-3. Cette constante d'équilibre
K est thermo-dépendante (fonction inverse de T°); elle tend vers 1 aux
températures élevées.
[2] L'évolution du rapport 87Sr / 86Sr
de la croûte terrestre augmente inexorablement plus vite que celui de la
moyenne terrestre alors que celui du manteau voit sa croissance d'autant plus
ralentie.
[3] L'étude isotopique menée sur la météorite en provenance de
Mars QUE
[4] Mars Global Surveyor a découvert les traces d’un magnétisme rémanent fossile dans les hauts plateaux de l'hémisphère sud, régions les plus anciennes de la planète et qui correspondraient à un gigantesque continent sur Terre. Ces reliques magnétiques prouvent que Mars possédait alors dans un champ magnétique actif global.
[5] « Les manuels de biologie parlent souvent de
variations «au hasard ». Ce n'est pas vrai au sens strict. Les variations ne se
font pas au hasard, dans le sens littéral où elles seraient également probables
dans toutes les directions ; chez les éléphants, il ne se produira jamais de
variations génétiques déterminant la formation d'ailes. Mais l'emploi du terme
«hasard» a pour but de faire ressortir une notion cruciale : sur le plan
génétique, rien ne prédispose les organismes à varier dans des directions adaptatives. Si l'environnement change de telle sorte
qu'il favorise les organismes plus petits, les mutations génétiques ne
se mettent pas à produire des variations orientées dans le sens d'une
diminution de la taille. En d'autres termes, la variation elle-même n'a pas de
composante directionnelle. La sélection naturelle est l'agent du changement
évolutif ; la variation organique est seulement le matériau brut. »
[6] La diagenèse est la suite des transformations qui
transforment une vase sédimentaire née dans l'hydrosphère en roche de la
géosphère. Elle se produit là où la minéralogie de la roche devient instable en
raison du changement soit des conditions (P,T) soit de la chimie du sédiment.
Elle transforme
le sable en grés, la boue en argile en
marne ou en calcaire, etc. Elle se déroule en plusieurs étapes dont les
principales sont la compaction, l'authigénisation et la cimentation:
La compaction résulte de l'évacuation de l'eau sous le poids du squelette
solide du sédiment. Elle peut conduire des phénomènes de dissolution partielle
de ce squelette aux points de contact entre les grains
L'authigenisation est la production par précipitation ou réaction de substances minérales dissoutes
dans l’eau interstitielle (quartz = SiO2, calcite = CaCO3,
hématite = Fe(OH)3nH2O ; Argile = silico-aluminate
complexe et de composition variable)