ENSM-SE / processus naturels / terre_ronde

CHAPITRE 3

La Terre vue par la géophysique

 

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Les premiers enregistrements des soubresauts qui agitent l'écorce terrestre datent de l'antiquité. Une stèle centrale portant une boule, des grenouilles bouche bée accroupies autour, ont suffi à enregistrer le passage de l'onde par la chute de la boule et la direction de sa propagation avec la grenouille gagnante (fig. 13).

De nos jours, on exprime l’intensité des séismes soit à partir de l’enregistrement de l’ébranlement (échelle de Richter), soit à partir de leur impact observé sur le bâti et les déformations naturelles (échelle de Mercalli).

 

1 - Les ondes émises par un ébranlement

Le comportement élastique d’un solide homogène (Fig. 14a) est complètement caractérisé par sa densité plus deux constantes d’élasticité :

1 -    Zone de Texte: Fig. 14a: modules d'élasticité
  K=-dP/(dV/V)=rdP/dr			m=ds/dg
 
le module d'incompressibilité

K = rdP/dr

qui caractérise la variation de volume ou de densité du milieu considéré en réponse à une variation de la pression P;

2 -    le module de rigidité

G = m/r

m=ds/dg est le module de cisaillement qui caractérise la déformation élastique (angle g du milieu considéré, sous l'action du cisaillement s).

On utilise aussi communément le module de Young E, relié au module de cisaillement par le coefficient de poisson (tableau 1).

a - ondes de volumes

Provoqué quelque part au voisinage de la surface lors d’un séisme, entre quelques dizaines de km de profondeur et plus rarement quelques centaines de km, dans le domaine de pression et de température dans lequel le matériau terrestre conserve un comportement fragile, l’ébranlement du solide terrestre en ce point sollicite son élasticité. Incompressibilité et cisaillement sont alors la source de deux ondes élastiques, respectivement une onde de compression-dilatation et une onde de cisaillement. Ces deux ondes vont se propager dans le corps de la planète (On parle d’ondes de volume) en une enveloppe « sphérique » (front d’onde) qui conserve sur l’ensemble de sa surface l’énergie de l’ébranlement dissipée au point source. L’amortissement de ces ondes est donc essentiellement lié à l’augmentation de la surface du front d’onde et très peu au déplacement de matière (Fig. 14b) en son point de passage :

1 -     les ondes de compression dilatation sont longitudinales, et traversent tous les milieux. Elles correspondent à un déplacement des particules parallèlement à la direction de propagation de l'onde, et provoquent une variation de volume. Elles sont dites ondes P, «premières» (car les plus rapides) et se propagent à la vitesse :

Vp= [(K + 4/3G)]0.5

2 -     les ondes de cisaillement (transversales) correspondent à un déplacement des particules perpendiculairement à la direction de propagation de l'onde. Il s'ensuit une distorsion sans changement de volume. Elles ne traversent pas les matériaux dont le module de cisaillement est nul (liquides). Elles sont dites ondes S, «secondes», et leur vitesse est

Vs= [G]0.5               (Vs<Vp).

Ondes de volume

Zone de Texte: Fig. 14b: ondes de volumes
 
 

b - ondes de surface

Lorsque, dans un corps fini, les ondes de volume atteignent sa surface, il apparaît par interférences constructives deux types d'ondes qui se propagent dans une épaisseur limitée au voisinage de la surface, et donc nommées ondes de surface ou ondes L, «Longues» en raison de leur faible vitesse (<Vs) (Fig. 14c):

1 -     1 - Les ondes de Love résultent d'interférences entre les ondes S, et correspondent à une oscillation polarisée de grande amplitude, dans le plan de la surface et perpendiculairement à la direction de propagation de l'onde;

2 -     Les ondes de Rayleigh résultent d'interférences entre les ondes P et S, et induisent une oscillation dans le plan perpendiculaire à la surface, avec un déplacement des particules selon une ellipse (houle).

Ondes de surface

 Zone de Texte: Fig. 14c: ondes de surface

 

Puisque les ondes sismiques se propagent à des vitesses différentes, elles sont enregistrées en des temps différents sur un sismographe situé en un point donné de la Terre, lorsqu'il est atteint par le front de l'onde considérée. Vp>Vs.  Les ondes P sont donc les Premières et les ondes S les Secondes (Fig. 15).

Zone de Texte:  Fig. 15 : Enregistrement du séisme de Santa Cruz 1989 par la station   de St Sauveur en Rue (Loire)

Les ondes longues L ou R arrivent plus tardivement. On notera que les ondes P ou S peuvent apparaître doublées à la suite de réflexions sur la surface terrestre (ondes PP ou SS, voir plus loin).

Zone de Texte: Fig. 16 : carte de la séismicité en France pour 2004.

 

2 - Distribution des séismes

26 / 12 / 2004 : manifestation paroxysmique de la relaxation des contraintes encaissée pendant un laps de temps de quelques 102 ans par une limite entre deux plaques. Le point de relaxation est précis (zone de subduction) et tous les séismes répliques qui suivront se distribueront dans la même surface, en se délaçant vers le Nord. L’analyse historique de l’ensemble des  séismes enregistrés depuis un siècle a en effet montré depuis longtemps le caractère inhomogène de la surface terrestre, comment les frontières de plaques sont secouées en permanence par des séismes alors que le cœur des plaques est beaucoup plus calme. La séismicité intraplaque est en effet généralement liée à un volcanisme dit « intraplaque » d’origine profonde dont le mécanisme est indépendant du fonctionnement des plaques. Nous ne reviendrons pas plus sur ce schéma bien établi et largement connu.

A l’échelle régionale, la carte de la France des séismes d’une seule année (Fig. 16) prouve combien la Terre est agitée de soubresaut, le plus souvent imperceptibles mais quasi permanents. Elle montre aussi la très forte inhomogénéité de localisation des épicentres, à cette échelle. Focalisés dans les deux zones orogéniques françaises, Alpes et Pyrénées, et  l’axe Rhône –Rhin –Mer du Nord qui témoigne de la déchirure de l’Europe au front de l’arc alpin, les séismes jalonnent ici aussi des limites de plaques continentales. Ces régions subissent chaque année en moyenne au moins un séisme d’intensité égale ou supérieure à 5, et quelques un par millénaire, d’intensité supérieure à 8 sur l’échelle de Richter (cf. $ Magnitude) qui peuvent être dévastateurs.

Il apparaît aussi sur cette carte un axe Bretagne Massif-Cenral, qui témoigne d’une sismicité plus diffuse mais néanmoins bien réelle.

En Bretagne, la magnitude des séismes dépasse rarement 4 ; la relaxation des contraintes encaissées par cette partie Ouest du craton européen est très largement guidée par des failles anciennes profondes, héritées de l’histoire hercynienne de cette région Fig 16b, qui a structuré l’écorce terrestre dans cette région du globe durant l’ère Primaire. Toutes les fractures ne sont pas reportées sur les cartes géologiques.

Fig. 16b Bretagne

La limite croûte manteau est anormalement peu profonde selon un axe Allier-Rhin (en pointillé sur la figure 16c). Il en est de même plus au sud sous l’axe vallée du Rhône. Cette partie du Massif Central est marquée par une séismicité diffuse (comme en Bretagne) à laquelle vient s’ajouter une séismicité historique relativement importante.

 

Fig. 16c massif central

 

La région de France métropolitaine la plus empreinte de séismicité est l’arc alpin (Fig 16d)

On observe clairement un arc sismique double venant buter au Sud sur l’axe Gap-Italie,  plus une ligne Sud Sud-Ouest, Nord Nord-Est au-delà d’une zone calme  située à l’Est de Grenoble – Chambéry Anney  - Lausanne.

 

Fig. 16d Arc alpin

Géologiquement ces structures séismiques correspondent, pour la zone de calme sismique, aux massifs cristallins externes (en rouge dans la Fig. 16e),

et pour les arcs, aux deux parties superficielle et profonde de l’épaississement crustal alpin, accompagné d’une remontée mantellique dans cette zone, le corps d’Ivrée.

Cet ensemble correspond à la limite entre la plaque Européenne et la plaque apulienne qui porte l’Italie.

La figure montre la section sismique verticale établie selon l’axe Ouest Sud-Ouest, Est Nord-Est figuré en noir.

L’échelle des couleurs est celle de la profondeur des foyers des séismes

 

Fig. 16e arc alpin

3 - La propagation des ondes

Les ondes sismiques obéissent aux lois de Descartes pour la propagation de la lumière, l’impédance acoustique rV (Poids volumique du milieu traversé x vitesse de l’onde) jouant ici le rôle de l’indice pour la lumière.

Par analogie avec l'optique, on utilise la normale au front d'onde pour définir le rai sismique, et la loi de Descartes pour décrire le parcours de ce rai, avec sin i /V = cte.

 

Trois types de propagations peuvent être distingués, correspondant

1)       à une arrivée directe. Pour un milieu tabulaire, l’équation du temps d’arrivée de l’onde réfractée en fonction de la distance est une droite

Fig. 17a

2)       à une arrivée réfléchie. O, démontre , pour un milieu tabulaire, que l’équation du temps d’arrivée de l’onde réfractée en fonction de la distance est une hyperbole

Zone de Texte: Fig.17b : L’expression de la fonction temps-distance, 
Dt = f(Dx), pour une onde issue de S dans le milieu à vitesse V1, réfléchie sur l’interface de séparation avec le milieu à vitesse V2 est une hyperbole admettant la fonction linéaire temps distance de l’onde directe pour asymptote 



  
  

3)       à une arrivée réfractée, correspondant en sismique au cas précis où l’onde incidente qui descend rencontre un milieu d’impédance plus grande (V plus grand) sous incidence critique. Le rai sismique réfracté voyage alors vite dans à l’interface avec le milieu sous-jacent à la vitesse de ce dernier, et renvoie vers la surface un rai sous la même incidence critique. On démontre, pour un milieu tabulaire, que l’équation du temps d’arrivée de l’onde réfractée en fonction de la distance est une droite

Zone de Texte: Fig.17c : une onde issue de S dans le milieu à vitesse V1, réfractée sous incidence critique génère une onde conique qui voyage dans l’interface de séparation avec le milieu à vitesse V2, à la vitesse V2.L’expression de la fonction temps-distance, Dt = f(Dx), est une droite tangente à l’hyperbole temps-distance de l’onde réfléchie, au point correspondant à la valeur d’incidence critique. En deça de ce point, aucune onde conique ne peut être générée.  
 
  

Zone de Texte: Fig 18 courbes temps vs distance
 
Lorsque l’on se place à l’échelle de la Terre et non plus à celle du milieu tabulaire théorique précédent, on constate (Fig. 18) à partir des courbes temps vs distance, que :

1- la vitesse moyenne des ondes de surface est quasi constante (de l’ordre de 4.4 Km/sec) avec l’éloignement de l’hypocentre (foyer du séisme)

2-  Par contre, la vitesse moyenne des ondes de volume augmente avec la distance au foyer, traduisant le fait qu’elles traversent des domaines de plus en plus « véloces ».

a - Rebroussement des ondes de volume

Si la Terre était constituée d’un matériau aux propriétés homogènes et isotropes autour du foyer, le front de l’onde créé par l’ébranlement serait sphérique (vitesse constante, quelle que soit la direction à partir du foyer). Mais il n’en est rien, car même si l’on considère que la Terre est constituée d’un seul matériau, celui-ci voit augmenter son poids volumique en raison de l’accroissement de pression avec la profondeur. Donc vers le bas, la vitesse moyenne de propagation croît avec la distance au foyer, et cela signifie que le front de l’onde qui traverse des domaines de plus en plus profonds est de plus en plus « en avance » sur le front sphérique. Il n’est donc plus sphérique mais ellipsoïdal (Fig. 19 à gauche).

Pour étudier l’effet de cette variation de vitesse avec la profondeur, considérons une Terre constituée d’un matériau aux propriétés sphéro-concentriques, qui sera discrétisée pour la commodité du propos en une suite de sphères homogènes emboîtées( Fig. 19 centre):

Zone de Texte: Fig. 19a : rais sismiques

pour un rai arrivant en P sur la surface sphérique de profondeur z sous l'incidence i avec la vitesse V, on écrira qu'il se réfracte à la vitesse V' sous l'angle r, tel que :

                 Sin i/V = Sin r/V'.

La figure 17b montre que

                              R sin r = R' sin i' = OQ

et donc       R sin i / V = R sin r /V' = R' sin i' / V'

La quantité R Sin i / V est constante le long du rai, on l'appelle le paramètre du rai.

 

La figure 17b montre à droite que lorsque la vitesse croît avec la profondeur, le rai est concave vers le haut. Au point le plus bas (sin i =1) la valeur du paramètre de rai p est égale à R/V.

Si l'on prend deux rais, PQ et P'Q', de paramètre p et p+Dp, qui parcourent respectivement les distances angulaires D et D+ dD, on a:

                   sin i= NP/PP'.

En posant dt, la différence de temps mis par les deux rais sur leur trajet on écrit :

 

   Sin i= Vdt/RdD.Le paramètre du rai PQ s'écrit alors :

p = dt/dD, pente de la courbe t= f(D)

b - La fonction temps –distance des ondes de volume

La figure 18 illustre à travers leurs courbes t-D les divers trajets possibles de rais sismiques des ondes de volume en milieu homogène, soit à vitesse constante (18a), soit lorsque V augmente de façon constante (Fig. 19b1) ce qui introduit le point de rebroussement pour chaque rai (↑).

La présence d'une zone d’accroissement de la vitesse (Fig. 19b2, ―) conduit à un rebroussement précoce (↑) et provoque l'apparition d'une région recevant le train d'ondes anormalement tôt (↓).

Inversement, la présence d'une région à basse vitesse (Fig. 19b3, ―) conduit à une incidence critique qui sépare en deux rais infiniment voisins, l’un étant rebroussé vers le haut (↓B), l’autre étant réfracté plus profondément avant d’être rebroussé lorsque la vitesse du milieu est remontée(↓C) ; Les rais un peu plus profonds, bénéficiant d’une vitesse accrue seront un temps rebroussés un peu avant C, et émergeront entre D et C puis au delà de C ; cela laisse une zone d'ombre qui ne peut recevoir de trains d'ondes partis de F.

En résumé, un ébranlement de l’écorce terrestre crée deux ondes de volume, P et S, susceptibles d’être polarisées-réfléchies et polarisées-réfractées chaque fois qu’elles rencontrent un contraste d’impédance acoustique, c’est à dire une variation brutale des caractéristiques pétrophysiques du milieu (Fig. 19-b2-b3 et Fig. 17 a-b). Il convient de ne pas confondre les caractéristiques pétrophysiques avec les caractéristiques pétrologiques (minéralogie) du milieu, car si une variation brutale de la minéralogie peut se traduire par une variation importante de l’impédance, elle ne l’impose pas nécessairement. C’est néanmoins largement grâce à l’analyse poussée des ondes sismiques, recherche d’hyperboles de réflexions, recherche d’ondes coniques que l’imagerie du sous-sol proche (quelques Km) permet aux pétroliers d’organiser l’exploitation de la ressource, gaz ou pétrole. A l’échelle de la Terre, l’ensemble des séismographes écoute notre planète en permanence, rendant possible la modélisation de l’intérieur de la Terre.

c – Le chant de la Terre : oscillations propres

Notons tout d’abord que, voyageant au voisinage de la surface terrestre les ondes de Love et de Rayleigh ne subissent pas d’augmentation de vitesse liée à la profondeur, ce qui explique que leur vitesse est à peu près constante ; en fait celle-ci dépend de la nature des matériaux traversés. Relativement rapides dans les matériaux massifs comme les roches de profondeur venues affleurer en surface (e.g. granites les basaltes etc.), leur vitesse chute des les matériaux sédimentaires meubles, contenant de l’eau ou de l’air ; la fréquence du signal s’abaisse, et son amplitude croît, rendant ces ondes cisaillantes (Love) ou elliptiques (Rayleigh) d’autant plus destructrices, dans les plaine alluviales par exemple.

En second lieu, les ondes de surface sont guidées entre la surface de la Terre et la base des couches superficielles qui composent la lithosphère. Lors des séismes forts, elles effectuent plusieurs fois le tour du de la terre, traçant des paquets d'ondes (fig. 20) se propageant en un cercle qui s’agrandit à partir de l’épicentre. En interférant entre elles, elles construisent des ondes stationnaires, qui oscillent à des fréquences qui ne dépendent que de la nature et de la structure interne de la Terre. La Terre résonne alors comme une cloche, avec une période fondamentale (grave) de 54 minutes, et des harmoniques qui décroissent jusqu’à quelques secondes (quelques fractions de Hertz), et une amplitude maximale de l’ordre du millimètre. On utilise l'analyse en fréquence des oscillations libres de notre planète comme un spectroscope pour en analyser les hétérogénéités.

d – Magnitude et Intensité d’un séisme

L’intensité d’un séisme est définie par les désordres qu’il engendre. Echelles de XII degrés, les échelles de Mercalli, puis MKS, puis échelle EMS 92 préfigurant de l'échelle EMS 98 utilisée depuis janvier 2000 par le BCSF (Bureau Central Sismologique Français), ces échelles expriment la façon dont la secousse a été ressentie et quels dégâts ont été observés (tableau 2).

Tableau 2 : :

degré

Secousse

I

imperceptible

II

à peine ressentie

III

faible

IV

ressentie par beaucoup

V

forte

VI

légers dommages

VII

dommages significatifs

VIII

dommages importants

IX

destructive

X

très destructive

XI

dévastatrice

XII

catastrophique

 

La magnitude d’un séisme quantifie l’énergie dissipée au foyer du séisme, sur une échelle logarithmique, échelle ouverte de Richter, qui utilise la hauteur de sa trace du séisme sur un enregistrement normalisé. Il existe plusieurs types de normalisation, utilisées en fonction de l’énergie dissipée, de la distance de l’épicentre, mais toutes sont comparables dans leur principe (Fig. 21). Dans le cas de cette figure, le séisme enregistré laisse une trace de 23 mm. Pour une distance à l’épicentre nulle  la valeur de 23 mm donne une magnitude de 2.2. Si l’on suppose que l’enregistrement a été fait à une distance de 400 km de l’épicentre, la magnitude atteinte par ce séisme est de l’ordre de 5.

 

 

4 - Hétérogénéités terrestres :  Le  modèle PREM

Zone de Texte: Fig 22 : Corrélations expérimentales entre vitesse des ondes et la densité de divers éléments
 
Pour établir précisément les trajets des ondes dans le globe (c’est à dire les profils de vitesse), il est nécessaire de disposer d'une relation entre l’incompressibilité, la densité, la pression et la température. Pour les régions profondes, que l’on peut considérer comme sphéro-concentriques en première approximation, nous disposons d’une relation entre incompressibilité, densité et pression, appelée équation d'état d'Adams-Williamson. Cette relation établie en 1923 par Adams et Williamson avaient pu montrer que compte tenu des densités de surface, de la densité moyenne, et des valeurs de K, la Terre devait être constituée d'au moins deux couches de densité très différente. Elle prévoit qu'à la profondeur z, la variation de densité dr avec la variation de profondeur dz est de la forme :

                   dr/dz=gr/F

Le paramètre sismique F est égal à K/r (K, module élastique d'incompressibilité). Connaissant, gz, rz et Fz à la profondeur z, les sismologues sont en mesure d'établir les profils des densités au sein de la planète.

Mais à faible profondeur, la Terre est trop hétérogène pour qu'une équation d'état entre ces divers paramètres suffise. A décrire les variations des ondes sismiques. On utilisera  pour cette région d’une autre loi, empirique, la Loi de Birch, qui relie directement la vitesse des ondes à la masse atomique moyenne des roches (indépendamment de leur composition minérale) et à leur densité (Fig. 22) mesurées pour des corps purs dans des conditions de pression variées. C’est aussi sur la base de ses expériences à haute pression que Birch put confirmer dès 1961 que les vitesses sismiques atteintes dans le noyau, de l’ordre de 10 km/sec étaient beaucoup trop faibles pour correspondre, aux pressions considérées, à un matériau mantellique. Par contre le Fer constituait un excellent candidat pour la constitution du noyau.

Ainsi outillés de relations densité-vitesse, les sismologues peuvent  maintenant construire le modèle inverse du trajet des ondes à travers la planète à partir des temps d'arrivée. Le modèle PREM (Preliminary Reference Earth Model), résume l'état de nos connaissances en la matière, en se basant sur les variations de la vitesse des ondes en fonction de la profondeur qui mettent en évidence plusieurs discontinuités (Fig. 23 & 24a-b) :

1 -     La discontinuité de Mohorovicic          séparant croûte et manteau (CMB pour crust-mantle boundary), entre 10 et 70 km par une augmentation brusque de la vitesse à la base de la croûte;

2 -     La discontinuité de Gutenberg              séparant manteau et noyau à 2900 Km par une chute brusque de vitesse de 13,6 à 8,1 km/s;

3 -     La discontinuité de Lehmann                séparant noyau et graine à 5100 Km par une augmentation rapide, de 9,5 à 11,2 km/s, précédée d’une petite diminution.

Ayant reconstitué ainsi les discontinuités majeures, on estime les sauts de densité (et donc de composition) qui en découlent, et l'on fournit enfin une appréciation de l'état physique (fluidité) des divers milieux rencontrés. Le comportement des ondes est à cet égard très pertinent. La présence d'une infime fraction liquide (<<1%) aux joints des grains d'un solide, ou le seul fait d'approcher de son point de début de fusion (solidus), suffit à provoquer une diminution de vitesse des ondes sismiques.

Zone de Texte: Fig. 23 : relations vitesse des ondes - profondeur

a -  La Croûte Terrestre.

Les principaux résultats concernant la constitution de la croûte ont été obtenus à partir des séismes proches de la surface ou par les séismes provoqués (prospection sismique des sédiments et sismologie expérimentale). Les forages fournissent une observation directe sur les premiers kilomètres ; guère plus de 1 km en milieu océanique, 4 à 5 km en milieu continental avec un record de 12 km atteint par l’ambitieux projet soviétique (à l’époque) d’atteindre le « Moho » sous la presqu’île de Kola. Les conditions P, T° sont telles que l’on se situe là à la limite de résistance du matériel de forage. Seuls les tirs expérimentaux ont pu apporter des résultats précis sur la croûte océanique et sur les divers segments la croûte continentale, boucliers anciens et bassins sédimentaires, zones plissées modernes, marges continentales actives et passives, arcs insulaires, etc.

En domaine océanique, sous une tranche d’eau variant de 2.5 à 5 km, la croûte est mince. En effet, la discontinuité de Mohorovicic se situe en moyenne à 10 ou 11 kilomètres au-dessous du niveau de la mer (pris en référence), donc l’épaisseur de la croûte peut être sensiblement inférieure à 5 Km, en particulier au droit des dorsales, sous lesquelles le « Moho » peut remonter de façon spectaculaire. La croûte océanique est constituée de 3 couches :

1 -     des sédiments à faible vitesse (VP environ 1.7 à 2.5 km/s) dont l’épaisseur augmente en s’éloignant des dorsales ;

2 -     une couche basaltique à fort gradient de vitesse (VP passe de 3.5 à 6.1 km/s) ;

3 -     une couche de nature plus variée: gabbro, l’équivalent largement cristallisé des basaltes sus-jacents ; amphibolite, l’équivalent métamorphisé des gabbros ou basaltes ; serpentine, péridotites transformées par hydratation. La vitesse des ondes P augmente très lentement (entre 6,4 et 7,1 km/s) dans cette 3° couche.

Dans la croûte continentale, sous les sédiments lorsqu’ils sont présents, on trouve partout une vitesse d’environ 6,2 km/s, que l’on attribue à des ondes coniques Pg propagées sous la limite supérieure du socle granitique. Les résultats concernant la partie profonde de la croûte sont beaucoup moins concordants. Toutefois, la vitesse moyenne observée (environ 6,3 km/s) suggère encore une nature granitique, avec des intrusions de roches à plus grande vitesse, probablement de nature plus basaltique. La croûte continentale est épaisse, avec de fortes variations :

1 -     Dans les plates-formes continentales, aux États-Unis, au Canada, en Australie, les épaisseurs connues sont comprises entre 35 et 37   kilomètres.

2 -     En France, son épaisseur est de l’ordre de 30 km dans le Massif central et le Bassin parisien. Elle chute à environ 20 km sous les fossés d’effondrement (Limagne d’Allier, vallée du Rhin) ;

3 -     Dans les zones de surrections de montagnes, en revanche, l’épaisseur de la croûte augmente; elle est estimée à 55 km dans les Alpes occidentales et atteint 70 km dans la Bernina, l’Hindu-Kúch et dans les montagnes de Kirghizie. Sous ces montagnes, on met en évidence la remontée anormale à faible profondeur de roches à grande vitesse de propagation (7,2 à 7,4 km/s) comme la zone d’Ivrea dans les Alpes occidentales. Elles pourraient représenter des morceaux de manteau jalonnant la suture entre les 2 plaques qui donnent naissance à ces chaînes de montagnes. Le relief terrestre résulte d’une part du contraste de densité entre croûte et manteau, et d’autre part des capacités des matériaux (croûte et manteau) à se déformer. On admet en général que la chaîne Himalaya n’est pas très éloignée de ce maximum.

A la limite du continent et de l’océan, dans les marges passives comme celles de l’Atlantique (pas de volcanisme, pas de fosse), la discontinuité de Mohorovicic remonte progressivement dans les marges continentales. Dans les régions de marges continentales actives (volcanisme et fosse sous-marine) à faible activité, ce schéma simpliste d’amincissement crustal reste globalement vrai : dans le golfe de l’Alaska par exemple, on observe le « Moho » à 29 km près de la côte, puis à 23-25 km sous le plateau continental, 13-15 km sous la fosse aléoutienne, et 9-11 km sous la plaine abyssale. Par contre cette discontinuité disparaît sous les guirlandes d’arcs volcaniques. Dans la marge active, des zones d’anomalies, comme la bordure orientale de la sierra Nevada (7,2 à 7,4 km/s) récemment découverte par la réfraction sismique, mettent en évidence la remontée de matériaux rapides.

b - manteau supérieur

Zone de Texte: Fig. 24a : modèle PREM
 
Dans le manteau supérieur, les ondes coniques Pn qui se propagent à sa limite supérieure (sous le réflecteur croûte–manteau), ont une vitesse voisine de 8,2 km/s tant sous les continents que sous les océans. Cela suggère que le manteau supérieur est un matériau homogène. La réalisation de grands profils sismiques à partir des explosions nucléaires souterraines (îles Aléoutiennes, Nevada, Sahara), à partir des tirs en mer, et à partir de séismes naturels, a mis en évidence l’organisation en couches concentriques du manteau supérieur et ses deux caractéristiques essentielles :

1 -     Zone de Texte: Fig. 24b : courbes densité, pression dans le modèle PREM
 
Il présente entre 125-140 km et 235 km une couche à faible vitesse mise en évidence par la diminution de la vitesse des ondes P et S (Fig. 23 et Tableau 3). Elle est appelée Low Velocity Zone (LVZ) ou asthénosphère car considérée comme ductile (astheno = sans force). En raison des conditions de pression et de température qui y règnent, c’est dans cette région de la Terre que les matériaux rocheux sont globalement le plus proche de leur point de fusion. Ils peuvent même localement fondre très partiellement (quelques %), et leur viscosité est donc particulièrement faible. C’est donc cette région du manteau supérieur qui permet la compensation isostatique des variations de poids dans la colonne rocheuse sus-jacente. Pour l’opposer à l’asthénosphère, on nomme Lithosphère l’ensemble de cette colonne rocheuse sus-jacente, à la fois plus hétérogène[1] et au comportement beaucoup plus fragile. Une remontée de la LVZ (asthénosphère) jusqu’au voisinage de la surface pourrait expliquer les anomalies de vitesse dans la zone d’Ivrea, sous le Massif central, ou encore sous les dorsales océaniques et les guirlandes d’îles volcaniques (foyers à la base de la couche). A l’inverse, la lithosphère à croûte océanique froide et rigide plonge sous les continents à partir des fosses océaniques.

2 -     Sa vitesse croît ensuite rapidement jusque vers 670 km, mais par paliers successifs. Chaque palier correspondrait alors à un assemblage de phases minérales, et les sauts à des transitions de phases. Celles-ci pourraient être de deux types. Jusqu’à 400 km environ, la structure de base des matériaux silicatés resterait celle que l’on connaît en surface, et au-delà ils acquerraient une structure plus dense. Toutefois, l’élément de base des silicates que nous connaissons, le tétraèdre SiO4, y serait conservé, nous y reviendrons au chapitre 4. Cette zone est souvent appelée zone de transition.

Rappelons que l’on appelle plaque lithosphérique la partie située au-dessus de la LVZ. Si la partie supérieure de la lithosphère a un comportement élastique, la partie inférieure présente un comportement déjà plus ou moins ductile. La Lithosphère associe donc :

1 -     La croûte terrestre, issue du fractionnement du manteau, de nature très variée selon son origine océanique ou continentale ;

2 -     La partie sommitale du manteau, suffisamment « froide » pour que ses propriétés mécaniques permettent de le désaccoupler du manteau convectif sous-jacent.

La limite inférieure de la lithosphère apparaît donc bien moins comme une limite chimique que comme l’isotherme de transition entre le manteau conductif (non adiabatique) et le manteau convectif adiabatique (TBL pour thermal boundary layer) et comme une limite rhéologique entre le manteau convectif et le manteau lithosphérique rigide (LAB pour Lithosphère-Asthénosphère Boundary). Une telle limite est susceptible de varier en profondeur de manière importante en fonction du flux de chaleur (venu du manteau convectif) qui traverse la base de la lithosphère. Toutefois, en raison même de son isolement souvent long vis à vis du reste du manteau, le manteau lithosphérique (en particulier sous-continental) est voué à une évolution particulière, nécessairement liée étroitement à l’histoire de la croûte sus-jacente. Au droit des continents surtout, on parlera donc à juste titre de

manteau lithosphérique subcontinental,

par opposition au manteau supérieur convectif appelé

manteau supérieur asthénosphérique

 

.Zone de Texte:   Tableau 3 :Vitesses et fréquences des ondes sismiques dans le manteau et dans le noyau.

c - manteau inférieur

Nous entrons dans le manteau inférieur avec une forte discontinuité située vers 670 km. Par rapport aux transitions de phases mises en évidence dans le manteau sus-jacent, celle-ci fait apparaître un saut de densité (rinf / rsup » 1.1) et un saut de viscosité (ninf / nsup >10 ) beaucoup plus importants. Pour les géochimistes, la composition chimique des deux manteaux peut être considérée comme significativement différente. Le manteau supérieur apparaît de nature péridotitique[2] alors que le manteau inférieur semble avoir gardé au moins en partie des caractères chimiques voisins de ceux des matériaux les moins différenciés que nous connaissions, les chondrites. Toutefois, cette différence de composition ne peut expliquer à elle seule le contraste physique observé. Le manteau est bien constitué de part et d’autre de la discontinuité à 670 km essentiellement de Silicium et d’Oxygène, et il faut donc que les silicates du manteau inférieur présentent une structure beaucoup plus compacte (structure octaédrique dite pérovskite, SiO6 cf. Chp. 4.C.1) que celle des silicates du manteau supérieur (structure tétraédrique SiO4). Le rôle séparateur de ce changement de phase est encore largement discuté de nos jours, car il intervient directement dans le mode de convection du manteau, soit à deux étages (deux sphères emboîtées convectant de manière indépendante), soit à un seul étage, et la distinction entre un manteau supérieur et un manteau inférieur n’aurait alors pas de signification majeure.

Deux couches caractérisées par des spectres de basses fréquences ont été mises en évidence dans le manteau inférieur :

1 -     la première, entre 620 et 950 km, constitue l’interface entre manteau supérieur et manteau inférieur (Fig. 23 & 24); elle se situe au voisinage de la profondeur à laquelle disparaissent les foyers sismiques, en partie sans doute dans la zone de passage de la structure spinelle à la structure pérovskite. Le devenir des plaques subductées, dont on perd la trace sismique à cette profondeur, n’est pas clair ;

2 -     la seconde, à la base du manteau, se manifeste par une rapide décroissance des fréquences dominantes vers une profondeur de 2850 km. Cette couche dénommée « D’’ », est actuellement l’objet d’une attention particulière. Elle reflèterait à la fois les interactions entre noyau et manteau, et le stockage profond de morceaux de plaques subductées.

Pour d’autres auteurs cette couche D’’ résulterait de la séparation par gravité des matériaux denses générés dans les premiers stades de la vie de la Terre. Nous avons noté que la fin de la période d’accrétion - différenciation  coïncide avec le maximum thermique de notre planète : collisions à grande vitesse, éléments radioactifs à vie longue abondants et éléments radioactif à vie courte encore présents. Comme pour la Lune (cf. Chp. 4.D.1.d), la partie supérieur au moins du manteau (ou sa totalité ?) était probablement un océan magmatique, en cours de cristallisation ; comme sur la Lune, cette cristallisation fractionnée à pu générer des continents de matériau feldspathique léger, et à l’opposé des matériaux cristallisés plus denses que le liquide. En sombrant vers le fond du réservoir, ces matériaux solides soumis à pression croissante pouvaient donner naissance à des assemblages plus denses que le liquide, voir même que le manteau non fondu. C’est dans ce type de scénario que certains auteurs recherchent la naissance de la couche D’’ encore mystérieuse.

d -  Le Noyau

Le réseau d'observatoires séismologiques mis en place à travers le monde à partir de la fin du XIX° permet de connaître le temps mis par une onde sismique pour parcourir une distance donnée. Dès 1906, Oldham constate que les ondes S captées au delà de 14000 km de l'épicentre d'un séisme sont en retard d'une dizaine de minutes sur le temps prévu. Il en déduit qu'il existe une structure interne centrale où les ondes sismiques se propagent moins vite. Mais le phénomène sismique planétaire le plus marquant est l'existence de la zone d'ombre créée par le noyau, mis en évidence en 1912 par  Gutenberg. Il observa qu’aucune onde P n'est détectée par les sismographes situés à des distances angulaires de l'épicentre comprises entre 105 et 142°, et parvint alors à estimer la profondeur du noyau à 2900 km. En effet, partant d'un foyer F (Fig. 25), les ondes P arrivent directement en tout point situé à une distance angulaire inférieure à 105°. Le rai correspondant à cette valeur effleure le noyau. A peine au-delà, il est réfracté dans le noyau sous l'angle limite, et émerge en surface à plus de 180°. Bien que le Noyau soit de très haute densité, les rais sont en effet réfractés, car les ondes sont très ralenties par l'état liquide du noyau. Pour des angles de plus en plus forts, le ralentissement induit d'abord un rebroussement des rais jusqu'à 142°. Ensuite, l'émergence est de nouveau croissante jusqu'à 180°. La région 105-142° ne reçoit donc aucun train d'ondes en provenance de F. En 1926, Sir Harold Jeffreys constate que l'amplitude des marées terrestres impose que la rigidité moyenne de la Terre, connue à travers la mesure des vitesses de propagation des ondes sismiques, est inférieure à celle du manteau. Il en déduisit que le noyau devait avoir une rigidité nulle, et donc  être liquide. La non propagation des ondes S dans le noyau est venue confirmer l’état liquide du noyau.

Dans les années 30, le perfectionnement des sismographes permet d'observer des ondes à faible amplitude. Parmi celles-ci,  les ondes notées PKIKP dans la figure 25 sont incompatibles avec l'hypothèse d'un noyau homogène. Dès 1936, Inge Lehmann en déduit l'existence d'une discontinuité à l'intérieur du noyau, la graine (1220 km de rayon). Les sismologues ont montré que le spectre des modes propres des oscillations de la Terre décrites plus avant (fig. 20) ne peut s'expliquer que si la graine est solide et légèrement plus dense que le noyau externe. La courbe de vitesse des ondes P (Fig. 23) illustre bien cette structure stratifiée du noyau:

1 -     Dans le noyau externe liquide, la vitesse des ondes P croît lentement ;

2 -     Le contact noyau-graine (noyau externe - noyau interne) est marqué par un petit ralentissement ;

3 -     L’entrée dans la graine solide provoque un fort gradient positif de la vitesse;

4 -     Peut-être une autre discontinuité est-elle marquée par une petite chute de vitesse, puis celle-ci croît lentement jusqu’au centre de la Terre.

L’étude encore très incomplète des spectres d’énergie montre également une structure stratifiée du noyau (Tableau 3 et Fig. 23), ainsi que des corrélations importantes entre les variations de vitesse des ondes P et les spectres de fréquence de ces ondes.

Animation

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[1] Elle est composée de manteau supérieur plus rapide et de la croûte (continentale ou océanique).

[2]Péridotite, roche constituée essentiellement de silicates magnésiens dont la fusion partielle est à l’origine des basaltes.