ENSM-SE / processus naturels /
terre_ronde
L’enveloppe gazeuse de la Terre
le couple atmosphère – hydrosphère
Circulation océanique
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1 - Coriolis : Transport d’Ekman et courants
Géostrophiques
Comme l’atmosphère, l’océan est en mouvement (à faible vitesse
mais sur une longue durée) et subit donc l’effet de la force de Coriolis,
rotation directe (dextre) dans l’hémisphère nord et senestre au Sud. Le vent,
en déplaçant la pellicule marine superficielle, vient jouer un rôle dans la
circulation océanique.
Imaginons que le vent qui a
initié un courant océanique cesse brutalement. Le courant continue sur sa
lancée en faiblissant lentement par frottement, on parle de courant d’inertie.
Ce frottement, exercé sur une particule de ce courant animée d’une vitesse v
très proche de celle de ses voisines, est faible en regard de la force de
Coriolis F (de paramètre f = 2ω Sin φ) qui continue à s’appliquer sur ce courant. Dans ces conditions,
si l’on considère la seule force de Coriolis (comme horizontale et agissant sur
une différence de latitude dφ très petite), la particule de courant
considéré, de masse m, décrira à la
vitesse constante v, un cercle
parfait de rayon r dans le plan
horizontal. Dans un courant d’inertie la force de Coriolis agit donc comme une
force centripète que l’on peut écrire :
fcentripète = mv2/r ,
équivalent à FCoriolis= mfv (cf. § Cellule de Hadley).
On en déduit :
mv2/r = mfv
soit
f = v/r (1)
La période T de
rotation de cette particule sera alors
T = 2πr/v
Avec (1) on montre que la période de rotation dans un courant
d’inertie T = 2p f
est fonction de la latitude f:
A l’équateur, f=
0° T = 2π / 2ω Sin φ T infinie
Avec
w, vitesse angulaire de
on obtient :
Au pôle, f=
90° T = 12 / Sin φ T = 12
heures;
A nos latitudes f=
45° T = 12 / Sin φ T # 17
heures.
Le calcul théorique effectué sans prise en compte des frottements
donne, pour une latitude de 60°, une période de 14h proche de la période
mesurée en Baltique (Fig. 29).
V. W. Ekman a montré
à la fin du XIX° que le courant provoqué par le vent induit sous l’effet de la
force de Coriolis un déplacement global moyen (c.à.d. sur l’ensemble de la
tranche d’eau soumise au vent) perpendiculaire à la direction du vent
(fig. 30).
Supposons un instant que la
surface de l’océan soit pentée entre 2 points A et B, et qu’il n’y ait aucun
écoulement entre A et B (Fig. 31).
Cette situation hautement
théorique nous montre que tout point situé quelque part entre A et B sous
l’horizontale de A dans ce cas, subit un gradient de pression égal à :
ρgΔz /Δx
= ρg Tan θ
En supposant le poids
volumique r
constant le long de x, la force appliquée par unité de masse de l’océan (=
gradient de pression horizontal), est seulement proportionnelle à la gravité g
et à la pente Tan q. En conséquence, toute particule de l’océan va se mettre en mouvement, et accélérer
uniformément en se déplaçant de B vers A.
Revenons à notre hypothèse et
soyons réalistes un instant ; cette eau en mouvement est soumise à la
force de Coriolis et se comporte comme un vent géostrophique. Il se créé un
courant dont le mouvement est dévié vers la droite dans hémisphère nord, et qui
comme les vents géostrophiques devient parallèle au gradient de pression qui le
fait naître. Comme le vent géostrophique il s’enroule sur les isobares, dans
l’océan cette fois. Comme pour les vents, on parle de courant géostrophique.
Cet écoulement est symbolisé dans la figure 21b par un empennage de flèche de
couleur verte.
2 - la circulation thermohaline
La circulation océanique
résulte, de la même manière que la circulation atmosphérique, du transfert de
chaleur de l’équateur vers le pôle. La quantité d’énergie à transférer dépasse
très largement la capacité de diffusion de chaleur de l’eau, et donc
l’essentiel du transfert de chaleur est opéré par la convection, reliant surface et
profondeur. Cette circulation
thermohaline (THC) a été mise en évidence par W. Broecker en 1987. Il la compare à un tapis roulant
tridimensionnel à d’échelle planétaire (cf. § E.3.e).
Les paramètres clefs de ce transfert sont donc ceux qui (à une pression
donnée, ou à une profondeur donnée) sont susceptibles de modifier le poids
volumique de l’eau océanique, ce sont :
1 -
sa température ;
2 -
sa salinité.
On parlera alors de circulation thermohaline. Son rôle dans la
mise en place de la circulation profonde est tributaire de la topographie et
sera donc évoqué plus loin (§ E.3.f)
a - Température et
thermocline,
La pénétration de la lumière dans l’océan n’excède pas les 100
premiers mètres de l’océan, et c’est elle qui fournit sa chaleur à l’eau de
surface, principalement sous les basses latitudes. La distribution des eaux
chaudes de surface, T°>25 (en rouge dans la Fig. 32) est donc largement
dépendante de la saison. On constate en revanche que la latitude de l’isotherme
On observe aussi que dans
l’Atlantique Nord cet isotherme
La tranche d’eau de surface
est brassée par les phénomènes atmosphériques, sensibles jusqu’à 80-
On voit clairement dans ce dernier point le rôle que joue la
position des masses continentales dans la circulation
thermohaline, en limitant ici l’océan Indien vers le Nord et en interdisant
ainsi la formation d’une masse peu salée. C’est aussi la distribution des
continents autour de l’océan Atlantique Nord qui interdit la formation d’une
langue peu salée, océan qui se continue pourtant jusqu’au pôle par l’océan
Arctique. La raison en est double :
1 -
les eaux chaudes et salées du Gulf-Stream remontent très au
nord ;
2 -
La Méditerranée déverse dans l’Atlantique une eau sur-salée (en
rose in Fig. 33b) qui renforce en profondeur la masse des eaux salées de
surface de la région chaude des latitudes 10-30°N. Cette langue gagne
l’équateur et constitue une strate plus salée sous la langue sous-salée en
provenance des hautes latitudes Sud
3 - Rôle de l’atmosphère et de la topographie.
Soumises à la force de Coriolis et limitées dans leur déplacement
par les continents, les eaux de surface des océans subissent la poussée des
vents. Le nombre des paramètres est petit, pourtant leurs effets sont
multiples(fig. 34), et conduisent à une circulation
superficielle constituée de cellules en rotation, de plusieurs milliers de km
de diamètre, asymétriques en raison de l’action de la force de Coriolis,
dénommées gyres.
a - Gyres océaniques
En Atlantique on observe
ainsi une gyre subtropicale, entre 15°N et 45°N environ, et une gyre subpolaire
plus au nord . L'échange de masse et de chaleur entre ces deux gyres est
influencé par la circulation thermohaline reliant surface et profondeur.
Dans l’océan Atlantique ,tropical Nord, sous l’effet de l’Alizé du NE, ces eaux déplacées d’Ouest en Est et de SE en NO tournent
dans le sens horaire sous l’effet de la force de Coriolis. En outre elles
viennent buter sur les Antilles et l’isthme Centre américain (Fig. 35a),
et amorcent ainsi la grande gyre Nord-Atlantique subtropicale du Gulf Stream.
Ce courant très fort fut reconnu très tôt, en 1513, par Spaniard Ponce de Leon,
ses bateaux en route directe depuis Porto Rico vers ce que l’on nomme
aujourd’hui la Floride ayant eu beaucoup de difficulté à le traverser. Il
faudra néanmoins attendre B. Franklin (1777) pour disposer
d’une première carte portant la trajectoire de ce courant et ce n’est qu’avec
l’avènement des modèles simplifiés des océans (seconde moitié du XX°) que
l'origine physique du Gulf Stream sera comprise. Dans l’océan Atlantique
,tropical Sud, l’alizé du SE engendrent de
façon symétrique la grande boucle de l’Atlantique central, entre le Brésil et
les côtes africaines (Fig.34).
Comme dans une simple
rivière, les écoulements géostrophiques sont turbulents et incorporent à leur
périphérie des eaux contrastées, donnant naissance ainsi à de grands
tourbillons observables par les mesures de température de surface
(Fig. 35a) et par altimétrie satellitaire (anomalies positives de rotation
normale, et négatives de rotation inverse (Fig. 35b), les taches rouges
sont les tourbillons anticycloniques de rotation normale dextre, et les bleues
appelées Cyclones, tournent en sens inverse).
L’affaiblissement du Gulf
Stream est considéré de nos jours comme un évènement hautement probable lié au
changement climatique, par un enchaînement en cascade de phénomènes :
1 -
réchauffement climatique des eaux polaires,
2 -
fonte de la banquise et refroidissement faible de l’océan Arctique
en hiver,
3 -
densité faible des eaux de surface de l’océan polaire.
Le résultat ultime en serait
le non plongement de ces eaux et les conséquences climatiques pour l’Europe de
l’Ouest en seraient considérables. Située à la même latitude que le Canada, les
côtes européennes sont actuellement réchauffées par le Gulf Stream. Nous y
reviendrons au paragraphe E.3.f.
b – Westerlies ou Quarantièmes et les cinquantièmes
Les vents de secteur Ouest
des latitudes plus élevées, comme Les Westerlies de l’Atlantique Nord, poussent
l’eau de surface devant eux en amorçant un virage vers l’équateur (Coriolis
oblige). Ils participent ainsi avec les alizés à la constitution des grandes
gyres océaniques subtropicales, bien identifiables dans l’Atlantique Nord et
Sud (e.g. carte des courants observés les 23-24 septembre 1993, Fig. 34 et
Fig. 46).
Dans l’océan mondial Sud,
fermé seulement par l’étroit goulet entre Terre de Feu de l’Amérique et
Péninsule Palmer du continent Antarctique(fig. 36), la circulation des
vents d’Ouest du Pacifique Sud, « Quarantièmes
rugissants » et « Cinquantièmes
hurlants » décrits par B. Moitessier dans « la longue
route » (Arthaud 1971), organisent la circulation océanique de surface en
un courant circum-Antarctique puissant que durent affronter, bien avant les
Moitessier et autres J. Slocum, les marins en
route vers Valparaiso, jusqu’à l’ouverture du canal de Panama en 1914. Le
passage du Horn avec des voiles carrées, par 50° de latitude contre vent et
courant pouvait alors durer deux à trois mois ! Ces eaux de surface qui
franchisse le détroit de Drake sont partiellement incorporées à la gyre
Atlantique-Sud.
Pour C. Wunsch (in D. Swingedouw,
2006), la turbulence liée au forçage éolien au niveau des 40ièmes
rugissants et des 50ièmes hurlants et la force de marée (qui déplace des
volumes d’eau considérables) ont pour conséquence la diffusion des eaux
profondes et denses, qui sont ainsi tirées vers la surface. Pour l’auteur, l'appellation circulation thermohaline prête donc à confusion car
ce n'est pas le gradient de densité qui nourrit la circulation mondiale mais
plutôt cette diffusion dans l'océan profond. Pour autant, les eux
profondes circum-antarctiques restent largement isolées (cf. § E.3.f,
Fig. 45).
Les vents alizés convergent du NE et du SE vers l’équateur. En
soufflant, ils poussent vers l’Ouest une masse d’eaux équatoriales de surface.
Dès lors que l’on quitte l’équateur, la force de Coriolis dévie cette masse
d’eau de surface de part et d’autre de la ITCZ (courants d’Ekman vers le NO et
le SO) et laisse remonter ainsi des eaux plus profondes et froides. On parle de
courant de “upwelling” équatorial (fig. 37).
Au voisinage des continents
sous le vent des alizés, (côtes Ouest des Amériques et de l’Afrique) et en
situation normale d’équilibre de l’atmosphère, les alizés écartent la masse
d’eau de la côte laissant émerger un upwelling côtier. Vers des latitudes plus
élevées, les eaux froides de ces upwellings côtiers se mêlent aux eaux froides
de surface des branches orientales N-S ou S-N (selon l’hémisphère) des grandes
gyres. Bien visibles dans la figure 34 ces grande gyres de surface
montrent une rotation dextre dans l’hémisphère Nord et senestre dans
l’hémisphère Sud. Les masses d’eaux de surface ainsi transférées vers
l’équateur le long des côtes orientales des océans sont bien entendu déviées
par la force de Coriolis. Ceci tend à éloigner l’eau de la côte, située dans
l’Est du courant dans les deux cas. Il s’en suit un appel d’eaux profondes,
tout le long de la côte du Maroc (ex-Sahara occidental) et de la Mauritanie, ou
le long des côtes du Chili, qui viennent renforcer l’upwelling côtier.
Dans l’Atlantique-Nord, en
raison de la topographie SW-NE des côtes américaines qui infléchit
singulièrement le Gulf-Stream à son départ[1], et de celle des côtes afro-européennes aux latitudes moyennes
sur l’autre rive, une part importante du Gulf-Stream est déviée vers les hautes
latitudes dans le NE et donne le courant Nord Atlantique. Il est à l’origine de
l’anomalie >0 de température (Fig. 32) et de salinité (Fig. 33)
observée dans l’atlantique Nord, qui interdit la formation d’une langue peu
salée et peu profonde comme dans le Pacifique Nord (Fig. 33b en bleu).
d - El Niño / Southern
Oscillation system (ENSO) Couplage Océan-atmosphère,
Dans le Pacifique, les alizés
très réguliers du SE accumulent ainsi dans la région indonésienne une grande
quantité d’eau chaude en provenance des côtes de Colombie – Equateur – Pérou -
Chili (Fig. 39a). La thermocline apparaît ainsi plus profonde dans la
région indonésienne (Fig. 38 à gauche), et permet à des eaux plus froides
et plus riches en nutriment (phosphates) de remonter vers la surface
(Fig. 38, à droite en rouge) donnant la langue bleue de la
figure 39a. Les eaux chaudes (en rouge) sont massivement stockées à
l’Ouest, entre 180° et 150° de longitude.
Poussée à son paroxysme,
cette situation est appelée “La Niña” ; elle correspond à la période faste
de bonne pêche en mer et de climat très sec sur la bordure continentale Sud-américaine,
Cette situation stable que connaît l’océan Pacifique durant des mois résulte
d’un phénomène de couplage océan-atmosphère centré sur le Pacifique tropical,
mais qui intéresse en fait plus de la moitié de la surface terrestre.
On appelle ENSO, pour El Niño Southern
Oscillations, cet ensemble à grande
échelle de fluctuations cohérentes de la température de l’air et de l’eau, de
la pression atmosphérique, de la direction et de l’intensité des vents et des
courants marins. Ces fluctuations se
traduisent dans la météo de toute cette région et perturbent fortement le monde
vivant. Les épisodes chauds « El Niño », constituent avec les
épisodes froids « La Niña » les deux termes extrêmes du cycle ENSO.
Observé du point de vue
océanique, un épisode El Niño (Fig. 39b, aux alentours de Noël, d’où son
nom) se traduit dans l’océan tropical Est Pacifique par une augmentation
brutale de 2 à 5° au dessus de la température moyenne de l’eau (jusqu’à
Les eaux chaudes stockées
dans l’Ouest Pacifique reviennent avec El Niño sur les côtes Sud-américaines
(Fig. 39b, en rouge) avec un courant équatorial très fort, bloquant en
profondeur le courant de upwelling[3] et en surface le courant côtier froid (venant du Sud du Chili,
cf. § précédent) et nutritif lui aussi. La pêche côtière devient alors très peu
productive, à tel point que lors des épisodes El Niño les plus sévères, la
population des oiseaux de mer subit des pertes extrêmement lourdes. Cette onde
d’eau chaude diverge ensuite vers le Nord et le Sud, elle est réfléchie par la
Côte Nord américaine et repart vers le Japon à travers le Pacifique Nord.
Il s’en suit des pluies
orageuses très abondantes sur le Pacifique Est et sur les côtes de Bolivie -
Pérou - Chili. Des régions ordinairement désertiques de ces pays se couvrent
momentanément de prairies ; inversement, le Nord de l’Australie,
l’Indonésie, les Philippines subissent une intense sécheresse. Ailleurs un temps
plus humide que la normale est souvent observé
pendant la période Décembre à Février, citons le long des côtes de
l’état d’Equateur, ou bien le Sud-Brésil, l’Argentine, ou enfin l’Afrique
équatoriale. Un climat plus chaud que la normale est observé sur le Japon,
l’Asie du Sud-Est, et sur le Sud du Canada Central. Cette période pluvieuse
s’étend sur les mois de Juin à Août en se déplaçant sur les chaînes Andines du
Chili et Rocheuses des USA. Un temps anormalement sec règne au contraire sur
l’Amérique Centrale et le Sud de l’Afrique de décembre à Février, et plus froid
sur le Golfe du Mexique, puis sur l’Est Australien entre Juin et Août. A
l’opposé, durant la même période de Décembre à Mars, la température de l’océan
Pacifique Est tropical peut descendre jusqu’à 4° sous la température moyenne,
caractérisant alors un épisode La Niña (l’Infante). On voit donc que le
phénomène El Niño, s’il est bien saisonnier, n’est pas annuel ; il
apparaît irrégulièrement, entre 3 et 7ans en général. Dans le contexte d’élévation
de la température moyenne qui caractérise la fin du XX° siècle et ce début de
XXI°, la température accrue de la surface de l’océan conduit à un rapprochement
des épisodes ENSO,
Dans les conditions
ordinaires de fonctionnement, les alizés forts qui caractérisent le Pacifique
et refoulent les eaux chaudes superficielles vers l’Ouest traduisent un
gradient de pression atmosphérique élevé entre la région des Galapagos - Tahiti
et celle de l’Australie – Indonésie.
On appelle Southern
Oscillation Index SOI, ce gradient
mesuré entre Tahiti et Darwin en Australie. En général, la courbe de variation
dans le temps du SOI (Fig. 41) est étroitement corrélée (négativement)
avec celle des températures de l’océan Pacifique équatorial; les pics prolongés
positifs coïncident avec les épisodes La Niña alors que les périodes prolongées
de SOI négatif, coïncident avec les évènements El Niño.
e -
NAO /
Dans le Nord Atlantique, l'intensité de la dépression d'Islande est
liée à la force et à l'extension de
l'anticyclone des Açores. Ce petit nombre de structures bien définies
présente un mode de variabilité caractérisé par une forte cohérence spatiale à
grande échelle, appelé Oscillation Nord Atlantique (NAO), qui représente une
redistribution de masse atmosphérique entre les régions arctiques ou
subarctiques et les régions subtropicales de l'Atlantique. Ces fluctuations ont des conséquences directes
sur le climat, depuis la côte est des Etats-Unis à l'Eurasie, et de
l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient jusqu’en Arctique.
La NAO est caractérisée classiquement par le champ de pression au
niveau de la mer, pour lequel on dispose de longues séries chronologiques des
moyennes mensuelles. La signature de la NAO (Fig. 42a) est constituée par
deux anomalies de pression de signes opposés, qui s'étirent respectivement de
l'Islande au Spitzberg et du centre du bassin Atlantique Nord à la péninsule
Ibérique et la France. On parle de phase positive lorsque les deux centres
d'action se renforcent (creusement de la dépression d'Islande, gonflement et
intensification de l'Anticyclone des Açores) et de phase négative lorsque les
deux s'affaiblissent simultanément.
L’évolution temporelle de la
NAO présente une forte variabilité sans échelle de temps caractéristique
contrairement au phénomène ENSO. C. Cassou et L. Terray notent
(Fig. 42b) que la fin du XX° siècle est dominée par l'alternance de
périodes décennales qui privilégient les phases négatives dans les années 50 à
60 et positives depuis. Pour les auteurs, ces trente dernières années se
rapprochent du début du siècle, où une certaine persistance en phase positive
était également décelable, mais contrastent par les fortes valeurs de l'indice
(7 parmi les 10 valeurs les plus élevées au cours des 150 dernières années ont
été enregistrées depuis 1980).
Les modèles de circulation
générale atmosphérique (dans lesquels on impose les températures de surface de
la mer) dessinent des structures de pression évoluant de façon similaire à la
NAO, suggérant que celle-ci est en fait un mode de variabilité intrinsèque à
l'atmosphère. Les mécanismes en reposeraient seulement sur l'interaction entre
l'écoulement ordinaire de l’atmosphère (courant-jet de haute altitude, ondes
atmosphériques stationnaires etc. ) et des tourbillons transitoires (ou
tempêtes). Ainsi, le modèle d'atmosphère n'a pas «besoin» de la variabilité
océanique ou des autres sous-systèmes climatiques pour reproduire le mode
spatial NAO (contrairement à l'ENSO) ; Cassou et. Terray notent en
revanche que les fluctuations temporelles de la NAO simulées ne privilégient
aucune période caractéristique, et n’expliquent pas les fluctuations décennales
observées. Pour les auteurs, une possibilité est l'influence d'un autre sous-système
climatique capable de modifier l'occurrence et/ou la persistance de phases
spécifiques de la NAO. L'océan est le principal candidat. On observe en effet
des anomalies océaniques de grande échelle sur le bassin Atlantique étroitement
liées aux phases de la NAO.
Pour Cassou et Terray, les
perturbations de la circulation atmosphérique de surface (vent, température)
associées à la NAO sont en grande partie responsables de ces anomalies de
température de la surface de l’océan, (Fig. 43a). C’est en effet à travers
la modification des échanges air-mer (chaleur latente et sensible) que
l'atmosphère «imprime» ses anomalies à l'océan de surface, y dessinant une
structure à trois branches en phase NAO +:
1 -
Le renforcement des vents d'Ouest sur le nord du bassin
Atlantique, associé à la course plus septentrionale des tempêtes
(Fig. 43b), tend à refroidir davantage l'océan par augmentation de
l'évaporation de surface ; les descentes d'air froid et sec d'origine
polaire sur le Nord-Ouest du bassin tendent également à refroidir la Mer du
Labrador ;
2 -
Aux moyennes latitudes, règnent alors des conditions plus
clémentes qui tendent à réchauffer anormalement l’eau de surface (diminution de
l'évaporation) ; les remontées d'air plus chaud (régime de Sud-Ouest
dominant) tendent à les réchauffer l’océan médian le long des côtes américaines
et européennes.
3 -
Sous les tropiques, l'intensification des alizés due au
renforcement de l'Anticyclone des Açores induit un refroidissement du bassin
tropical de l'Atlantique Nord en réponse à une évaporation de surface plus
intense.
f -
Nous avons remarqué que
l’ensemble des trois océans montre une grande similitude dans la distribution
des masses d’eau sous les hautes latitudes Sud, mais que cette ressemblance
s’estompe vers le Nord, particulièrement pour l’Atlantique, en particulier à
cause des eaux provenant de la Méditerranée.
Mer quasi fermée aujourd’hui,
et qui le fut quelques temps au Messinien (6Ma environ), la Méditerranée est
soumise à une forte évaporation ; son bilan de masse déficitaire est
équilibré par des échanges avec l’atlantique, à travers le détroit de
Gibraltar, qui est parcouru en surface par un courant rentrant, de salinité
plus faible que les eaux méditerranéennes. Cette eau de surface s’alourdit avec
l’évaporation, et vient finalement alimenter les eaux profondes du bassin.
L’excédent d’eaux profondes, sur-salées et denses, déborde du bassin
méditerranéen dans l’atlantique par un courant de fond important, qui marque
nettement les eaux de l’atlantique profond, et les eaux de surface par mélange
à un moindre degré (en rose dans la coupe NS de l’Atlantique, Fig. 33b, latitude
30°N profondeur maxi 2500 à 3000m ces eaux arrivent perpendiculairement à la
figure). Les volumes d’eau des grands fleuves qui se déversent en Méditerranée
sont tellement insuffisants à combler le déficit de masse lié à l’évaporation
que, lorsque Gibraltar se ferma au Messinien, le niveau de la mer est descendu
de quelques 2000m sous le niveau actuel. En attestent par exemple le canyon du
Rhône connu par sismique et sondages jusqu’à Valence, ou celui du Nil, connu
jusqu’à Assouan. La Méditerranée presque asséchée, sursaturée, s’est
transformée en d’énormes dépôts de sel, reconnus eux aussi par sondage et
affleurant maintenant au plancher de la méditerranée. Cet épisode n’a
semble-t-il duré que quelques dizaines de milliers d’années et nous
n’étions hélas pas là quand l’Atlantique se mit à cascader furieusement pour
remplir notre mer.
Plus au Nord, c’est la
branche nord du Gulf-Stream (courant Nord-Atlantique in Fig. 44a) qui
marque les eaux de l’Atlantique. Une part essentielle de ce courant, déjà
partiellement refroidi, vient buter sur les fonds élevés du seuil
Islandais(<2000m Fig.44b[4] ) et s’écoule au fond de l’Atlantique. Le reste du courant
Nord-Atlantique entre dans l’Arctique par la Mer de Norvège, en longeant
l’Ecosse et la Norvège, avec une température et une salinité anormalement
élevées pour ces latitudes. Ses eaux se mêlent ensuite à celles de l’Arctique,
et elles cèdent leur chaleur à l’atmosphère et à la banquise en hiver.
Toutes les conditions sont
alors réunies pour que ces eaux plongent dans les bassins profonds de
l’Arctique, en bleu pâle sur la figure 44b. L’exutoire de ces eaux froides et
denses est constitué par deux courants franchissant le seuil de l’Islande
principalement entre Islande et Groenland (Fig. 44c), mais aussi le long
de la côte Est Islandaise.
Elles s’écoulent ensuite au
fond de l’Atlantique (NADW, North Atlantic Deep Water in Fig. 45) avec
celle de la première branche pour rejoindre les hautes latitudes Sud.
L’ensemble de cette boucle plongeante, qui recycle les eaux de surface vers les
profondeurs océaniques est unique. Les études paléoclimatiques ont montré que
la position de la boucle plongeante Nord-Atlantique a joué un rôle clef dans le
climat européen actuellement chaud pour la latitude considérée. On sait
aujourd’hui qu’elle n’est pas fixe, elle peut descendre jusqu’au 30° parallèle
et le climat européen devient alors beaucoup plus froid.
La question posée
actuellement est de savoir si le Gulf Stream et la Meridional Overturning
Circulation (MOC, Fig. 46) est en train de s’arrêter, elle est encore largement
débattue[5].
Contrairement à
l’Atlantique-Nord, l’océan Antarctique est parcouru indéfiniment par un courant
circum Antarctique qui isole fortement ses eaux froides (Fig. 45, AABW) du
reste de l’océan mondial.
La topographie du fond des
océans fait le reste. L’étroit passage de Drake impose au courant d’eaux
froides et profondes sortant de l’Atlantique de se diriger vers l’océan Indien
et le Pacifique. L’ouverture de ce passage est récente. Elle se situe entre 43
Ma. et 10 Ma., date de la fin de la séparation de l’Antarctique et de
l’Amérique du Sud. Préalablement, l’Australie (Tasmanie) et l’Antarctique
s’étaient séparés, commençant à créer les conditions d’une circulation
circum-Antarctique (Antarctic Circum Current ACC (Fig. 48). Dans le cadre du programme
Relief de l'Institut National des Sciences de l'Univers, Y.
Lagabrielle et al. 2009 ont
montré que l’histoire chaotique de l’ouverture du passage de Drake
(Fig. 47a) coïncide remarquablement avec l’histoire climatique du
Tertiaire (Fig. 47b) que nous avons évoqué au début de ce chapitre
(§ B.1.c, Fig. 9). Il apparaît donc plus clairement maintenant
comment
Dès lors que cette
circulation superficielle d’Ouest en Est se met en place, elle subit la force
de Coriolis (en rotation vers la gauche dans cet hémisphère) et il en résulte
un courant d’Ekman important dirigé vers le nord. Ce courant de surface, froid,
plonge un peu vers 45° de la latitude Sud, sous les eaux de surface
atlantiques, constituant la couche appelée intermédiaire Antarctique-Atlantique
(Antarctic-Atlantic Intermediate Water, AAIW).
La figure 48 montre
l’impact de ce courant d’Ekman sur les eaux profondes (vu vers l’Ouest) et
complète la coupe Nord-Sud de la figure 45. Initié par les 50iemes,
et chassant l’eau de surface vers le Nord, il provoque un upwelling côtier le
long de l’Antarctique, qui tire ainsi vers la surface un partie des eaux
profondes et semi profondes (Upper and Lower Circumpolar Deep Water (UCDW and
LCDW), issues de l’Atlantique Sud. En remontant à la surface, les eaux les plus
Sud entrent en contact avec la glace antarctique ou l’atmosphère polaire
glacial. Elles subissent une augmentation de densité et replongent, créant en
surface la divergence Antarctique et nourrissant en profondeur les eaux
périantarctiques (Antarctic-Atlantic Bottom Water, AABW). Celles-ci viennent
s’étaler en profondeur dans l’Atlantique sous les couches UDCW et LDCW
lorsqu’aucun seuil topographique suffisant ne les bloque. En aspirant les eaux
profondes provenant de l'Atlantique nord, le courant Circum-Antarctique joue un
rôle important d’activateur de la circulation thermohaline.
Le courant profond et froid
qui s’écoule dans la plaine abyssale atlantique ouest depuis l’Islande en
longeant le talus continental américain, Nord puis Sud (Fig. 49), langue d’eau
appelée North Atlantic Down Water (NADW Fig.45) vire vers l’Est et, avec les
eaux des UCDW et LCDW (Fig.48) passe le Cap de Bonne Espérance. L’ensemble se
disperse dans l’Océan Indien et le Pacifique.
Les eaux de surface de la
gyre sud de l’Atlantique subissent aussi une rotation vers la gauche. Donc, de
Nord-Sud le long de l’Argentine elles deviennent Ouest-Est avec les hautes
latitudes et parallèle au courant Circum Antarctique (AAC) dans la figure 48).
Dans cette région Atlantique sud elles vont boucler la gyre atlantique, en
s’adjoignant les eaux de surface en provenance de l’océan Indien
(Fig. 49). L’ensemble est donc renvoyé vers l’équateur. Ces eaux
transitent alors pour partie, après une traversée océanique Est-Ouest , vers le
nord avec le Gulf-Stream et le courant Nord Atlantique.
Les eaux de l’océan
parcourent ainsi une sorte de tapis roulant (Fig. 48), le Great Ocean
Convoyer Belt de Wallace Broeker (#1990), largement responsable de la régulation
du climat planétaire et de la chimie des eaux océaniques.
Le trait de la côte est en perpétuel déplacement, en raison de
changements à courte période (marées), mais aussi et surtout sous l’effet de
variations climatiques et de l’activité interne de la planète. Les variations
du niveau marin ont en fait une quadruple origine :
1 -
Le bilan de masse des glaciers continentaux, qui résulte de la
compétition entre précipitations neigeuses et fonte ou sublimation ; Un
bilan global négatif conduit certes à un excédent d’eau, mais aussi à la
remontée de la bordure continentale soulagée de sa glace, et à l’inverse un
bilan positif stocke de l’eau solide (cryosphère) sur des continents
alourdis ;
2 -
La variation de température de l’eau de surface (500 premiers
mètres) et donc de son poids volumique, qui conduit à un gonflement -
dégonflement de l’océan (dilatation thermique des eaux).
3 -
La vitesse d’expansion des rides océaniques ; en équilibre
hydrostatique sur le manteau terrestre celles-ci sont d’autant moins denses et
donc plus large et peu profondes que la vitesse des plaques est importante,
traduisant une intense production de magma et de chaleur
4 -
Les mouvements verticaux d’ajustement isostatique des
continents, tels que les rebonds
post-glaciaires.
La
variation brutale du bilan de masse des glaciers continentaux est à l’origine
des variations brutales de forte amplitude (plus de 100m) du niveau marin comme
celles que l’on a enregistré sur les côtes d’Europe ou d’Amérique du Nord lors
des dernières glaciations ou déglaciations, et qui transformèrent par exemple
la Manche en une large vallée couverte par la toundra durant les périodes
glaciaires du dernier million d’années. La dernière déglaciation a démarré il y
a 20 000 ans, et malgré une courte période froide intermédiaire (Dryas) le
climat actuel est presque aussi chaud que durant les maximum interglaciaires.
Nous sommes donc en présence de phénomènes rapides.
L’impact de la variation de température de l’eau et de son poids
volumique est probablement ce que nous sommes en train de mesurer depuis ces
dernières décennies. En effet si la montée du niveau marin est clairement en
relation avec l’augmentation moyenne de la température de l’atmosphère, il
apparaît non moins clairement que cette montée des eaux n’est pas homogène,
(Fig. 50a, b, c) comme le soulignent A.
Cazenave et C. Cabanes en 2002
(Extrait de la Lettre n°14 du Programme International Géosphère
Biosphère-Programme Mondial de Recherches sur le Climat PIGB). Dès 2001, en s’appuyant sur des modèles climatiques couplant
océan et atmosphère, le Groupe Intergouvernemental pour l’Evolution du Climat (IPPC) estimait que la montée moyenne du niveau marin était de
En outre, l’élévation du niveau marin apparaît depuis 2007 comme
un phénomène plus complexe. Pour S. J. Holgate du Proudman
Oceanographic Laboratory à Liverpool, la moyenne d’élévation obtenue pour le
XX° siècle à partir mesures des marégraphes considérés comme les plus fiables
(anciens, situés loin de zones tectoniques mobiles dans des régions non susceptibles
de rebond post-glaciaire ; Fig. 50c ronds noirs) est de 17.4 mm
(donc dans la fourchette haute des autres estimations moyenne) mais le taux de
variation n’apparaît pas linéaire. Pour S. J. Holgate, il est
cyclique (Fig. 52), avec les taux d’élévation maximum en 1939 et en 1980,
déniant ainsi d’une part l’idée d’un accroissement progressif du taux
d’élévation de l’océan dans la fin du XX° et d’autre part celle d’une relation
simple entre élévation du niveau marin et teneur atmosphérique en CO2.
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plan
[1] Observez à cet égard le contrôle exercé par le talus continental Nord-américain sur le mélange avec les eaux froides sur la figure 25.
[2] Responsable du cycle de la mousson dans l’océan Indien,
[3] la pente de la thermocline de
[4] ; dans la figure, les fonds grisés sont pour une large
partie les marges continentales d’Eurasie et d’Amérique-Groënland. Dans le seil
Islandais, l’essentiel des haut-fonds sont d’origine volcanique océanique
[5] Le schéma est largement médiatisé par notre crainte
évoquée plus avant (§ E.3.a) de voir le Gulf Stream s’arrêter en raison du
réchauffement climatique. Cette question est largement reprise par la presse
car, deux articles de H. Bryden, H. Longworth et Stuart A.
Cunningham d’abord puis Cunningham et al. ensuite, concluaient que la
dérive méridionale atlantique (Meridional Overturning Circulation, MOC) s'est
ralentie de 30% entre 1957 et 2004. L’accent a été mis en 2007 par les mêmes
auteurs sur la grande variabilité annuelle et de cette gyre — moyenne annuelle 18.7 ± 5.6 sverdrups (1
Sv = 106 m3s-1) avec un débit variant
avec les saisons entre 4.0 et 34.9 Sv — estimant que « fondamentalement,
il faut encore 10 ans de mesures ininterrompues pour s’assurer que les
variations saisonnières sont bien connues et mettre en évidence les variations
interannuelles » de cette gyre. On voit donc clairement que toute annonce
dans ce domaine est encore largement prématurée.
Le
terme de Meridional Overturning Circulation, MOC est utilisé soit pour parler
de la circulation océanique dans cette région de l’océan mondial, soit en lieu
et place de l’ensemble de la circulation mondiale. Plus souvent on utilise le
terme de « Circulation ThermoHaline » (THC) ou encore « tapis
roulant » ou « Ocean Conveyor
Belt » § E3f