ENSM-SE / processus naturels / terre_ronde

CHAPITRE 5

L’enveloppe gazeuse de la Terre

le couple atmosphère – hydrosphère

Circulation océanique

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1 - Coriolis : Transport d’Ekman et courants Géostrophiques

Comme l’atmosphère, l’océan est en mouvement (à faible vitesse mais sur une longue durée) et subit donc l’effet de la force de Coriolis, rotation directe (dextre) dans l’hémisphère nord et senestre au Sud. Le vent, en déplaçant la pellicule marine superficielle, vient jouer un rôle dans la circulation océanique.

Imaginons que le vent qui a initié un courant océanique cesse brutalement. Le courant continue sur sa lancée en faiblissant lentement par frottement, on parle de courant d’inertie. Ce frottement, exercé sur une particule de ce courant animée d’une vitesse v très proche de celle de ses voisines, est faible en regard de la force de Coriolis F (de paramètre f = 2ω Sin φ) qui continue à s’appliquer sur ce courant. Dans ces conditions, si l’on considère la seule force de Coriolis (comme horizontale et agissant sur une différence de latitude dφ très petite), la particule de courant considéré, de masse m, décrira à la vitesse constante v, un cercle parfait de rayon r dans le plan horizontal. Dans un courant d’inertie la force de Coriolis agit donc comme une force centripète que l’on peut écrire :

Zone de Texte: Fig. 29 : Enregistrement du mouvement d’une particule à la surface pendant la disparition d’un courant d’inertie après une période de vent en mer Baltique ; traits noirs = position de la particule toutes les 12h ; elle exécute 4 tours ½ pendant les 3 premiers jour, correspondant à une période moyenne de 16h.

 

fcentripète = mv2/r ,

équivalent à FCoriolis= mfv (cf. § Cellule de Hadley).

On en déduit :

mv2/r = mfv

soit                                           

f = v/r  (1)

La période T de rotation de cette particule sera alors

T = 2πr/v

Avec (1) on montre que la période de rotation dans un courant d’inertie T = 2p f est fonction de la latitude f:

A l’équateur,            f= 0°       T = 2π / 2ω Sin φ           T infinie

Avec w, vitesse angulaire de la Terre = 2π / 24 heures,

on obtient :                                                

Au pôle,                    f= 90°     T = 12 / Sin φ                   T = 12 heures;

A nos latitudes        f= 45°     T = 12 / Sin φ                   T # 17 heures.

Le calcul théorique effectué sans prise en compte des frottements donne, pour une latitude de 60°, une période de 14h proche de la période mesurée en Baltique (Fig. 29).

V. W. Ekman a montré à la fin du XIX° que le courant provoqué par le vent induit sous l’effet de la force de Coriolis un déplacement global moyen (c.à.d. sur l’ensemble de la tranche d’eau soumise au vent) perpendiculaire à la direction du vent (fig. 30).

Zone de Texte: Fig. 30 : Spirale d’Ekman ; depuis la surface, chaque lamine d’eau entraînée par frottement par sa voisine supérieure se trouve dévié plus à droite (hémisphère Nord), et ce d’autant moins que sa vitesse décroît avec la profondeur.

Supposons un instant que la surface de l’océan soit pentée entre 2 points A et B, et qu’il n’y ait aucun écoulement entre A et B (Fig. 31).

Cette situation hautement théorique nous montre que tout point situé quelque part entre A et B sous l’horizontale de A dans ce cas, subit un gradient de pression égal à :

ρgΔz /Δx = ρg Tan θ

En supposant le poids volumique r constant le long de x, la force appliquée par unité de masse de l’océan (= gradient de pression horizontal), est seulement proportionnelle à la gravité g et à la pente Tan q. En conséquence, Zone de Texte: Fig. 32: Température versus profondeur et latitude : 
 
-1 : Coupe verticale Sud-Nord de l’Atlantique
 
2 : a) b) c) Coupes verticales d’océans ouvert, à différentes latitudes ; Noter la couche d’eau de surface plus froide que les eaux profonde dans les hautes latitudes ;
d) Coupes verticales au long de l’année en Atlantique Nord 
toute particule de l’océan va se mettre en mouvement, et accélérer uniformément en se déplaçant de B vers A.

Revenons à notre hypothèse et soyons réalistes un instant ; cette eau en mouvement est soumise à la force de Coriolis et se comporte comme un vent géostrophique. Il se créé un courant dont le mouvement est dévié vers la droite dans hémisphère nord, et qui comme les vents géostrophiques devient parallèle au gradient de pression qui le fait naître. Comme le vent géostrophique il s’enroule sur les isobares, dans l’océan cette fois. Comme pour les vents, on parle de courant géostrophique. Cet écoulement est symbolisé dans la figure 21b par un empennage de flèche de couleur verte.

2 - la circulation thermohaline        

La circulation océanique résulte, de la même manière que la circulation atmosphérique, du transfert de chaleur de l’équateur vers le pôle. La quantité d’énergie à transférer dépasse très largement la capacité de diffusion de chaleur de l’eau, et donc l’essentiel du transfert de chaleur est opéré par la convection, reliant surface et profondeur. Cette circulation thermohaline (THC) a été mise en évidence par W. Broecker  en 1987. Il la compare à un tapis roulant tridimensionnel à d’échelle planétaire (cf. § E.3.e).

Les paramètres clefs de ce transfert sont donc ceux qui (à une pression donnée, ou à une profondeur donnée) sont susceptibles de modifier le poids volumique de l’eau océanique, ce sont :

1 -                     sa température ;

2 -                     sa salinité.

On parlera alors de circulation thermohaline. Son rôle dans la mise en place de la circulation profonde est tributaire de la topographie et sera donc évoqué plus loin (§ E.3.f)

a - Température et thermocline,

La pénétration de la lumière dans l’océan n’excède pas les 100 premiers mètres de l’océan, et c’est elle qui fournit sa chaleur à l’eau de surface, principalement sous les basses latitudes. La distribution des eaux chaudes de surface, T°>25 (en rouge dans la Fig. 32) est donc largement dépendante de la saison. On constate en revanche que la latitude de l’isotherme 10°C (moyenne mensuelle) est globalement stable au cours des saisons autour des latitudes 40°N et 40°S.

 On observe aussi que dans l’Atlantique Nord cet isotherme 10°C occupe une latitude beaucoup plus haute (elle peut dépasser 60°N) qu’ailleurs, et on remarque enfin des incursions en région tropicale d’eaux froides venues de hautes latitudes le longs des côtes Est des bassins océaniques, dans les deux hémisphères. Ces anomalies proviennent de distribution des masses continentales qui, si elles n’influencent la circulation atmosphérique que par leurs plus hautes montagnes, sont bien évidemment des barrières infranchissables pour les courants océaniques. La morphologie du plancher océanique joue elle aussi un rôle primordial dans la circulation des eaux.

La tranche d’eau de surface est brassée par les phénomènes atmosphériques, sensibles jusqu’à 80-100 m environ. Cette première tranche d’eau est donc de température relativement homogène à l’échelle régionale. En dessous, la température de l’eau décroît plus ou moins rapidement avec la profondeur, en fonction de la  latitude et de la saison (Fig. 32), pour atteindre vers 500 à 800m les eaux profondes et homogènes marquées par une décroissance lente et régulière avec la profondeur et encore plus lente la latitude. On appelle thermocline la tranche d’eau qui organise la transition entre les eaux chaudes de surface et les eaux froides des profondeurs. Il est important de noter que dans les régions arctiques, la température passe par un minimum provoqué par la formation de la banquise (qui consomme de la chaleur latente de cristallisation). Ce processus de cristallisation augmente donc la densité de l’eau liquide par refroidissement. En outre, il extrait de l’eau douce de l’océan et provoque en corollaire direct une seconde augmentation de densité de l’eau liquide par accroissement de la salinité. Il s’en suit une disparition de la thermocline sous les hautes latitudes qui permet aux eaux très denses de surface de plonger vers les fonds océaniques, alors qu’inversement, sous les latitudes basses et moyennes, la stratification remarquable de l’eau interdit les échanges par convection entre la surface chaude et la profondeur froide. C’est donc seulement au niveau des hautes latitudes, avec des isothermes verticales ou presque et une densité renforcée que l’océan peut être brassé sur toute sa hauteur. On note cependant sur la coupe de l’Atlantique dans la figure 32 une remontée spectaculaire des isothermes sous l’équateur, montrant une remontée d’eau froide. Cet « upwelling » équatorial est observable dans tous les océans ouverts, il est provoqué par un couplage océan-atmosphère sur lequel nous reviendrons au § E-3.

b - Salinité et halocline 

On voit clairement dans ce dernier point le rôle que joue la position des masses continentales dans la circulation thermohaline, en limitant ici l’océan Indien vers le Nord et en interdisant ainsi la formation d’une masse peu salée. C’est aussi la distribution des continents autour de l’océan Atlantique Nord qui interdit la formation d’une langue peu salée, océan qui se continue pourtant jusqu’au pôle par l’océan Arctique. La raison en est double :

1 -     les eaux chaudes et salées du Gulf-Stream remontent très au nord ;

2 -     La Méditerranée déverse dans l’Atlantique une eau sur-salée (en rose in Fig. 33b) qui renforce en profondeur la masse des eaux salées de surface de la région chaude des latitudes 10-30°N. Cette langue gagne l’équateur et constitue une strate plus salée sous la langue sous-salée en provenance des hautes latitudes Sud

Zone de Texte: Fig. 33a : Salinité des eaux de surface de l’océan
 
   Zone de Texte: Fig. 33b : Coupes verticales Sud-Nord de la salinité des océans.

3 - Rôle de l’atmosphère et de la topographie.

Soumises à la force de Coriolis et limitées dans leur déplacement par les continents, les eaux de surface des océans subissent la poussée des vents. Le nombre des paramètres est petit, pourtant leurs effets sont multiples(fig. 34), et conduisent à une circulation superficielle constituée de cellules en rotation, de plusieurs milliers de km de diamètre, asymétriques en raison de l’action de la force de Coriolis, dénommées gyres.

Zone de Texte: Fig. 34 : Carte des courants et de la surface topographique de l’océan (dressée les 23-24 septembre 1993).

a - Gyres océaniques

En Atlantique on observe ainsi une gyre subtropicale, entre 15°N et 45°N environ, et une gyre subpolaire plus au nord . L'échange de masse et de chaleur entre ces deux gyres est influencé par la circulation thermohaline reliant surface et profondeur.

Dans l’océan Atlantique ,tropical Nord, sous l’effet de l’Alizé du NE, ces eaux déplacées d’Ouest en Est et de SE en NO tournent dans le sens horaire sous l’effet de la force de Coriolis. En outre elles viennent buter sur les Antilles et l’isthme Centre américain (Fig. 35a), et amorcent ainsi la grande gyre Nord-Atlantique subtropicale du Gulf Stream. Ce courant très fort fut reconnu très tôt, en 1513, par Spaniard Ponce de Leon, ses bateaux en route directe depuis Porto Rico vers ce que l’on nomme aujourd’hui la Floride ayant eu beaucoup de difficulté à le traverser. Il faudra néanmoins attendre B. Franklin (1777) pour disposer d’une première carte portant la trajectoire de ce courant et ce n’est qu’avec l’avènement des modèles simplifiés des océans (seconde moitié du XX°) que l'origine physique du Gulf Stream sera comprise. Dans l’océan Atlantique ,tropical Sud, l’alizé du SE engendrent de façon symétrique la grande boucle de l’Atlantique central, entre le Brésil et les côtes africaines (Fig.34).

Comme dans une simple rivière, les écoulements géostrophiques sont turbulents et incorporent à leur périphérie des eaux contrastées, donnant naissance ainsi à de grands tourbillons observables par les mesures de température de surface (Fig. 35a) et par altimétrie satellitaire (anomalies positives de rotation normale, et négatives de rotation inverse (Fig. 35b), les taches rouges sont les tourbillons anticycloniques de rotation normale dextre, et les bleues appelées Cyclones, tournent en sens inverse).

Zone de Texte: Fig. 35a: Image de la T° de surface du Gulf-Stream au contact des eaux froides en provenance du Labrador . La ligne noire représente la bordure du plateau continental.
 
   Zone de Texte: Fig. 35b : Altimétrie satellitaire de surface du Gulf-Stream au contact des eaux froides en provenances du Labrador .

 

L’affaiblissement du Gulf Stream est considéré de nos jours comme un évènement hautement probable lié au changement climatique, par un enchaînement en cascade de phénomènes :

1 -     réchauffement climatique des eaux polaires,

2 -     fonte de la banquise et refroidissement faible de l’océan Arctique en hiver,

3 -     densité faible des eaux de surface de l’océan polaire.

Le résultat ultime en serait le non plongement de ces eaux et les conséquences climatiques pour l’Europe de l’Ouest en seraient considérables. Située à la même latitude que le Canada, les côtes européennes sont actuellement réchauffées par le Gulf Stream. Nous y reviendrons au paragraphe E.3.f.

Zone de Texte: Fig. 36 : Courants péri-Antarctiques.
 
b – Westerlies ou Quarantièmes et les cinquantièmes

Les vents de secteur Ouest des latitudes plus élevées, comme Les Westerlies de l’Atlantique Nord, poussent l’eau de surface devant eux en amorçant un virage vers l’équateur (Coriolis oblige). Ils participent ainsi avec les alizés à la constitution des grandes gyres océaniques subtropicales, bien identifiables dans l’Atlantique Nord et Sud (e.g. carte des courants observés les 23-24 septembre 1993, Fig. 34 et Fig. 46).

Dans l’océan mondial Sud, fermé seulement par l’étroit goulet entre Terre de Feu de l’Amérique et Péninsule Palmer du continent Antarctique(fig. 36), la circulation des vents d’Ouest du Pacifique Sud, « Quarantièmes rugissants » et « Cinquantièmes hurlants » décrits par B. Moitessier dans « la longue route » (Arthaud 1971), organisent la circulation océanique de surface en un courant circum-Antarctique puissant que durent affronter, bien avant les Moitessier et autres J. Slocum, les marins en route vers Valparaiso, jusqu’à l’ouverture du canal de Panama en 1914. Le passage du Horn avec des voiles carrées, par 50° de latitude contre vent et courant pouvait alors durer deux à trois mois ! Ces eaux de surface qui franchisse le détroit de Drake sont partiellement incorporées à la gyre Atlantique-Sud.

Pour C. Wunsch (in D. Swingedouw, 2006), la turbulence liée au forçage éolien au niveau des 40ièmes rugissants et des 50ièmes hurlants et la force de marée (qui déplace des volumes d’eau considérables) ont pour conséquence la diffusion des eaux profondes et denses, qui sont ainsi tirées vers la surface. Pour l’auteur, l'appellation circulation thermohaline prête donc à confusion car ce n'est pas le gradient de densité qui nourrit la circulation mondiale mais plutôt cette diffusion dans l'océan profond. Pour autant, les eux profondes circum-antarctiques restent largement isolées (cf. § E.3.f, Fig. 45).

c - « Upwellings »

Les vents alizés convergent du NE et du SE vers l’équateur. En soufflant, ils poussent vers l’Ouest une masse d’eaux équatoriales de surface. Dès lors que l’on quitte l’équateur, la force de Coriolis dévie cette masse d’eau de surface de part et d’autre de la ITCZ (courants d’Ekman vers le NO et le SO) et laisse remonter ainsi des eaux plus profondes et froides. On parle de courant de “upwelling” équatorial (fig. 37).

Zone de Texte: Fig. 37 :Alisés et upwelling équatorial ; Pointillé = équateur

Au voisinage des continents sous le vent des alizés, (côtes Ouest des Amériques et de l’Afrique) et en situation normale d’équilibre de l’atmosphère, les alizés écartent la masse d’eau de la côte laissant émerger un upwelling côtier. Vers des latitudes plus élevées, les eaux froides de ces upwellings côtiers se mêlent aux eaux froides de surface des branches orientales N-S ou S-N (selon l’hémisphère) des grandes gyres. Bien visibles dans la figure 34 ces grande gyres de surface montrent une rotation dextre dans l’hémisphère Nord et senestre dans l’hémisphère Sud. Les masses d’eaux de surface ainsi transférées vers l’équateur le long des côtes orientales des océans sont bien entendu déviées par la force de Coriolis. Ceci tend à éloigner l’eau de la côte, située dans l’Est du courant dans les deux cas. Il s’en suit un appel d’eaux profondes, tout le long de la côte du Maroc (ex-Sahara occidental) et de la Mauritanie, ou le long des côtes du Chili, qui viennent renforcer l’upwelling côtier.

Dans l’Atlantique-Nord, en raison de la topographie SW-NE des côtes américaines qui infléchit singulièrement le Gulf-Stream à son départ[1], et de celle des côtes afro-européennes aux latitudes moyennes sur l’autre rive, une part importante du Gulf-Stream est déviée vers les hautes latitudes dans le NE et donne le courant Nord Atlantique. Il est à l’origine de l’anomalie >0 de température (Fig. 32) et de salinité (Fig. 33) observée dans l’atlantique Nord, qui interdit la formation d’une langue peu salée et peu profonde comme dans le Pacifique Nord (Fig. 33b en bleu).

d - El Niño / Southern Oscillation system (ENSO) Couplage Océan-atmosphère,

Dans le Pacifique, les alizés très réguliers du SE accumulent ainsi dans la région indonésienne une grande quantité d’eau chaude en provenance des côtes de Colombie – Equateur – Pérou - Chili (Fig. 39a). La thermocline apparaît ainsi plus profonde dans la région indonésienne (Fig. 38 à gauche), et permet à des eaux plus froides et plus riches en nutriment (phosphates) de remonter vers la surface (Fig. 38, à droite en rouge) donnant la langue bleue de la figure 39a. Les eaux chaudes (en rouge) sont massivement stockées à l’Ouest, entre 180° et 150° de longitude.

Zone de Texte: Fig. 38 : Coupe W-E de l’océan Pacifique:
             T°, 0-25°C                                               Teneur en phosphate 0-3 mM/l

Poussée à son paroxysme, cette situation est appelée “La Niña” ; elle correspond à la période faste de bonne pêche en mer et de climat très sec sur la bordure continentale Sud-américaine, Cette situation stable que connaît l’océan Pacifique durant des mois résulte d’un phénomène de couplage océan-atmosphère centré sur le Pacifique tropical, mais qui intéresse en fait plus de la moitié de la surface terrestre.

On appelle ENSO, pour El Niño Southern Oscillations,  cet ensemble à grande échelle de fluctuations cohérentes de la température de l’air et de l’eau, de la pression atmosphérique, de la direction et de l’intensité des vents et des courants marins. Ces fluctuations se traduisent dans la météo de toute cette région et perturbent fortement le monde vivant. Les épisodes chauds « El Niño », constituent avec les épisodes froids « La Niña » les deux termes extrêmes du cycle ENSO.

Zone de Texte: Fig. 39a : 	situation La Niña sur le Pacifique ;
 
observée par altimétrie satellitaire ;
 
 
   Zone de Texte: Fig. 39b : 	situation  El Niño sur le Pacifique 	
 
observée par altimétrie satellitaire ;

 

Zone de Texte: Fig. 40 : Variations saisonnière de la ITCZ
 
Observé du point de vue océanique, un épisode El Niño (Fig. 39b, aux alentours de Noël, d’où son nom) se traduit dans l’océan tropical Est Pacifique par une augmentation brutale de 2 à 5° au dessus de la température moyenne de l’eau (jusqu’à 28°C), en particulier le long des côtes Sud-américaines). La température devient alors quasi uniforme sur l’ensemble du Pacifique équatorial. Du point de vue atmosphérique, on observe l’effondrement des vents alizés, et le déplacement vers le Sud de la Zone de convergence Intertropicale (ITCZ[2], Fig. 40).

Les eaux chaudes stockées dans l’Ouest Pacifique reviennent avec El Niño sur les côtes Sud-américaines (Fig. 39b, en rouge) avec un courant équatorial très fort, bloquant en profondeur le courant de upwelling[3] et en surface le courant côtier froid (venant du Sud du Chili, cf. § précédent) et nutritif lui aussi. La pêche côtière devient alors très peu productive, à tel point que lors des épisodes El Niño les plus sévères, la population des oiseaux de mer subit des pertes extrêmement lourdes. Cette onde d’eau chaude diverge ensuite vers le Nord et le Sud, elle est réfléchie par la Côte Nord américaine et repart vers le Japon à travers le Pacifique Nord.

Il s’en suit des pluies orageuses très abondantes sur le Pacifique Est et sur les côtes de Bolivie - Pérou - Chili. Des régions ordinairement désertiques de ces pays se couvrent momentanément de prairies ; inversement, le Nord de l’Australie, l’Indonésie, les Philippines subissent une intense sécheresse. Ailleurs un temps plus humide que la normale est souvent observé  pendant la période Décembre à Février, citons le long des côtes de l’état d’Equateur, ou bien le Sud-Brésil, l’Argentine, ou enfin l’Afrique équatoriale. Un climat plus chaud que la normale est observé sur le Japon, l’Asie du Sud-Est, et sur le Sud du Canada Central. Cette période pluvieuse s’étend sur les mois de Juin à Août en se déplaçant sur les chaînes Andines du Chili et Rocheuses des USA. Un temps anormalement sec règne au contraire sur l’Amérique Centrale et le Sud de l’Afrique de décembre à Février, et plus froid sur le Golfe du Mexique, puis sur l’Est Australien entre Juin et Août. A l’opposé, durant la même période de Décembre à Mars, la température de l’océan Pacifique Est tropical peut descendre jusqu’à 4° sous la température moyenne, caractérisant alors un épisode La Niña (l’Infante). On voit donc que le phénomène El Niño, s’il est bien saisonnier, n’est pas annuel ; il apparaît irrégulièrement, entre 3 et 7ans en général. Dans le contexte d’élévation de la température moyenne qui caractérise la fin du XX° siècle et ce début de XXI°, la température accrue de la surface de l’océan conduit à un rapprochement des épisodes ENSO, 

Dans les conditions ordinaires de fonctionnement, les alizés forts qui caractérisent le Pacifique et refoulent les eaux chaudes superficielles vers l’Ouest traduisent un gradient de pression atmosphérique élevé entre la région des Galapagos - Tahiti et celle de l’Australie – Indonésie.

On appelle Southern Oscillation Index SOI, ce gradient mesuré entre Tahiti et Darwin en Australie. En général, la courbe de variation dans le temps du SOI (Fig. 41) est étroitement corrélée (négativement) avec celle des températures de l’océan Pacifique équatorial; les pics prolongés positifs coïncident avec les épisodes La Niña alors que les périodes prolongées de SOI négatif, coïncident avec les évènements El Niño.

Zone de Texte: Fig.41 : Corrélation négative entre variation du SOI et variation de température

e - NAO / North Atlantic Oscillation  Couplage Océan-Atmosphère?

Dans le Nord Atlantique, l'intensité de la dépression d'Islande est liée à la force et à l'extension de l'anticyclone des Açores. Ce petit nombre de structures bien définies présente un mode de variabilité caractérisé par une forte cohérence spatiale à grande échelle, appelé Oscillation Nord Atlantique (NAO), qui représente une redistribution de masse atmosphérique entre les régions arctiques ou subarctiques et les régions subtropicales de l'Atlantique. Ces fluctuations ont des conséquences directes sur le climat, depuis la côte est des Etats-Unis à l'Eurasie, et de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient jusqu’en Arctique.

La NAO est caractérisée classiquement par le champ de pression au niveau de la mer, pour lequel on dispose de longues séries chronologiques des moyennes mensuelles. La signature de la NAO (Fig. 42a) est constituée par deux anomalies de pression de signes opposés, qui s'étirent respectivement de l'Islande au Spitzberg et du centre du bassin Atlantique Nord à la péninsule Ibérique et la France. On parle de phase positive lorsque les deux centres d'action se renforcent (creusement de la dépression d'Islande, gonflement et intensification de l'Anticyclone des Açores) et de phase négative lorsque les deux s'affaiblissent simultanément.

Zone de Texte: Fig. 42 : a) Structure spatiale de la NAO d'hiver. L'incrément entre contours est de 0,5 millibar et les points représentent la localisation des stations météorologiques Lisbonne (Portugal) et Stykkisholmur (Islande) dont les relevés sont utilisés pour construire l'indice NAO.
 
	b) Historique du NAO d'hiver calculé comme la différence de pression normalisée entre les deux stations (barres). La courbe en trait plein correspond à une moyenne glissante filtrant les fluctuations inférieures à 4 ans. 

   Zone de Texte: Fig. 43 : a) Anomalies de T° de surface de la mer sur le bassin Atlantique, calculées par régression sur l'indice NAO+ sur la période 1949-2002. L'incrément entre contours est de 0,05°C.
 
b) Impacts des deux phases de la NAO (from Martin Visbeck, Lamont-Doherty Earth Observatory).

L’évolution temporelle de la NAO présente une forte variabilité sans échelle de temps caractéristique contrairement au phénomène ENSO. C. Cassou et L. Terray notent (Fig. 42b) que la fin du XX° siècle est dominée par l'alternance de périodes décennales qui privilégient les phases négatives dans les années 50 à 60 et positives depuis. Pour les auteurs, ces trente dernières années se rapprochent du début du siècle, où une certaine persistance en phase positive était également décelable, mais contrastent par les fortes valeurs de l'indice (7 parmi les 10 valeurs les plus élevées au cours des 150 dernières années ont été enregistrées depuis 1980).

Les modèles de circulation générale atmosphérique (dans lesquels on impose les températures de surface de la mer) dessinent des structures de pression évoluant de façon similaire à la NAO, suggérant que celle-ci est en fait un mode de variabilité intrinsèque à l'atmosphère. Les mécanismes en reposeraient seulement sur l'interaction entre l'écoulement ordinaire de l’atmosphère (courant-jet de haute altitude, ondes atmosphériques stationnaires etc. ) et des tourbillons transitoires (ou tempêtes). Ainsi, le modèle d'atmosphère n'a pas «besoin» de la variabilité océanique ou des autres sous-systèmes climatiques pour reproduire le mode spatial NAO (contrairement à l'ENSO) ; Cassou et. Terray notent en revanche que les fluctuations temporelles de la NAO simulées ne privilégient aucune période caractéristique, et n’expliquent pas les fluctuations décennales observées. Pour les auteurs, une possibilité est l'influence d'un autre sous-système climatique capable de modifier l'occurrence et/ou la persistance de phases spécifiques de la NAO. L'océan est le principal candidat. On observe en effet des anomalies océaniques de grande échelle sur le bassin Atlantique étroitement liées aux phases de la NAO.

Pour Cassou et Terray, les perturbations de la circulation atmosphérique de surface (vent, température) associées à la NAO sont en grande partie responsables de ces anomalies de température de la surface de l’océan, (Fig. 43a). C’est en effet à travers la modification des échanges air-mer (chaleur latente et sensible) que l'atmosphère «imprime» ses anomalies à l'océan de surface, y dessinant une structure à trois branches en phase NAO +:

1 -     Le renforcement des vents d'Ouest sur le nord du bassin Atlantique, associé à la course plus septentrionale des tempêtes (Fig. 43b), tend à refroidir davantage l'océan par augmentation de l'évaporation de surface ; les descentes d'air froid et sec d'origine polaire sur le Nord-Ouest du bassin tendent également à refroidir la Mer du Labrador ;

2 -     Aux moyennes latitudes, règnent alors des conditions plus clémentes qui tendent à réchauffer anormalement l’eau de surface (diminution de l'évaporation) ; les remontées d'air plus chaud (régime de Sud-Ouest dominant) tendent à les réchauffer l’océan médian le long des côtes américaines et européennes.

3 -     Sous les tropiques, l'intensification des alizés due au renforcement de l'Anticyclone des Açores induit un refroidissement du bassin tropical de l'Atlantique Nord en réponse à une évaporation de surface plus intense.

f - La Circulation Profonde et le modèle du Tapis Roulant

Nous avons remarqué que l’ensemble des trois océans montre une grande similitude dans la distribution des masses d’eau sous les hautes latitudes Sud, mais que cette ressemblance s’estompe vers le Nord, particulièrement pour l’Atlantique, en particulier à cause des eaux provenant de la Méditerranée.

Mer quasi fermée aujourd’hui, et qui le fut quelques temps au Messinien (6Ma environ), la Méditerranée est soumise à une forte évaporation ; son bilan de masse déficitaire est équilibré par des échanges avec l’atlantique, à travers le détroit de Gibraltar, qui est parcouru en surface par un courant rentrant, de salinité plus faible que les eaux méditerranéennes. Cette eau de surface s’alourdit avec l’évaporation, et vient finalement alimenter les eaux profondes du bassin. L’excédent d’eaux profondes, sur-salées et denses, déborde du bassin méditerranéen dans l’atlantique par un courant de fond important, qui marque nettement les eaux de l’atlantique profond, et les eaux de surface par mélange à un moindre degré (en rose dans la coupe NS de l’Atlantique, Fig. 33b, latitude 30°N profondeur maxi 2500 à 3000m ces eaux arrivent perpendiculairement à la figure). Les volumes d’eau des grands fleuves qui se déversent en Méditerranée sont tellement insuffisants à combler le déficit de masse lié à l’évaporation que, lorsque Gibraltar se ferma au Messinien, le niveau de la mer est descendu de quelques 2000m sous le niveau actuel. En attestent par exemple le canyon du Rhône connu par sismique et sondages jusqu’à Valence, ou celui du Nil, connu jusqu’à Assouan. La Méditerranée presque asséchée, sursaturée, s’est transformée en d’énormes dépôts de sel, reconnus eux aussi par sondage et affleurant maintenant au plancher de la méditerranée. Cet épisode n’a semble-t-il duré que quelques dizaines de milliers d’années  et nous n’étions hélas pas là quand l’Atlantique se mit à cascader furieusement pour remplir notre mer.

Plus au Nord, c’est la branche nord du Gulf-Stream (courant Nord-Atlantique in Fig. 44a) qui marque les eaux de l’Atlantique. Une part essentielle de ce courant, déjà partiellement refroidi, vient buter sur les fonds élevés du seuil Islandais(<2000m Fig.44b[4] ) et s’écoule au fond de l’Atlantique. Le reste du courant Nord-Atlantique entre dans l’Arctique par la Mer de Norvège, en longeant l’Ecosse et la Norvège, avec une température et une salinité anormalement élevées pour ces latitudes. Ses eaux se mêlent ensuite à celles de l’Arctique, et elles cèdent leur chaleur à l’atmosphère et à la banquise en hiver.

Zone de Texte: Fig. 44a: Circulation océanique Nord Atlantique
 
  

Toutes les conditions sont alors réunies pour que ces eaux plongent dans les bassins profonds de l’Arctique, en bleu pâle sur la figure 44b. L’exutoire de ces eaux froides et denses est constitué par deux courants franchissant le seuil de l’Islande principalement entre Islande et Groenland (Fig. 44c), mais aussi le long de la côte Est Islandaise.

Zone de Texte: Fig. 44c: Plongement des eaux froide le long de l’Islande

Elles s’écoulent ensuite au fond de l’Atlantique (NADW, North Atlantic Deep Water in Fig. 45) avec celle de la première branche pour rejoindre les hautes latitudes Sud. L’ensemble de cette boucle plongeante, qui recycle les eaux de surface vers les profondeurs océaniques est unique. Les études paléoclimatiques ont montré que la position de la boucle plongeante Nord-Atlantique a joué un rôle clef dans le climat européen actuellement chaud pour la latitude considérée. On sait aujourd’hui qu’elle n’est pas fixe, elle peut descendre jusqu’au 30° parallèle et le climat européen devient alors beaucoup plus froid.

Zone de Texte: Fig. 45 : répartition des masses d’eau dans l’Atlantique, coupe NS
 
   Zone de Texte: Fig. 46 : schéma simplifié de la MOC Meridional Overturning Circulation 
 
http://www.bodc.ac.uk/about/news_and_events/rapid_watch.html

La question posée actuellement est de savoir si le Gulf Stream et la Meridional Overturning Circulation (MOC, Fig. 46) est en train de s’arrêter, elle est encore largement débattue[5].

Contrairement à l’Atlantique-Nord, l’océan Antarctique est parcouru indéfiniment par un courant circum Antarctique qui isole fortement ses eaux froides (Fig. 45, AABW) du reste de l’océan mondial.

La topographie du fond des océans fait le reste. L’étroit passage de Drake impose au courant d’eaux froides et profondes sortant de l’Atlantique de se diriger vers l’océan Indien et le Pacifique. L’ouverture de ce passage est récente. Elle se situe entre 43 Ma. et 10 Ma., date de la fin de la séparation de l’Antarctique et de l’Amérique du Sud. Préalablement, l’Australie (Tasmanie) et l’Antarctique s’étaient séparés, commençant à créer les conditions d’une circulation circum-Antarctique (Antarctic Circum Current ACC (Fig. 48). Dans le cadre du programme Relief de l'Institut National des Sciences de l'Univers, Y. Lagabrielle et al. 2009 ont montré que l’histoire chaotique de l’ouverture du passage de Drake (Fig. 47a) coïncide remarquablement avec l’histoire climatique du Tertiaire (Fig. 47b) que nous avons évoqué au début de ce chapitre (§ B.1.c, Fig. 9). Il apparaît donc plus clairement maintenant comment la Terre est passée d’un régime chaud, pendant lequel les eaux profondes étaient chaudes, (sans doute plus de 10°C, 14-15°C ?) au régime actuel où leur température est de 2°C. Reprenant Y. Lagabrielle, nous pouvons affirmer que « ce courant est donc un acteur majeur du système climatique actuel car il isole thermiquement l'Antarctique et empêche les eaux chaudes de surface en provenance de l'Equateur de venir lécher les côtes de ce continent »

Zone de Texte: Fig. 47a : Ouverture de passage de Drake entre 43 et 10 Ma
 
   Zone de Texte: Fig. 47b : Ouverture de passage de Drake entre 43 et 10 Ma et modifications du climat. Noter la coïncidence de l’ouverture à 32 Ma avec les modifications du proxi de température d18O

Dès lors que cette circulation superficielle d’Ouest en Est se met en place, elle subit la force de Coriolis (en rotation vers la gauche dans cet hémisphère) et il en résulte un courant d’Ekman important dirigé vers le nord. Ce courant de surface, froid, plonge un peu vers 45° de la latitude Sud, sous les eaux de surface atlantiques, constituant la couche appelée intermédiaire Antarctique-Atlantique (Antarctic-Atlantic Intermediate Water, AAIW).

La figure 48 montre l’impact de ce courant d’Ekman sur les eaux profondes (vu vers l’Ouest) et complète la coupe Nord-Sud de la figure 45. Initié par les 50iemes, et chassant l’eau de surface vers le Nord, il provoque un upwelling côtier le long de l’Antarctique, qui tire ainsi vers la surface un partie des eaux profondes et semi profondes (Upper and Lower Circumpolar Deep Water (UCDW and LCDW), issues de l’Atlantique Sud. En remontant à la surface, les eaux les plus Sud entrent en contact avec la glace antarctique ou l’atmosphère polaire glacial. Elles subissent une augmentation de densité et replongent, créant en surface la divergence Antarctique et nourrissant en profondeur les eaux périantarctiques (Antarctic-Atlantic Bottom Water, AABW). Celles-ci viennent s’étaler en profondeur dans l’Atlantique sous les couches UDCW et LDCW lorsqu’aucun seuil topographique suffisant ne les bloque. En aspirant les eaux profondes provenant de l'Atlantique nord, le courant Circum-Antarctique joue un rôle important d’activateur de la circulation thermohaline.

Le courant profond et froid qui s’écoule dans la plaine abyssale atlantique ouest depuis l’Islande en longeant le talus continental américain, Nord puis Sud (Fig. 49), langue d’eau appelée North Atlantic Down Water (NADW Fig.45) vire vers l’Est et, avec les eaux des UCDW et LCDW (Fig.48) passe le Cap de Bonne Espérance. L’ensemble se disperse dans l’Océan Indien et le Pacifique.

Les eaux de surface de la gyre sud de l’Atlantique subissent aussi une rotation vers la gauche. Donc, de Nord-Sud le long de l’Argentine elles deviennent Ouest-Est avec les hautes latitudes et parallèle au courant Circum Antarctique (AAC) dans la figure 48). Dans cette région Atlantique sud elles vont boucler la gyre atlantique, en s’adjoignant les eaux de surface en provenance de l’océan Indien (Fig. 49). L’ensemble est donc renvoyé vers l’équateur. Ces eaux transitent alors pour partie, après une traversée océanique Est-Ouest , vers le nord avec le Gulf-Stream et le courant Nord Atlantique.

Les eaux de l’océan parcourent ainsi une sorte de tapis roulant (Fig. 48), le Great Ocean Convoyer Belt de Wallace Broeker (#1990), largement responsable de la régulation du climat planétaire et de la chimie des eaux océaniques.

Zone de Texte: Fig. 49 : Le convoyeur à bande
 
http://forces.si.edu/arctic/04_00_16.html

4 – Variation du niveau marin

Le trait de la côte est en perpétuel déplacement, en raison de changements à courte période (marées), mais aussi et surtout sous l’effet de variations climatiques et de l’activité interne de la planète. Les variations du niveau marin ont en fait une quadruple origine :

1 -     Le bilan de masse des glaciers continentaux, qui résulte de la compétition entre précipitations neigeuses et fonte ou sublimation ; Un bilan global négatif conduit certes à un excédent d’eau, mais aussi à la remontée de la bordure continentale soulagée de sa glace, et à l’inverse un bilan positif stocke de l’eau solide (cryosphère) sur des continents alourdis ;

2 -     La variation de température de l’eau de surface (500 premiers mètres) et donc de son poids volumique, qui conduit à un gonflement - dégonflement de l’océan (dilatation thermique des eaux).

3 -     La vitesse d’expansion des rides océaniques ; en équilibre hydrostatique sur le manteau terrestre celles-ci sont d’autant moins denses et donc plus large et peu profondes que la vitesse des plaques est importante, traduisant une intense production de magma et de chaleur

4 -     Les mouvements verticaux d’ajustement isostatique des continents,  tels que les rebonds post-glaciaires.

La variation brutale du bilan de masse des glaciers continentaux est à l’origine des variations brutales de forte amplitude (plus de 100m) du niveau marin comme celles que l’on a enregistré sur les côtes d’Europe ou d’Amérique du Nord lors des dernières glaciations ou déglaciations, et qui transformèrent par exemple la Manche en une large vallée couverte par la toundra durant les périodes glaciaires du dernier million d’années. La dernière déglaciation a démarré il y a 20 000 ans, et malgré une courte période froide intermédiaire (Dryas) le climat actuel est presque aussi chaud que durant les maximum interglaciaires. Nous sommes donc en présence de phénomènes rapides.

L’impact de la variation de température de l’eau et de son poids volumique est probablement ce que nous sommes en train de mesurer depuis ces dernières décennies. En effet si la montée du niveau marin est clairement en relation avec l’augmentation moyenne de la température de l’atmosphère, il apparaît non moins clairement que cette montée des eaux n’est pas homogène, (Fig. 50a, b, c) comme le soulignent A. Cazenave et C. Cabanes en 2002 (Extrait de la Lettre n°14 du Programme International Géosphère Biosphère-Programme Mondial de Recherches sur le Climat PIGB). Dès 2001, en s’appuyant sur des modèles climatiques couplant océan et atmosphère, le Groupe Intergouvernemental pour l’Evolution du Climat (IPPC) estimait que la montée moyenne du niveau marin était de 0,7 mm par an pour le XXe siècle, dont 0.5 mm provoqués par le seul gonflement océanique, les 0.2 mm restant résultant de la fonte des glaciers. Il est à noter par ailleurs que pour le groupe IPPC seuls les glaciers de montagnes contribuent à ces 0.2 mm car les effets de l’Antarctique et du Groenland se compensent très largement et ils ne contribuent donc que de façon négligeable à l’élévation du niveau de la mer. Mais le travail de l’IPCC repose principalement sur des données de marégraphes confinés dans l’hémisphère nord, à proximité des côtes européennes et nord-américaines dont la répartition n’est pas idéale (fig. 50c triangles blancs). Partant des données acquises par Topex-Poséidon entre 1993 et 2001, Cazenave, Cabanes et Le Prevost ont mis en évidence une élévation du niveau moyen des océans de 2.5± 0.2 mm/an (Fig. 50a). Les auteurs ont estimé ensuite la contribution de l'expansion thermique en comparant les données altimétriques précédentes aux mesures directes de la température des 500 premiers mètres d’eau, compilées jusqu’en 1998 par la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). Pour la période de recouvrement (1993-1998, Fig. 50b) des deux séries d’observations sont parfaitement corrélées. Enfin, considérant cette fois-ci les températures moyennes des 3000 premiers mètres des océans pour les quarante dernières années. Les auteurs ont calculé l’évolution du niveau marin due au réchauffement des océans. L’élévation calculée, 0.50 ± 0.05 mm/an entre 1955 et 1996, est comparable à celle prédite par la plupart des modèles climatiques. On peut donc conclure avec les auteurs que si le niveau moyen des océans s’est bien vraisemblablement élevé de 0.5 à 0.7 mm/an en moyenne au cours des dernières décennies, cette élévation a pour cause principale la dilatation thermique des océans et elle est moins forte que ne le laissent supposer les observations marégraphiques, presque toutes situées en zone rouge dans la figure 50. l’avènement de l’altimétrie satellitaire haute résolution permet de s’affranchir de cette mauvaise distribution des marégraphes. La figure 51 (Wunch et al 2008)  représente les variations régionales autour de la moyenne mondiale d’élévation du niveau marin. Celle-ci est évaluée à 2.8±0.4 mm an-1 à partir des relevés de Topex/Posséïdon pour la période 1993-2004 (A. Cazenave et S.R. Nerem, 2004). Pour nombre d’auteurs, une telle valeur signifie clairement que le processus d’élévation de température, de dilation thermique et de fonte généralisée des glaciers et inlandsis est en pleine accélération, la catastrophe climatique annoncée est d’ores et déjà amorcée. Dans un papier récent, Wunch et al (2008) considèrent que l’essentiel des variations autour de la moyenne globale dans la figure 51 est lié aux variations régionales de masse, salinité et température (paramètres liés), et que cela montre qu’un lien étroit existe entre changement du niveau marin et circulation thermohaline générale.

En outre, l’élévation du niveau marin apparaît depuis 2007 comme un phénomène plus complexe. Pour S. J. Holgate du Proudman Oceanographic Laboratory à Liverpool, la moyenne d’élévation obtenue pour le XX° siècle à partir mesures des marégraphes considérés comme les plus fiables (anciens, situés loin de zones tectoniques mobiles dans des régions non susceptibles de rebond post-glaciaire ; Fig. 50c ronds noirs) est de 17.4 mm (donc dans la fourchette haute des autres estimations moyenne) mais le taux de variation n’apparaît pas linéaire. Pour S. J. Holgate, il est cyclique (Fig. 52), avec les taux d’élévation maximum en 1939 et en 1980, déniant ainsi d’une part l’idée d’un accroissement progressif du taux d’élévation de l’océan dans la fin du XX° et d’autre part celle d’une relation simple entre élévation du niveau marin et teneur atmosphérique en CO2.

Zone de Texte: Fig. 51 : Variation du niveau marin, période 1993-2004.

Zone de Texte: Fig. 52 : Evolution du taux annuel d’élévation du niveau marin  depuis 1905 sur 9 stations fiables et 177 stations depuis 1955 environ

 

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[1] Observez à cet égard le contrôle exercé par le talus continental Nord-américain sur le mélange avec les eaux froides sur la figure 25.

[2] Responsable du cycle de la mousson dans l’océan Indien, la ITCZ est normalement installée au nord de l’équateur dans l’océan Pacifique Est pendant l’été.

[3] la pente de la thermocline de la Figure 27 s’inverse et plonge vers l’Est.

[4] ; dans la figure, les fonds grisés sont pour une large partie les marges continentales d’Eurasie et d’Amérique-Groënland. Dans le seil Islandais, l’essentiel des haut-fonds sont d’origine volcanique océanique

[5] Le schéma est largement médiatisé par notre crainte évoquée plus avant (§ E.3.a) de voir le Gulf Stream s’arrêter en raison du réchauffement climatique. Cette question est largement reprise par la presse car, deux articles de H. Bryden, H. Longworth et Stuart A. Cunningham d’abord puis Cunningham et al. ensuite, concluaient que la dérive méridionale atlantique (Meridional Overturning Circulation, MOC) s'est ralentie de 30% entre 1957 et 2004. L’accent a été mis en 2007 par les mêmes auteurs sur la grande variabilité annuelle et de cette gyre — moyenne annuelle 18.7 ± 5.6 sverdrups (1 Sv = 10m3s-1) avec un débit variant avec les saisons entre 4.0 et 34.9 Sv — estimant que « fondamentalement, il faut encore 10 ans de mesures ininterrompues pour s’assurer que les variations saisonnières sont bien connues et mettre en évidence les variations interannuelles » de cette gyre. On voit donc clairement que toute annonce dans ce domaine est encore largement prématurée.

Le terme de Meridional Overturning Circulation, MOC est utilisé soit pour parler de la circulation océanique dans cette région de l’océan mondial, soit en lieu et place de l’ensemble de la circulation mondiale. Plus souvent on utilise le terme de « Circulation ThermoHaline » (THC) ou encore « tapis roulant » ou « Ocean Conveyor Belt » § E3f