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Les
enveloppes rocheuses de
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1 -
L’Adéen, une naissance tourmentée
Rappelons que la grande majorité des astrophysiciens
s’accorde à penser que durant sa prime jeunesse,
a - Scénario d’une
accrétion à froid en moins de 10 Ma ?
Résumons les 3 étapes
développées au chapitre 2 (Fig.7-8 et 9 du Chp. 2) :
1 - Le stade nébuleuse aurait été initié à l’occasion de la traversée d’un
bras de notre galaxie (la Voie Lactée) par un nuage interstellaire. La compression
qui en résulte aurait provoqué la fragmentation du milieu en globules de Bok et
l’effondrement de ces globules. L’un d’entre eux était la
nébuleuse ancêtre commun de notre Soleil et des planètes.
2 - Le stade proto-Soleil,
passage de la nébuleuse à l’étoile, implique une concentration de la
matière à laquelle tout s’oppose : la température du gaz qui
s’élève ; le champ magnétique qui s’intensifie ; la
vitesse de rotation du nuage qui s’accélère. Les observations des
pouponnières d’étoiles comme la nébuleuse d’Orion, et les modèles
théoriques nous montrent qu’à ce stade, l’étoile émet un jet de
plasma bipolaire représentant une perte importante de matière et de moment
cinétique, ce qui rend l’effondrement possible. Cet effondrement donne
une étoile très lumineuse, et concentre rapidement la matière en un disque
équatorial. Pour les objets suffisamment massiques comme notre Soleil,
l’effondrement gravitaire s’arrête lorsque la pression est assez
forte et donc la température assez élevée pour permettre le démarrage de la
fusion de l’hydrogène en Hélium (ensuite, tant qu’il restera de
l’hydrogène à consommer, l’état de notre Soleil sera stationnaire).
Mais l’étoile perd à ce moment de sa luminosité, et l’arrêt de
l’effondrement se traduit donc aussi dans le gaz restant, par la chute de
la température, et en cascade par la condensation de ce gaz en particules
(grains). Près du Soleil se sont retrouvés condensés les composés réfractaires
de Ca, Al, Mg, Ti, apparus les premiers en dessous de 2000°K. Ensuite, les
silicates se sont condensés entre 1400 et 1000°K, puis les sulfures et les
oxydes métalliques et, vers 300°K, est apparue la glace d’eau. Enfin aux
alentours de quelques x10°K sont apparus des grains méthane. Dans ce disque en
cours de refroidissement avait lieu des réactions chimiques dont la nature
diffère avec la température, et donc aussi avec la distance au soleil. Les
compositions, minéralogique et chimique, du système solaire actuel sont le
reflet de cette différenciation première, conséquence directe de la variation
de température dans le disque protoplanétaire.
3 - Le stade d’accrétion des planètes est décrit à travers les
modèles théoriques comme un événement très bref, moins de 100 Ma. La
condensation chimique que nous avons évoquée au stade B ne permet pas de
dépasser une taille d’objet supérieure à quelques x.Cm. Sans instabilités
gravitationnelles locales, nous en serions encore à ce stade, mais fort
heureusement, celles-ci provoquent rapidement la constitution
d’agglomérats de grains de x.100m, les planètésimaux (moins de 10 Ma.
selon Lugmaier et Shukolyukov 1998). Les collisions entre
planètésimaux fabriquent des embryons planétaires de x.100 Km à quelques x.1000
Km. Les collisions provoquent tantôt la fragmentation des corps, tantôt leur
fusion. Ce sont elles qui ont finalement donné aux planètes internes au moins
leur axe et leur période de rotation initiaux. C’est bien sous
l’égide d’Ades, en cette époque “ infernale ”
de l’Adéen que commence la vie de notre planète, qui atteint sa masse
actuelle entre 4.51 et 4.45 Ga. (Halliday 2000), et voit se
différencier son noyau en moins de 30Ma ! (Yin et al. et Klein
et al. 2002). Le cas des planètes géantes gazeuses est probablement
différent. Il paraît difficile d’obtenir des planètes de cette taille par
accrétion, et certains imaginent dans un scénario complètement différent
qu’elles résultent directement d’effondrements gravitaires précoces
au sein du disque protoplanétaire. En outre, l’existence d’un très
grand espace, plus de
En
b - Un vernis
météoritique et cométaire tardif pour la Terre
Par
similitude, on peut certainement rapporter la différenciation dans
c - Mise en place du système solaire
L’accrétion récente des
planètes, encore plongées dans un disque de gaz et de poussières, est un processus
relativement instable. La masse du « cocon » de poussière et de gaz
restant en fin de phase d’accrétion des planètes — et qui va
continuer à s’accréter principalement à l’étoile naissante —
est suffisante pour entraîner les
planètes géantes formées à proximité même de l’étoile. Pour Aurélien
Crida (Observatoire de la Côte d’Azur), sur les plus de 250 exo
planètes connues de nos jours, on observe que la plupart sont ainsi des géantes
qualifiées de « Jupiters chauds », c'est-à-dire formées loin de l’étoile
et rapprochées ensuite par interaction avec le disque gazeux. Les simulations
récentes menées par l’auteur suggèrent que cette étape n’a pas eu
lieu dans le système solaire parce que
Jupiter, la plus massique des deux géantes Jupiter et Saturne, est sur
l’orbite la plus basse. Dans le cas inverse, Jupiter aurait poussé
Saturne avec elle même dans une position
beaucoup plus chaude. Que serait-il advenu des planètes rocheuses
internes ? L’éjection du système de l’une ou plusieurs
d’entre elles devient alors tout à fait probable.
Le bombardement cométaire
déjà évoqué pour la fin de l’accrétion terrestre a semble-t-il joué un
rôle primordial dans le positionnement final des planètes. Les simulations
conduites par A. Morbidelli et al . (Observatoire de la Côte
d’Azur, 2006, 2007) proposent un scénario dans lequel, au départ,
l’ensemble des 4 géantes est plus proche du Soleil et la ceinture de comètes de Kuiper est, elle
aussi, beaucoup moins éloignée que de nos jours. De ce fait, les géantes
captures nombre de comètes, qu’elles absorbent ou dévient vers
l’intérieur du système ; seuls Jupiter et le Soleil ont une masse
suffisante pour les renvoyer vers l’extérieur, voire en éjecter une
partie hors du système. Chaque fois qu’une comète est catapultée vers le
Soleil, la conservation du moment cinétique
de la planète en cause lui impose un léger déplacement vers
l’extérieur. Chaque comète expulsée par Jupiter tend au contraire à la
déplacer vers l’intérieur. Selon les auteurs, le déplacement des planètes
les auraient conduites à se situer un temps en résonance 2 :1 (Jupiter
faisait alors 2 tours pendant que Saturne en faisant 1); cette résonance
confère une excentricité croissante aux orbites des 2 planètes, perturbant
ainsi celles de Neptune et d’Uranus. Initialement plus interne
qu’Uranus, Neptune va ainsi dépasser Uranus et acquérir une excentricité
temporairement maximale. C’est donc l’ensemble des interactions
comètes-planètes durant la phase de nettoyage du disque stellaire qui aurait
conféré aux orbites des planètes les caractéristiques qu’on leur connaît,
et repoussé le reste de la ceinture de Kuiper de 15-30 UA à 38-50 UA, alors que
les planètes gazeuses passaient respectivement de 5.5 à 5.2 UA pour Jupiter, 8
à 9 UA pour Saturne, de 13 à 30 UA pour Neptune et de 16 à 19 UA pour Uranus.
L’excentricité
temporairement extrême acquise par Neptune au cours de cet période aurait
déclenché une avalanche de 1016 tonnes de comètes, pour
l’essentiel catapultées vers les planètes rocheuses et le Soleil. Une telle
avalanche aurait duré de 30 à 100 Ma. et aurait aussi vidé partiellement la
ceinture d’astéroïdes située entre Jupiter et Saturne. On retrouve la
trace de cet épisode de bombardement
d’astéroïdes sur la Lune ; grâce aux roches collectées par les
missions Apollo, il est daté à 3.9 Ga., soit 700 Ma. après la formation de
système Solaire. Ce bombardement cométaire et météorique est aussi observé sur
Terre, dans la géochimie du manteau terrestre (vernis tardif, § D1b), mais
aussi dans l’abondance de l’eau sur notre planète.
d - Terre-Lune, le couple infernal
Pour W. Hartmann et D. Davis (1975), reprenant une hypothèse émise
par R.
Daly en 1946, c’est encore durant l’Adéen que le couple Terre Lune
a été créé vers 4.5 Ga lors d’une capture violente d’un météore. Dans
cette hypothèse, l’impact d’un météore de la taille de Mars sur la
Terre serait à l’origine de ce couple. L’intérêt de cette théorie
est de rendre mieux compte des contraintes géochimiques: leurs manteaux
présentent des points de similitude troublant et des différences
importantes. Les autres scenarii proposés à ce jour sont moins
performants :
1-
Pour Georges Darwin (fils de
Charles) la Lune était née de la fission de la Terre, arrachée au Pacifique en
raison d’une rotation trop rapide. Trois objections peuvent être faites à
cette théorie: l’orbite lunaire est inclinée de 5° sur le plan équatorial de la
Terre; le moment cinétique du couple Terre Lune n’est pas assez élevé pour
expliquer une instabilité de rotation; d’où viennent les différences
chimiques entre Terre et Lune ?
2-
La capture douce de
3-
Les deux planètes, sœurs jumelles,
auraient grandi simultanément. Mais formées dans le même environnement par un
processus similaire, on comprend très mal les différences chimiques de leurs
manteaux.
Reste donc la capture
violente d’un météore de la taille de Mars ! Pour qu’un
scénario de ce type soit possible, les contraintes que cela impose à son orbite
initiale suggèrent un objet d’une telle taille devait être déjà différencié
au moment de l’impact, probablement en un noyau métallique et un manteau
silicaté. Depuis une décennie, on envisage le scénario suivant (Fig. 24) :
1 - à t=0 premier impact ;
2 - à t=12’ Les noyaux restent individualisés,
mais les manteaux fusionnent ;
3 - à t=45’ Le météore déstructuré rebondit ;
Il est alors constitué d’un mélange des manteaux des 2 corps et de son
noyau;
4 - à t=1h20’ une
fraction du noyau s’est re-individualisée et se prépare à retomber sur la
protoTerre ; le reste est satellisé autour de la proto-Terre ;
5- à t= 4h07’ deuxième
impact ; le noyau du météore va s’intégrer au noyau terrestre et augmenter
la masse volumique moyenne de celle-ci ; la Lune va renaître de
l’accrétion des fragments restés en orbite. La nature ferreuse du noyau lunaire
est encore largement discutée, il pourrait aussi être silicaté.
A supposer qu’ils aient été solides au
moment de l’impact, on imagine que 65% de l’ensemble des 2 corps
aurait pu fondre. la proto-Lune perd dans cette aventure une grande partie de
son noyau au profit de la Terre, mais elle perd aussi dans le cosmos de une
partie de ses constituants volatils en raison la chaleur dégagée ; elle
présente de ce fait une surabondance des constituants réfractaires par rapport
à la Terre. Cette perte d’une partie de la masse initiale la plus légère
est probablement reflétée dans la masse volumique moyenne un peu élevée du
couple Terre-Lune (cf. introduction).
Les continents lunaires (par opposition aux mers
basaltiques plus récentes) paraissent constitués de matériaux silicatés alumineux riches en alcalins (Na, K, le
feldspath). Globalement légers, ces continents de feldspath pourraient avoir
été séparés par flottation, très tôt,
à partir d’océans magmatiques (Fig. 25). On imagine que ces océans ont pu
être créés soit par la catastrophe soit en conjonction avec la séparation du noyau
lunaire, qui permet la récupération d’énergie gravitationnelle.
Lors de la phase d’accrétion des planètes, les objets plus
petits ont été rassemblés à froid. Ils ne pouvaient être que peu ou pas
différenciés, et contenaient donc une part non négligeable d'éléments volatils.
Ceux-ci ont dû être incorporés en solution dans le manteau des planètes durant
cette période. Mais la fin très chaude de cet épisode de l’histoire
précoce des planètes telluriques fut très propice au dégazage du manteau. Au
paragraphe histoire de l’atmosphère du chapitre 5, on montrera, grâce à
l'étude isotopique des gaz neutres, qu’en effet l’essentiel de l'atmosphère terrestre s’est différenciée du
manteau très tôt, avant 4.4 Ga et de façon brutale. Le reste des volatils
dissous dans le manteau continue encore à rejoindre l’atmosphère, mais
sur un tout autre rythme.
2 -
Archéen, une convection mantellique rapide et des komatiites, chaleur oblige
Dès lors que
Mais les conditions de température en surface vont se rapprocher très
vite de celles que nous connaissons aujourd’hui, puisque l’on sait
que la précipitation de l’océan s’est
produite vers 4.1 Ga. ; les sédiments marins les plus anciens jamais
trouvés (Ishua au Groenland), datés de 3.8 Ga, attestent de la précocité de l’océan
terrestre. Néanmoins, la radioactivité mantellique plus abondante à cette
époque imposait une température interne plus élevée, et en outre une grande
partie de l’énergie initiale était encore disponible. Quel pouvait être l’état
de ce manteau archaïque ? La géochimie des komatiites, roches
volcaniques (sortes de basaltes très magnésiens) connues à une exception
près seulement dans des terrains très anciens (entre 3.5 à 1.7 Ga, Archéen) ,
impose que le manteau dont elles sont issues était à cette époque environ 200°
plus chaud que le manteau actuel. En effet ces roches, qui trouvent leur
origine dans la fusion partielle de ce manteau vers
On en conclue que la tectonique des plaques que nous connaissons
devait être très différente à cette époque, et que vers 2 Ga la convection (et
le mouvement des plaques) était encore certainement environ 10 fois plus rapide
que les plaques d’aujourd’hui. Si la contribution de ce type de
volcanisme à la création de la croûte terrestre précoce, en particulier en
domaine océanique, a probablement été essentielle à cette époque, elle a
presque totalement disparu de nos jours. Quant à l’extraction de la croûte
continentale, a priori non recyclable, nous verrons qu’elle n’a dû
démarrer significativement que vers 2.7 Ga. Jusque là la convection devait être
la plus forte et le recyclage da la croûte dans le manteau devait être très
important. Néanmoins nous connaissons des morceaux de continents plus âgés
(e.g. Ishua, 3.8 Ga), mais d’autant plus rares qu’ils sont plus
anciens.
3 - Le
début des temps modernes vers 2 Ga
En résumé, après une naissance tourmentée, commencée à l’Adéen
par une agrégation froide et achevée dans une débauche d’énergie,
concentration du fer dans le noyau, tumulte des collisions de météores,
naissance du couple Terre-Lune,
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