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CHAPITRE 4

Les enveloppes rocheuses de la Terre

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1 - L’Adéen, une naissance tourmentée

Rappelons que la grande majorité des astrophysiciens s’accorde à penser que durant sa prime jeunesse, la Terre, datée de 4.55 Ga par C. Pattierson en 1953, a grossi par accrétion à froid, selon un scénario d’évolution de la nébuleuse que nous emprunterons à D. Bockelée-Morvan et J. Crovisier (1993) et à A Brahic (1999).

 

a - Scénario d’une accrétion à froid en moins de 10 Ma ?

Résumons les 3 étapes développées au chapitre 2 (Fig.7-8 et 9 du Chp. 2) :

1 -     Le stade nébuleuse aurait été initié à l’occasion de la traversée d’un bras de notre galaxie (la Voie Lactée) par un nuage interstellaire. La compression qui en résulte aurait provoqué la fragmentation du milieu en globules de Bok et l’effondrement de ces globules. L’un d’entre eux était la nébuleuse ancêtre commun de notre Soleil et des planètes.

2 -     Le stade proto-Soleil, passage de la nébuleuse à l’étoile, implique une concentration de la matière à laquelle tout s’oppose : la température du gaz qui s’élève ; le champ magnétique qui s’intensifie ; la vitesse de rotation du nuage qui s’accélère. Les observations des pouponnières d’étoiles comme la nébuleuse d’Orion, et les modèles théoriques nous montrent qu’à ce stade, l’étoile émet un jet de plasma bipolaire représentant une perte importante de matière et de moment cinétique, ce qui rend l’effondrement possible. Cet effondrement donne une étoile très lumineuse, et concentre rapidement la matière en un disque équatorial. Pour les objets suffisamment massiques comme notre Soleil, l’effondrement gravitaire s’arrête lorsque la pression est assez forte et donc la température assez élevée pour permettre le démarrage de la fusion de l’hydrogène en Hélium (ensuite, tant qu’il restera de l’hydrogène à consommer, l’état de notre Soleil sera stationnaire). Mais l’étoile perd à ce moment de sa luminosité, et l’arrêt de l’effondrement se traduit donc aussi dans le gaz restant, par la chute de la température, et en cascade par la condensation de ce gaz en particules (grains). Près du Soleil se sont retrouvés condensés les composés réfractaires de Ca, Al, Mg, Ti, apparus les premiers en dessous de 2000°K. Ensuite, les silicates se sont condensés entre 1400 et 1000°K, puis les sulfures et les oxydes métalliques et, vers 300°K, est apparue la glace d’eau. Enfin aux alentours de quelques x10°K sont apparus des grains méthane. Dans ce disque en cours de refroidissement avait lieu des réactions chimiques dont la nature diffère avec la température, et donc aussi avec la distance au soleil. Les compositions, minéralogique et chimique, du système solaire actuel sont le reflet de cette différenciation première, conséquence directe de la variation de température dans le disque protoplanétaire.

3 -     Le stade d’accrétion des planètes est décrit à travers les modèles théoriques comme un événement très bref, moins de 100 Ma. La condensation chimique que nous avons évoquée au stade B ne permet pas de dépasser une taille d’objet supérieure à quelques x.Cm. Sans instabilités gravitationnelles locales, nous en serions encore à ce stade, mais fort heureusement, celles-ci provoquent rapidement la constitution d’agglomérats de grains de x.100m, les planètésimaux (moins de 10 Ma. selon Lugmaier et Shukolyukov 1998). Les collisions entre planètésimaux fabriquent des embryons planétaires de x.100 Km à quelques x.1000 Km. Les collisions provoquent tantôt la fragmentation des corps, tantôt leur fusion. Ce sont elles qui ont finalement donné aux planètes internes au moins leur axe et leur période de rotation initiaux. C’est bien sous l’égide d’Ades, en cette époque “ infernale ” de l’Adéen que commence la vie de notre planète, qui atteint sa masse actuelle entre 4.51 et 4.45 Ga. (Halliday 2000), et voit se différencier son noyau en moins de 30Ma ! (Yin et al. et Klein et al. 2002). Le cas des planètes géantes gazeuses est probablement différent. Il paraît difficile d’obtenir des planètes de cette taille par accrétion, et certains imaginent dans un scénario complètement différent qu’elles résultent directement d’effondrements gravitaires précoces au sein du disque protoplanétaire. En outre, l’existence d’un très grand espace, plus de 500.106 Km sans planète entre Mars et Jupiter[1] peut laisser à penser que Jupiter a été formée très tôt, et que sa très grande influence gravitaire aurait alors interdit la fabrication de corps importants dans cette région de l’espace, d’où une planète Mars très petite par rapport à la Terre, et une ceinture d’astéroïdes qui n’ont jamais réussi leur accrétion entre Mars et Jupiter. La localisation des objets les plus froids, les comètes, dans la ceinture de Kuiper et le nuage de Oort aux confins du système solaire fait de ces objets des planètésimaux qui ont échappé à l’attraction des planètes géantes en formation.

En 1995, C. J. Allègre, G. Manhès et C. Göpel ont précisé ce scénario général. Partant de la datation précise des corps les moins différenciés (donc les plus proches des planètésimaux connus) les inclusions réfractaires de la chondrite CI de Allende, on donne pour âge du début de l’effondrement de la nébuleuse solaire une fourchette de temps très étroite, 4.568-4.565 Ma. Or certaines achondrites basaltiques qui sont des météorites différenciées et donc ne peuvent provenir que de corps rocheux ayant déjà subi une fusion partielle et une ségrégation, sont à peine plus jeunes, de 8 Ma. seulement ! Il faut alors imaginer que notre scénario de formation des embryons planétaires à partir des planètésimaux peut se dérouler en moins de 8 Ma., un laps de temps extrêmement court. Il aura fallu que l'augmentation de la pression et de la température[2] du corps en cours d’accrétion aient été suffisantes pour amener ces embryons planétaires jusqu’à l'état liquide (ou à son voisinage).

 

b - Un vernis météoritique et cométaire tardif pour la Terre

Par similitude, on peut certainement rapporter la différenciation dans la Terre du noyau métallique à cette période hautement dynamique de l’accrétion planétaire, en raison sans doute de la forte densité du fer, mais aussi de l’état possiblement entièrement liquide auquel cet épisode tumultueux avait amené la Terre. Observé à travers les informations de la géochimie du manteau, cet épisode de fractionnement majeur dans notre planète paraît avoir eu lieu avant la fin de la phase d’accrétion planétaire. En effet, lorsque l’on mesure (depuis les années 70) les rapports des abondances en métaux nobles à leur teneur en fer dans les roches du manteau, remontées par les volcans ou exhumées par la tectonique, on constate qu’elles sont plus proches des rapports chondritiques qu’elles ne devraient. Si la différenciation avait eu lieu strictement après la phase d’accrétion, l’affinité de ces métaux vis à vis du fer étant variable (c. à d. la similitude de comportement avec le fer), cela aurait dû engendrer une ségrégation différentielle de ces métaux dans le noyau en cours de différenciation ? Ainsi, les métaux à affinité forte (e.g. Ir) ont dû être entraînés avec le fer dans le noyau, et inversement les métaux à affinité plus faible (e.g. Pd) ont dû « enrichir » le manteau ? Reprenant les évaluations du fer manquant dans le manteau actuel du début de ce chapitre, les rapports mesurés de ces métaux au fer dans le manteau, et enfin les mêmes rapports dans les chondrites supposées représenter la composition de la Terre avant la différenciation, les géochimistes concluent à un enrichissement du manteau, post-différenciation, qui représente le mélange du manteau déjà différencié avec 0.5 à 1% de matériel chondritique. On appelle « vernis tardif » l’héritage géochimique de cette période « finale » du bombardement météoritique et cométaire postérieure à la différenciation du noyau terrestre. C’est à cette période que l’on rapporte le rôle essentiel joué par le bombardement météoritique dans la composition de l’océan.

 

c - Mise en place du système solaire

L’accrétion récente des planètes, encore plongées dans un disque de gaz et de poussières, est un processus relativement instable. La masse du « cocon » de poussière et de gaz restant en fin de phase d’accrétion des planètes — et qui va continuer à s’accréter principalement à l’étoile naissante — est suffisante  pour entraîner les planètes géantes formées à proximité même de l’étoile. Pour Aurélien Crida (Observatoire de la Côte d’Azur), sur les plus de 250 exo planètes connues de nos jours, on observe que la plupart sont ainsi des géantes qualifiées de « Jupiters chauds », c'est-à-dire formées loin de l’étoile et rapprochées ensuite par interaction avec le disque gazeux. Les simulations récentes menées par l’auteur suggèrent que cette étape n’a pas eu lieu  dans le système solaire parce que Jupiter, la plus massique des deux géantes Jupiter et Saturne, est sur l’orbite la plus basse. Dans le cas inverse, Jupiter aurait poussé Saturne avec elle même dans une position  beaucoup plus chaude. Que serait-il advenu des planètes rocheuses internes ? L’éjection du système de l’une ou plusieurs d’entre elles devient alors tout à fait probable.

Le bombardement cométaire déjà évoqué pour la fin de l’accrétion terrestre a semble-t-il joué un rôle primordial dans le positionnement final des planètes. Les simulations conduites par A. Morbidelli et al . (Observatoire de la Côte d’Azur, 2006, 2007) proposent un scénario dans lequel, au départ, l’ensemble des 4 géantes est plus proche du Soleil  et la ceinture de comètes de Kuiper est, elle aussi, beaucoup moins éloignée que de nos jours. De ce fait, les géantes captures nombre de comètes, qu’elles absorbent ou dévient vers l’intérieur du système ; seuls Jupiter et le Soleil ont une masse suffisante pour les renvoyer vers l’extérieur, voire en éjecter une partie hors du système. Chaque fois qu’une comète est catapultée vers le Soleil, la conservation du moment cinétique  de la planète en cause lui impose un léger déplacement vers l’extérieur. Chaque comète expulsée par Jupiter tend au contraire à la déplacer vers l’intérieur. Selon les auteurs, le déplacement des planètes les auraient conduites à se situer un temps en résonance 2 :1 (Jupiter faisait alors 2 tours pendant que Saturne en faisant 1); cette résonance confère une excentricité croissante aux orbites des 2 planètes, perturbant ainsi celles de Neptune et d’Uranus. Initialement plus interne qu’Uranus, Neptune va ainsi dépasser Uranus et acquérir une excentricité temporairement maximale. C’est donc l’ensemble des interactions comètes-planètes durant la phase de nettoyage du disque stellaire qui aurait conféré aux orbites des planètes les caractéristiques qu’on leur connaît, et repoussé le reste de la ceinture de Kuiper de 15-30 UA à 38-50 UA, alors que les planètes gazeuses passaient respectivement de 5.5 à 5.2 UA pour Jupiter, 8 à 9 UA pour Saturne, de 13 à 30 UA pour Neptune et de 16 à 19 UA pour Uranus.

L’excentricité temporairement extrême acquise par Neptune au cours de cet période aurait déclenché une avalanche de 1016 tonnes de comètes, pour l’essentiel catapultées vers les planètes rocheuses et le Soleil. Une telle avalanche aurait duré de 30 à 100 Ma. et aurait aussi vidé partiellement la ceinture d’astéroïdes située entre Jupiter et Saturne. On retrouve la trace de cet  épisode de bombardement d’astéroïdes sur la Lune ; grâce aux roches collectées par les missions Apollo, il est daté à 3.9 Ga., soit 700 Ma. après la formation de système Solaire. Ce bombardement cométaire et météorique est aussi observé sur Terre, dans la géochimie du manteau terrestre (vernis tardif, § D1b), mais aussi dans l’abondance de l’eau sur notre planète.

 

d - Terre-Lune, le couple infernal

Pour W. Hartmann et D. Davis (1975), reprenant une hypothèse émise par R. Daly en 1946, c’est encore durant l’Adéen que le couple Terre Lune a été créé vers 4.5 Ga lors d’une capture violente d’un météore. Dans cette hypothèse, l’impact d’un météore de la taille de Mars sur la Terre serait à l’origine de ce couple. L’intérêt de cette théorie est de rendre mieux compte des contraintes géochimiques: leurs manteaux présentent des points de similitude troublant et des différences importantes. Les autres scenarii proposés à ce jour sont moins performants :

1-          Pour Georges Darwin (fils de Charles) la Lune était née de la fission de la Terre, arrachée au Pacifique en raison d’une rotation trop rapide. Trois objections peuvent être faites à cette théorie: l’orbite lunaire est inclinée de 5° sur le plan équatorial de la Terre; le moment cinétique du couple Terre Lune n’est pas assez élevé pour expliquer une instabilité de rotation; d’où viennent les différences chimiques entre Terre et Lune ?

2-          La capture douce de la Lune par la Terre : l’objection de l’orbite lunaire disparaît ; deux mécanismes sont possibles, soit une orbite initialement très rasante qui permet la dissipation de l’énergie cinétique en marées énormes et donc la capture de la Lune, soit l’existence préalable d’une première « Lune » autour de la Terre, permettant un échange de moment avec la Lune lors de sa capture et de l’éjection de la première « lune ». Mais nous n’avons aucune trace de cette première « lune », et quid des similitudes chimiques entre Terre et Lune

3-          Les deux planètes, sœurs jumelles, auraient grandi simultanément. Mais formées dans le même environnement par un processus similaire, on comprend très mal les différences chimiques de leurs manteaux.

Reste donc la capture violente d’un météore de la taille de Mars ! Pour qu’un scénario de ce type soit possible, les contraintes que cela impose à son orbite initiale suggèrent un objet d’une telle taille devait être déjà différencié au moment de l’impact, probablement en un noyau métallique et un manteau silicaté. Depuis une décennie, on envisage le scénario suivant (Fig. 24) :

 

1 -  à t=0                premier impact ;

2 -  à t=12’           Les noyaux restent individualisés, mais les manteaux fusionnent ;

3 -  à t=45’           Le météore déstructuré rebondit ; Il est alors constitué d’un mélange des manteaux des 2 corps et de son noyau;

4 -  à t=1h20’       une fraction du noyau s’est re-individualisée et se prépare à retomber sur la protoTerre ; le reste est satellisé autour de la proto-Terre ;

5-   à t= 4h07’      deuxième impact ; le noyau du météore va s’intégrer au noyau terrestre et augmenter la masse volumique moyenne de celle-ci ; la Lune va renaître de l’accrétion des fragments restés en orbite. La nature ferreuse du noyau lunaire est encore largement discutée, il pourrait aussi être silicaté.

Zone de Texte: Fig. 24, scénario d’une collision en 5 clichés : le noyau du météore rebondit avec un mélange des 2 manteaux.	 Le mélange reste sur orbite (future Lune), alors qu’une partie du noyau retombe sur Terre.
 
      t=0	                  t=12’	                                 t=45’                         t=1h20’                        t=4h07’
 Echelles des tailles et distances des corps non respectées

A supposer qu’ils aient été solides au moment de l’impact, on imagine que 65% de l’ensemble des 2 corps aurait pu fondre. la proto-Lune perd dans cette aventure une grande partie de son noyau au profit de la Terre, mais elle perd aussi dans le cosmos de une partie de ses constituants volatils en raison la chaleur dégagée ; elle présente de ce fait une surabondance des constituants réfractaires par rapport à la Terre. Cette perte d’une partie de la masse initiale la plus légère est probablement reflétée dans la masse volumique moyenne un peu élevée du couple Terre-Lune (cf. introduction).

Les continents lunaires (par opposition aux mers basaltiques plus récentes) paraissent constitués de matériaux silicatés alumineux riches en alcalins (Na, K, le feldspath). Globalement légers, ces continents de feldspath pourraient avoir été séparés par flottation, très tôt, à partir d’océans magmatiques (Fig. 25). On imagine que ces océans ont pu être créés soit par la catastrophe soit en conjonction avec la séparation du noyau lunaire, qui permet la récupération d’énergie gravitationnelle.

Lors de la phase d’accrétion des planètes, les objets plus petits ont été rassemblés à froid. Ils ne pouvaient être que peu ou pas différenciés, et contenaient donc une part non négligeable d'éléments volatils. Ceux-ci ont dû être incorporés en solution dans le manteau des planètes durant cette période. Mais la fin très chaude de cet épisode de l’histoire précoce des planètes telluriques fut très propice au dégazage du manteau. Au paragraphe histoire de l’atmosphère du chapitre 5, on montrera, grâce à l'étude isotopique des gaz neutres, qu’en effet l’essentiel de l'atmosphère terrestre s’est différenciée du manteau très tôt, avant 4.4 Ga et de façon brutale. Le reste des volatils dissous dans le manteau continue encore à rejoindre l’atmosphère, mais sur un tout autre rythme.

 

 

2 - Archéen, une convection mantellique rapide et des komatiites, chaleur oblige

Zone de Texte: Fig. 25 : Un océan de magma aurait enveloppé la lune. Durant les 100 Ma de sa cristallisation, les feldspaths, légers auraient constitué la croûte lunaire, les actuelles montagnes de la Lune. A l’opposé, olivine et pyroxènes seraient venus sédimenter au fond du réservoir, constituant progressivement le manteau lunaire. Sa fusion partielle ultérieure aurait donné les basaltes, constituant alors les mers lunaires, plus récentes et moins constellées d’impact .
 
Dès lors que la Terre fut différenciée en noyau, manteau et atmosphère, le gradient de pression dans le manteau est devenu comparable à ce qu’il est aujourd’hui. Par contre, le géotherme était considérablement plus élevé. La température de la surface de la géosphère était celle de l’atmosphère, soit 400 à 500°C au lieu des 13°C actuels. On peut penser que la vitesse de circulation dans les cellules convectives précoces (vers 4.3 Ga) dans ce manteau très fluide, permettait, sinon l’existence d’océans magmatiques comme il a pu en exister sur la Lune, au moins l’extraction très active par fusion partielle et flottation des mêmes matériaux silicatés alumineux riches en alcalins, donnant des embryons de croûte continentale.

Mais les conditions de température en surface vont se rapprocher très vite de celles que nous connaissons aujourd’hui, puisque l’on sait que la précipitation de l’océan s’est produite vers 4.1 Ga. ; les sédiments marins les plus anciens jamais trouvés (Ishua au Groenland), datés de 3.8 Ga, attestent de la précocité de l’océan terrestre. Néanmoins, la radioactivité mantellique plus abondante à cette époque imposait une température interne plus élevée, et en outre une grande partie de l’énergie initiale était encore disponible. Quel pouvait être l’état de ce manteau archaïque ? La géochimie des komatiites, roches volcaniques (sortes de basaltes très magnésiens) connues à une exception près seulement dans des terrains très anciens (entre 3.5 à 1.7 Ga, Archéen) , impose que le manteau dont elles sont issues était à cette époque environ 200° plus chaud que le manteau actuel. En effet ces roches, qui trouvent leur origine dans la fusion partielle de ce manteau vers 250 Km de profondeur, témoignent d’un taux de fusion de 30% environ. De nos jours la chaleur disponible à cette profondeur ne permet pas de dépasser un taux de quelques % (en tous cas moins de 10%) et induit un volcanisme chimiquement bien différent. On atteint de nos jours les 30% de fusion du manteau à des profondeurs bien moindres, moins de 100 km, et la composition des laves qui en résultent (basaltes des rides océaniques) est encore plus éloignée de celle des komatiites. La température des éruptions de Komatiite était de l’ordre de 1700°c contre 1200 pour les basaltes modernes, et la fluidité des laves était beaucoup plus grande.

On en conclue que la tectonique des plaques que nous connaissons devait être très différente à cette époque, et que vers 2 Ga la convection (et le mouvement des plaques) était encore certainement environ 10 fois plus rapide que les plaques d’aujourd’hui. Si la contribution de ce type de volcanisme à la création de la croûte terrestre précoce, en particulier en domaine océanique, a probablement été essentielle à cette époque, elle a presque totalement disparu de nos jours. Quant à l’extraction de la croûte continentale, a priori non recyclable, nous verrons qu’elle n’a dû démarrer significativement que vers 2.7 Ga. Jusque là la convection devait être la plus forte et le recyclage da la croûte dans le manteau devait être très important. Néanmoins nous connaissons des morceaux de continents plus âgés (e.g. Ishua, 3.8 Ga), mais d’autant plus rares qu’ils sont plus anciens.

 

 

3 - Le début des temps modernes vers 2 Ga

En résumé, après une naissance tourmentée, commencée à l’Adéen par une agrégation froide et achevée dans une débauche d’énergie, concentration du fer dans le noyau, tumulte des collisions de météores, naissance du couple Terre-Lune, la Terre inaugure avec le refroidissement de sa surface et la naissance de l’océan, un mode de fonctionnement toujours d’actualité : extraction des matériaux fusibles, par fusion mantellique partielle d’une part, et par introduction d’eau dans le système mantellique d’autre part. Même si les modes de fonctionnement de l’Archéen vont évoluer dans le détail, tous les ingrédients de la tectonique des plaques moderne sont réunis, et l’extraction des matériaux crustaux peut démarrer. Avec la fin des komatiites, vers 1.7 Ga, on peut considérer que la période archéenne prend fin. Néanmoins, le dernier épisode komatiitique connu, mis en place durant un volcanisme de point chaud classique il y a 90Ma seulement, nous montre malgré tout que des panaches profonds anormalement chauds peuvent peut-être encore venir heurter la lithosphère.

 

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[1] alors que les 4 planètes internes sont confinées dans un rayon de 230.106 Km seulement.

[2] Augmentation qui résulte à la fois de l'accroissement de taille et de la quantité d'énergie cinétique emmagasinée sous forme de chaleur lors des collisions.