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Les aurores polaires, draperies de lumière mouvante rose à vert bleuté visibles sous les
hautes latitudes, ont longtemps hanté l’imaginaire humain. Elles constituent la
première manifestation observable de l'activité magnétique de la planète. On a
pu montrer par satellite et par des observations coordonnées aux deux pôles que
ces phénomènes y sont simultanés et partiellement symétriques.
1 - le champ magnétique terrestre,
La
boussole est un instrument connu en
Chine au début de notre ère, peut-être même au II° siècle avant J.C. Elle
n'arrive en Europe qu'à la fin du XII°. Roger Bacon (1216), puis Petrus
Pérégrinus (1269), notent que si l'aiguille aimantée pointe toujours
dans la même direction, il n'y a pas forcément un lien ni avec l'étoile
polaire, ni avec des masses de roches magnétiques, éparses sur la surface
connue de
En
un point donné de la surface terrestre et à un moment donné, le champ F est
défini (Fig. 26) par sa déclinaison D, son inclinaison I et son intensité,
qui varie de l'équateur au pôle, entre 33000 et 70000 nano Teslas actuellement.
Restons quelques
instants sur le champ dipolaire. Il pourrait avoir une origine externe tout
aussi bien qu’une cause interne. En première approximation, on admet qu'aucun
champ électrique ne perturbe le champ terrestre. Autrement dit, aucune ligne de
courant ne recoupe la surface de la Terre, Gauss considère que le champ
dipolaire de la Terre considérée comme une sphère de rayon R, peut être dérivé
du potentiel V, fonction qui satisfait aux équations de Laplace.
Le potentiel V, en un
point de la sphère peut alors être représenté par une série d'harmoniques
sphériques de degré n et d'ordre m de la forme:
Gauss montra en 1839 non
seulement que l'approximation selon laquelle aucun courant électrique extérieur
perturbant le champ terrestre était satisfaisante, mais qu'en outre les
coefficients ge et he pouvaient être considérés comme
nuls pour rendre compte de l'essentiel du champ dipolaire à la surface de
2 - Le champ déformé de la magnétosphère
En
s'éloignant dans l'espace, la magnétosphère
(cf. Chp. 5.C.2) est très
fortement déformée (Fig. 28a). Elle est confinée par la pression du
vent solaire (particules chargées, protons, électrons, ions H+, He2+,
constituant un plasma contenant en moyenne 10 particules/cm3) animé
d’une vitesse de quelques
La
déformation de la magnétosphère est permanente et considérable. Elle s’étend à
environ
En temps ordinaire,
l'essentiel du vent solaire est dévié par la magnétosphère et les particules
solaires ne parviennent pas jusqu’à l’ionosphère terrestre. Lors des tempêtes
solaires, le flux de particules est considérablement accéléré. Mesurée en 2001,
la vitesse des électrons atteignait
Lors
d'éruptions solaires particulièrement fortes, les satellites et les systèmes
électriques au sol peuvent être endommagés (on parle d’électrons tueurs de
satellites), les compas et les liaisons radios.
3 - Le champ terrestre est actif
En
1634, Gellibrand découvrit
que la déclinaison et l'inclinaison varient lentement avec le temps.
L'accumulation des relevés faits depuis lors a montré que la position des pôles
magnétiques terrestres a varié de façon importante (plusieurs dizaines de
degrés de longitude, (Fig. 30). Cette variation
séculaire du champ est trop rapide pour être expliquée par un phénomène
superficiel tel que la dérive des continents. On a longtemps attribué la variation
séculaire à un phénomène de précession du champ dipolaire (rotation de l'axe du
dipôle autour d'un axe constant, à la manière d'une toupie) mais les mesures
obtenues sur des fours de potiers datés (depuis le début du 1° Millénaire en
Europe) et conservés en place ne viennent pas s’aligner sur l’ovale espéré, infirmant cette hypothèse. La variation séculaire n’est pas
donc pas encore clairement expliquée de nos jours. En outre on a pu montrer
qu'en Europe occidentale, le champ magnétique a régulièrement décru depuis le
~VI° siècle jusqu’à sa valeur actuelle, perdant environ 50% de son intensité.
Fig. 30: variation séculaire du
champ magnétique |
On
sait depuis Pérégrinus que le champ propre des matériaux observés en surface
reflète le caractère ferromagnétique
de certains minéraux ferrifères qui les constituent. Contrairement aux
substances diamagnétiques ou paramagnétiques dont l’aimantation acquise sous
l’effet d’un champ extérieur cesse avec ce champ, les corps ferromagnétiques
sont capables d'enregistrer le champ
existant et de le conserver ensuite, sauf pour une valeur faible de ce
champ. L’aimantation J acquise par un corps ferromagnétique est fonction de
l’intensité du champ appliqué H, jusqu’à saturation de l’aimantation Js
(Fig. 31). L’aimantation acquise ne peut donc dépasser la valeur de Jc,
quel que soit H. Lorsque le champ appliqué H cesse, l’aimantation J décroît
jusqu’à Jr, aimantation rémanente, mais ne s’annule pas. On peut faire
disparaître cette aimantation rémanente en appliquant au corps aimanté un champ
inverse, dit coercitif (Hc). En faisant varier le champ H entre deux valeurs
identiques mais de sens opposé, on obtient ainsi une courbe fermée
d’aimantation appelée hystérésis. Les champs que l’on mesure sur des roches
contenant des minéraux ferromagnétiques sont donc des champs rémanents (fossiles), datant de leur cristallisation (e.g.
roches volcaniques) ou de leur sédimentation (orientation dans le champ durant
la chute vers le fond). L’aimantation rémanente des matériaux ferromagnétiques
est effacée par la température (point de Curie). La T° maximum du point de
Curie des minéraux terrestre (silicates ou oxydes) ne dépasse pas
4 - Un champ magnétique auto-entretenu
L'idée
d'un champ magnétique auto-entretenu fut proposée tout d’abord par Larmor
en 1919 pour expliquer le champ solaire. Cette idée fut reprise par Elsasser (1946) puis par Bullard à propos du champ
terrestre (1949). La dynamo-disque de Bullard (Fig. 32a) en explique le
principe : un disque conducteur tournant dans un champ magnétique initial
produit une force électromotrice; les charges, stockées à la périphérie du
disque sont évacuées par une spire coaxiale qui produit alors un champ qui
renforce le champ initial. La résistance du circuit et le sens des courants
induits (Lenz 1833) imposent une limite à l'accroissement du champ, mais la
dynamo produira un champ tant que le conducteur sera en rotation.
Dans
une sphère fluide conductrice mais non convective en rotation et soumise à un
champ initial il ne se passe rien car la distribution de la conductivité est
alors homogène. Par contre, le cas d'une sphère convective introduit une
hétérogénéité. Le conducteur y décrira des boucles simples, de la forme des
cellules de convection. On sait maintenant que ces premiers modèles étaient
erronés et qu’il faut considérer que cette sphère convective est en rotation. A
cette condition, il suffit que la vitesse du fluide soit suffisante (x10 km/an
dans le noyau) pour que la force de Coriolis puisse enrouler le
conducteur, qui décrira alors des spires tout en parcourant la boucle
convective, dessinant un tore (Fig. 32b).
La
figure montre comment les lignes de force d'un champ initial (poloïdal) sont
enroulées, donnant naissance à un champ toroïdal. Dans le Noyau terrestre, le
champ dipolaire (90% du champ) résulterait de ce champ toroïdal, lié à la
rotation de liquide et tend à convecter spontanément. Nous reviendrons
sur la composition du noyau au chapitre 4. On considère maintenant au
contraire, depuis Sakuraba & Kono, 1999,
que la convection purement thermique est un moteur possible pour notre
dynamo, et qu’il a fort bien pu présider seul à la convection du noyau
terrestre entièrement liquide durant les premiers âges de
Si
une dynamo auto-entretenue comme la dynamo de Bullard peut maintenir un champ
d'une polarité donnée, elle peut fonctionner aussi avec la polarité inverse. La
dynamo simple-disque de Bullard présente un fonctionnement constant et stable.
Par contre une dynamo à double disque, comme celle de Rikitake (Fig. 32c1)
montre des oscillations du champ et inversions spontanées des pôles
(Fig. 32c2). Depuis Brunhes au début du XX° siècle, on connaissait des régions
volcaniques anciennes dont le magnétisme rémanent montrait une polarité inverse
de celle du champ actuel, mais ce phénomène d’inversion des pôles a été
clairement mis en évidence sur terre avec l’exploration des océans dans les
années 1950 et 60 (Fig. 33) qui a montré que le plancher océanique est
constitué d’une succession de bandes parallèles de polarité alternée, N-S puis
S-N, etc. L’inversion des pôles magnétiques terrestre n’a rien de régulier. On
a pu mettre en évidence des durées de polarité très courtes de l’ordre de
100 000 ans et à l’opposé des durées très longues entre deux polarités, e
plusieurs dizaines de millions d’années. On n’a encore aujourd’hui fort peu d’idées
sur les raisons qui président à une telle diversité de la durée des polarités
du champ magnétique terrestre. Les mesures faites sur des piles de coulées
volcaniques montrent que la durée d’une inversion est de l’ordre de 5000 ans
environ et qu’elle s’accompagne d’un affaiblissement très important de
l’intensité du champ dipolaire, voir de sa disparition. Le chemin suivi par les
pôles magnétiques durant une inversion est longtemps apparu erratique.
Cependant, quelques inversions récentes du champ terrestre ont été bien
enregistrées lors des épisodes volcaniques contemporains. Ces séries
volcaniques ont été abondamment et précisément datées, et il résulte de ces
études que les pôles migreraient durant l'inversion en suivant des longitudes
privilégiées. Ce fait reflète peut-être les mouvements convectifs externes du
noyau. Nous y reviendrons dans la description du fonctionnement du noyau
(Chp. 4.A.3).
Le Soleil présente un comportement similaire organisé par le
cycle solaire de 22 ans (2 x 11ans). Galilée avait observé les taches solaires
(fig. 34). Il considérait qu'elles étaient des nuages flottant dans
l'atmosphère du soleil, obscurcissant un peu de sa lumière. En 1843, S. H. Schwabe annonce[1]
que le nombre de taches solaires varie de manière cyclique, atteignant son
apogée à environ tous les dix ans. R. Wolf passe plus de 40 ans à
fouiller les archives des observatoires astronomiques[2]
et parvient à reconstituer l'histoire de ces variations jusqu'à 1745. Il révise
alors la période du cycle pour l'établir à 11 ans (Fig. 35).
En 1897, Pieter Zeeman découvre qu’en
présence d’un champ magnétique fort, l’intensité de l'émission de lumière d’un
gaz surchauffé (émission aux longueurs d'ondes définies par les éléments qu’il
contient) est divisée en fonction de la force du champ en différentes longueurs
d'ondes. Les couleurs de la lumière émise à partir des taches solaires étaient
"divisées" exactement de cette façon. Corrélativement, les orages
magnétiques les plus puissants ont lieu durant les années où les taches
solaires sont les plus nombreuses.
George Elery Hale confirma la vraie nature magnétique des
taches solaires en 1908 et il
établit que
1 - que les grandes taches
solaires apparaissent en paires rapprochées, à peu près alignées dans la
direction de la rotation du Soleil ;
2 - que les polarités des
paires sont toujours opposées et quasi toujours ordonnées de la même manière
dans chaque hémisphère;
3 - que l'ordre des polarités est inversé d'un hémisphère à
l'autre;
4 - que les polarités s'inversent d'un cycle à l'autre.
Il observa aussi que le champ est si puissant (3000 fois plus
fort, près de la surface de la terre, que le champ terrestre) qu’il
ralentissait le flot de chaleur provenant de l'intérieur du soleil, causant les
taches plus sombres que le reste du soleil.
En 1919 Sir Joseph Larmor proposa la théorie
suivante : les champs des taches solaires étaient dus à ces courants
dynamos. Il suggéra qu'une chaîne fermée de cause à effet existait, dans
laquelle le champ créé par ces courants était aussi le champ qui les
rendait possible, le champ dans lequel le mouvement du plasma générait
les courants nécessaires. Beaucoup de caractéristiques de ces taches solaires
restent un mystère, mais l'idée de J. Larmor permit l'ouverture d'une ère de
nouvelle compréhension des processus magnétiques dans le noyau terrestre.
En 1957, on observa que le soleil était en train de subir une
inversion de ses pôles. Le passage d'un état stable à l'état stable inverse
dura 18 mois. Le mécanisme de ces
inversions est complexe et encore mal compris, mais elles sont la règle. Tous les 11ans à peu
près, à l'approche du maximum d’activité solaire, c'est-à-dire lorsque le
nombre des tâches est à son maximum, les pôles magnétiques échangent leur
place. Inversement, cette inversion est une bonne indication que le maximum
solaire est bien atteint. La dernière inversion enregistrée se situe lors du
pic du cycle 23, en 2001 et la prochaine devrait avoir lieu en 2012 mais le
cycle 24 est largement en retard (Chp. 5.B.1.c Fig. 19)
Les
étoiles et les planètes ont des champs magnétiques très variés. Le rôle de la
rotation du corps explique que le dipôle magnétique coïncide ou presque avec
l'axe de rotation du globe. Cette constatation a été faite sur Terre comme sur
les autres corps célestes émettant un champ actif (Tableau 4).
En 2007, D. Gubbins ∗,
A. P. Willis et B. Sreenivasan ont montré que les variations latérales du flux de
chaleur dans le manteau inférieur sont capables d’influencer l’activité de la
géodynamo. Le champ terrestre n’est pas seulement dipolaire. Il existe aussi un
champ quadripolaire relativement proche de l’équateur magnétique et à peu près
symétrique par rapport à celui-ci. L’intensité de ce quadripôle est beaucoup
plus faible que le champ dipolaire en temps normal. Au cours des inversions de
pôles, avec l’affaiblissement de l’intensité du champ dipolaire, c’est ce champ
quadripolaire qui deviendrait « majoritaire » (cf chp 4). Les deux dipôles
(sibérien et canadien) constitutifs de ce quadripôle sont présentés dans une
série d’animations,
qui montre flux magnétique obtenu en fonction des variations latérales
possibles du flux de chaleur (déduites des variations de vitesse des ondes S)
au sein du manteau inférieur au voisinage de la limite manteau noyau. Le champ
actuel est bien modélisé, la paire canadienne apparaît fixe alors que la paire
sibérienne est plus mobile, comme le suggère l’ensemble des observations sur
300ans. La morphologie du champ magnétique terrestre ne dépendrait donc pas
uniquement de la structure interne du noyau et de la graine, mais aussi de la
structure thermique du manteau inférieur.
Les 3 animations montrent le
champ quadripôle modélisé pour trois valeurs du rapport hétérogénéité du flux
de chaleur sur flux moyen sortant (Ra_H/Ra_V) de la couche limite entre le
noyau liquide et le manteau silicaté.
Animation
1 ratio = 0.9, hétérogénéité minimale
Animation
2 ratio = 0.6
Animation 3 ratio = 0.3,
hétérogénéité maximale
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